Publié le 2 mai 2020
La commune libre s’organise pour repenser l’interdépendance entre ses habitants afin qu’une organisation choisie et construite collectivement se fasse dans les domaines qu’ils jugent nécessaires (alimentation, énergie, organisation interne, philosophie, etc.). Les «communes libres» pensent leur relation avec le système dans une optique de libération ou de questionnement vis-à-vis des dépendances imposées (travail, voiture, loyer, dettes, crédits, mœurs, etc.).
Pour voir fleurir des communes libres dans les quartiers, les villes, les villages, sur les lieux à défendre ou à préserver, il faut penser une auto-organisation qui permette à celles et ceux qui en font le choix de sortir du quotidien qu’ils connaissaient, de manière durable, en envisageant le présent non plus sous l’angle de la survie, mais sous celui de la vie.
Pour un fédéralisme de communes libres
vers un communalisme arborescent polyphonique et libertaire
Deuxième contribution au mouvement social en préparation
«La commune est la cellule vivante qui forme l’unité de base de la vie politique et de laquelle tout procède : la citoyenneté, l’interdépendance, le fédéralisme et la liberté.» – Murray Bookchin
Avant propos
On ne va pas revenir en longueur sur la situation. Le confinement mondial des libertés a mis en pause les différents mouvements sociaux là où les injustices et inégalités sociales, écologiques et politiques sont d’autant plus visibles et exacerbées partout dans le monde. La Terre respire provisoirement, avant de replonger dans l’aberration de l’action humaine. Retour à la normale en marche forcée du système pour sauver la croissance, l’économie et les multinationales… Beaucoup suivront car il faut bien se nourrir et survivre…
Les inégalités sociales, sur la même période, ont fait déjà bien plus de morts que la pandémie elle-même et la suite sera pire, bien pire. Les mouvements sociaux grondent, s’organisent et partout on sent que la tempête arrive. Comme d’habitude, ils seront désorganisés, auront des finalités différentes, des moyens d’action différents et souvent s’opposeront. Une fois n’est pas coutume non plus, l’État et le système sont prêts, tant au niveau de leurs forces de répression que dans l’arsenal communicationnel des grands médias.
Se fédérer et se compléter, ou accepter la défaite (encore?)
Nous sommes très nombreux à être conscients que n’avons plus beaucoup de temps pour réagir.
Plus le temps sur le plan climatique : la crise que nous traversons est «la bande-annonce» de ce qui nous attend.
Plus le temps sur le plan social, tant la stratégie du choc a fonctionné à plein durant la période, attaquant partout le peu d’acquis sociaux restants.
Plus le temps non plus sur le plan politique, car leur monde d’après entouré de drones et de restrictions des libertés de toutes sortes ne semble pas présager l’avènement de la démocratie réelle.
Pour autant, parmi nous, les stratégies divergent : électoralisme, démocratie radicale, renversement politique, municipalisme, désertion massive, insurrection, révolution, etc.
Les tactiques mises en œuvre également : actions non violentes, actions radicales, blocages, grève, sabotage, ciblage, etc.
Acceptons-le! Ne cherchons plus à nous imposer telle finalité ou tel mode d’action, fédérons-nous et complétons-nous! Sinon leur monde d’après, déjà prêt, bien emballé et bien protégé sera le seul que nous connaîtrons.
Les mouvements sociaux à venir pourront avoir comme bases arrières les places, les ronds-points et tout autre lieu dont la réappropriation sera jugée utile. Ils seront seuls maîtres de leurs devenirs et de leurs organisations. Profitons du confinement pour lancer des pistes de réflexion, expliquer des finalités possibles, des modes d’action et trouver le moyen de se tolérer pour que les mondes d’après vivent et que nous achevions le leur.
Les communes libres, une destination des mondes d’après?
On peut entendre, par commune, aussi bien un espace géographique défini administrativement qu’un espace auto-organisé par ses habitant·e·s. Elle peut se révéler dans un quartier – quelle que soit sa taille –, dans une zone à défendre, un village, des fermes, un ensemble de personnes sur une zone ou autour d’une idée ou d’une affinité.
La commune libre s’organise pour repenser l’interdépendance entre ses habitants afin qu’une organisation choisie et construite collectivement se fasse dans les domaines qu’ils jugent nécessaires (alimentation, énergie, organisation interne, philosophie, etc.). Les «communes libres» pensent leur relation avec le système dans une optique de libération ou de questionnement vis-à-vis des dépendances imposées (travail, voiture, loyer, dettes, crédits, mœurs, etc.).
