Extrait d’un journal de lutte fait à Toulouse, Alès, Marseille et ailleurs diffusé à plusieurs dizaines de milliers d’exemplaires.
Nous sommes tous pour garder le panache des
blocages de ronds-points des premiers jours. Sur ces blocages, on a découvert
que beaucoup de gens vivaient la même chose que nous, les mêmes galères et
mêmes certaines sur lesquelles on avait oublié de mettre des mots. On a aussi
redécouvert nos villes et on s’est surpris à voir que nos allers-retours au
boulot, nos discussions au magasin, nos échanges avec les collègues servaient
maintenant d’informations pour une cartographie des points névralgiques à
bloquer pour foutre la merde. Mais au bout de deux mois, nous sommes tous
confrontés au même constat : on manque de gens, on manque de temps. Et
l’intervention systématique des flics nous épuise donc deux fois plus. Mêmes
les blocages dits « stratégiques », ceux qu’on avait décidés dans un souci
d’optimisation, on n’arrive pas à les tenir plus d’une journée.
LE TRAVAIL N’EST PAS UNE PARENTHÈSE
On ne peut pourtant pas dire qu’on manque de détermination. Le problème, c’est que pour beaucoup d’entre nous, on a cramé nos arrêts maladies, nos congés payés, et qu’on doit retourner bosser. Le travail devient un obstacle dans notre engagement. On y va pour prendre le salaire et on repart illico presto sur les ronds-points pour voir les camarades. Pourtant, il y en a des gilets jaunes dans les boîtes pour lesquelles on travaille. Ça discute à la pause, ça se mate les vidéos des affrontements du samedi dernier, le temps d’en griller une. On s’attarde à commenter les exploits d’untel et puis c’est l’heure de retourner à notre poste. On met entre parenthèses nos envies de monde meilleur et on écoute le chef.
Comme si les problèmes s’arrêtaient à la porte de l’entreprise. Comme si ce n’était pas le patron qui nous payait une misère, qui rechignait à payer les heures sup, qui nous demandait de « faire des efforts » pour le bien de son entreprise, pour le bien de son ventre. Comme si tout ce qu’on dénonce d’injustice sociale, d’exploitation des humains et de la planète par les riches, on ne le voyait pas se fabriquer sous nos yeux, sous nos mains. Et pour ceux qui bossent
dans la logistique, le patron fait peser sur les travailleurs les retards liés à nos blocages en leur demandant de travailler plus vite sans aucune contre-partie. C’est la même chose pour les organismes sociaux (CAF, Sécu, Pôle emploi) pour lesquels on cotise, qui nous menacent de sanctions financières au moindre écart pour faire des économies sur notre dos. Partout, on essaie d’attaquer nos conditions de vie. La grève, c’est donc le pas à franchir pour approfondir le mouvement et pour respirer. La grève libère. La question : comment on démarre ?
LYCÉE JEUNE PARLE À GILET JAUNE
Mi-décembre, les lycéens ont montré la voie. Et si le thème mis en avant était la réforme Parcoursup qui est une vraie saloperie, la réalité c’est que les lycéens qui sont passés à l’action le faisaient également pour se joindre aux gilets jaunes. Pour pouvoir le faire, ils ont décidé de bloquer leur établissement. Ce blocage, c’était un piquet de grève. Les lycéens faisaient grève et ils disaient : nous ne sommes pas lycéens aujourd’hui, nous sommes en lutte. Ils bloquaient leur établissement pour se libérer la journée, pour casser la répression administrative et policière, la pression des profs, la morale de certains parents. Et ils allaient retrouver ou débrayer les lycéens d’autres établissements pour placer le rapport de force à un niveau tel que tout établissement particulier qui se risquerait à réprimer ses élèves subirait la vengeance de milliers de lycéens.
Maintenant, remplacez dans le paragraphe ci-dessus ‘’lycéen’’ par ‘’travailleur’’ et ‘’établissement’’ par ‘’entreprise’’.
LA GRÈVE, ÇA SE PAIE !
Sauf que la grève du travail, ce n’est pas tout à fait la même chose que la grève des études. Puisque les lycéens ne produisent pas, ils ne subissent pas la même pression que ceux qui taffent. « Dans le secteur privé, un mouvement de grève peut être déclenché à tout moment. Les salariés qui veulent utiliser leur droit de grève n’ont pas à respecter de préavis. Une grève est licite même si elle n’a pas été précédée d’un avertissement ou d’une tentative de conciliation avec l’employeur. L’employeur doit cependant connaître les revendications professionnelles des salariés au moment du déclenchement de la grève. Les salariés ne sont pas tenus d’attendre le refus de leur employeur de satisfaire à leurs revendications pour entamer la grève. Le salarié gréviste n’est pas tenu d’informer son employeur de son intention d’exercer son droit de grève. »
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