Pour voir fleurir des communes libres dans les quartiers, les villes, les villages, sur les lieux à défendre ou à préserver, il faut penser une auto-organisation qui permette à celles et ceux qui en font le choix de sortir du quotidien qu’ils connaissaient, de manière durable, en envisageant le présent non plus sous l’angle de la survie, mais sous celui de la vie. Il ne s’agit pas d’une parenthèse plaisante ni de simples utopies, mais plutôt de possibilités concrètes de vivre, penser, aimer, s’organiser, produire, faire, être, etc.
Penser la commune libre de manière arborescente et polyphonique
La multiplicité stratégique des mondes d’après, afin de vaincre leur monde d’après, peut se vérifier dans les communes libres également.
Chaque commune appartient à celles et ceux qui la constituent et la font vivre.
Pour nous y penser libres, nous et les autres, sans reproduire les schémas classiques de domination, de persécution et sans recréer les inégalités et les injustices vécues au quotidien, il nous faut une matrice, un tronc commun.
Il nous faut un fond commun partagé permettant une liberté de formes et de créations. Toute forme de domination est exclue, restituant ainsi les libertés individuelles (les vraies, pas celles du capitalisme) et collectives possibles et souhaitables.
C’est non seulement la condition de libertés réelles, mais aussi la seule manière pour éviter un conflit entre les communes libres. Conflit que nous mènerions avec force si telle commune réduisait en esclavage tels ou telles…
Nous connaissons collectivement les outils et les ingrédients de cette polyphonie. Il ne s’agit pas que de mots, mais de réalités vécues, pensées, éprouvées et réappropriables :
Féminisme, écoféminisme, localisme, écologisme social, solidarité, antiracisme, anti-autoritarisme, organisation horizontale, justice sociale, propriété d’usage, abolition des privilèges et des spéculations financières, remise en question des notions de monnaies majoritaires, de dettes, de crédit, de nationalité et de travail rémunéré.
Cette liste n’est ni exhaustive ni complète. Il faudra en rajouter, en repenser, c’est une base inévitable, non négociable, conditions d’une désertion de masse vers les communes libres.
Organiser la désertion et se préparer aux départs
Pour parvenir à un ensemble de communes libres, qu’elles soient imaginées ou physiques dans les terres ou dans les villes, il nous faudra créer les conditions d’une organisation par groupe. Organisation qui passera forcément par de la formation, de l’échange de savoir, du temps pour apprendre à se connaître.
Un mouvement qui occupe l’espace public ou privé à l’image des «Indignés», de «Nuit debout», des «Gilets jaunes», des assemblées de quartier et des assemblées interprofessionnelles peut permettre de constituer les «bases arrière» des mouvements sociaux à venir. Qu’il s’agisse d’une place, d’un rond-point, d’une occupation d’entreprise, d’espaces culturels ou de hauts lieux du monde d’avant, créons des points d’appui essentiels pour la mise en place d’une désertion solidaire.
Ces espaces repris au système pourraient devenir des lieux où, par affinités, des groupes se constituent pour créer les communes libres. Elles pourraient devenir le lieu où les futurs habitants et les autres se forment aux techniques d’organisation collective, au maraîchage, à l’artisanat, à la construction théorique et pratique, etc.
Devenant à la fois des refuges pour sortir du quotidien et des points de départ vers des communes, une désertion de masse du système serait alors facilitée.
Fédérer les communes libres et créer des alliances
Les alliances avec les mouvements aspirants à d’autres finalités sont inévitables pour le futur mouvement social, mais aussi pour penser la suite. Si les habitants des communes libres ne croient pas tous ou pas collectivement à telle ou telle finalité, électoralisme compris, il faudra malgré tout penser des passerelles pour que la coexistence soit rendue possible un jour et le conflit au maximum évité.
Le lien, plus évident, avec les autres aspirations militantes devra être aussi renforcé pour que les communes libres soient des lieux ressources autonomes solides et des refuges pour construire les rapports de force avec les tenants d’un microcosme au pouvoir. Les communes libres peuvent être à la fois des exemples de nouveaux mondes possibles et bases arrière de celles et ceux qui luttent ou qui fuient leur quotidien aliénant.
Entre les communes, sur le principe des assemblées d’assemblées ou par d’autres moyens non hiérarchiques, le lien et la coconstruction seront des éléments essentiels à leur pérennité et à leur essaimage. Lien passant à la fois par de l’échange de biens, de matières premières, d’idées et de personnes.
«Les pas de noms», membre du collectif pour le monde d’après
https://paris-luttes.info/pour-un-federalisme-de-communes-13915
Commentaires récents