1 mai 2020 par Floréal
Le texte ci-dessous est le résumé d’un article de Juan Carlos Gómez paru sur le site d’opposition au régime cubain « 14ymedio ».
« Vade retro, Satanas ! » Tel semble être le cri lancé par certains dirigeants latino-américains pour affronter le covid-19. Les dirigeants du Brésil, de la Bolivie, du Nicaragua et du Mexique ont tour à tour fait appel au leadership divin pour empêcher une nouvelle « apocalypse » portant le nom d’un virus.
Le président brésilien Jair Bolsonaro a annoncé il y a deux jours la nomination d’André de Almeida Mendoça, avocat et pasteur presbytérien, comme nouveau ministre de la Justice et de la Sécurité publique. La nomination de ce fervent évangéliste au poste de la Justice n’est pas anecdotique. Il ne faut pas oublier que la devise qui a amené Bolsonaro à la présidence était « le Brésil au-dessus de tout, Dieu au-dessus de tous » et que son élection a été marquée par une union sans précédent des églises évangéliques. Il n’est donc pas étonnant, alors que le nombre de décès dans le pays augmente, que Bolsonaro appelle, à la demande même desdites églises évangéliques, à des journées de jeûne et de prière pour libérer le Brésil de l’épidémie de coronavirus.
Il n’est pas non plus surprenant que la première victime politique de ce recours pour éradiquer le virus ait été le ministre de la Santé lui-même, Luz Henrique Mandetta, un médecin catholique, qui a préconisé la quarantaine dans les grandes villes, contre les réunions organisées par les églises évangéliques, qui regroupent du monde. L’évêque Edir Macedo, chef de l’Église universelle du Royaume de Dieu, Silsa Malafaia, de l’Assemblée de la Victoire de Dieu en Christ, et Valdemiro Santiago, de l’Église mondiale de la Puissance de Dieu, ont applaudi la démission du titulaire du poste à la Santé et ont loué l’attitude de Bolsonaro. Malgré tout, cette « coronafoi » n’a pas réussi à arrêter la progression en forte hausse du covid-19.
Avec pas plus de 1000 cas enregistrés, l’expansion du covid-19 en Bolivie est loin des chiffres du Brésil. Cependant, l’attitude de son gouvernement présente quelques similitudes. La présidente par intérim de la Bolivie, Jeanine Áñez, a appelé hier à une journée de recueillement et de jeûne, pour prier Dieu face à la pandémie de coronavirus. C’est la troisième fois depuis la mi-mars que Jeanine Áñez appelle à la prière en pleine pandémie, mais c’est la première fois qu’elle fixe expressément un jour précis pour la prière. La vidéo dans laquelle elle appelle à cette journée a été enregistrée à la résidence présidentielle de La Paz, où lors du vendredi saint elle est sortie sur la terrasse pour regarder une procession organisée par la police.
Ces appels à la prière sont bien accueillis par les Eglises catholique et évangélique de Bolivie, alors qu’en même temps ils sont remis en question par d’autres secteurs de la société puisque la Bolivie est un État laïque. Áñez, qui est évangéliste, défend sa religiosité face à ces critiques, après avoir réintégré dans les actes officiels des symboles tels que la Bible et le crucifix, et ne cesse de faire des allusions à Dieu dans ses discours, ce qui avait été supprimé à l’époque d’Evo Morales au pouvoir.
Aux antipodes politiques de la Bolivie se trouve le Nicaragua. Mais les appels au sacré y sont aussi le pain quotidien. A tel point qu’après 34 jours de disparition de la vie publique le président nicaraguayen Daniel Ortega est apparu sur la chaîne de télévision nationale, le 15 avril, pour justifier sa politique contre le coronavirus et a déclaré que la pandémie était « un signe de Dieu » pour changer le monde. L’épouse et vice-présidente d’Ortega, Rosario Murillo, apparaît chaque jour dans les médias pour encourager la population et appeler à la protection divine et de l’au-delà. Les recommandations n’empêchent pas le gouvernement du Nicaragua de promouvoir des activités populaires, qui conduisent à des regroupements, malgré la demande de distanciation sociale, une mesure que même l’Église catholique du pays applique à ses rites.
D’autres dirigeants de la région continuent de mettre leur foi en avant en tant que talisman contre le coronavirus. Le président mexicain Andrés Manuel Lopez Obrador a provoqué une intense controverse dans le pays en demandant aux Mexicains de porter sur eux des amulettes et des images pieuses pour arrêter le coronavirus. Lors d’une conférence de presse tumultueuse, le leader aztèque a souligné que les saints sont comme un « bouclier protecteur » contre la pandémie.
En Amérique centrale, le président du Salvador, Nayhid Bukele, a déclaré en février qu’il avait parlé directement à Dieu.
La dévotion mariale est très courante dans la région et il n’est donc pas surprenant que dans un acte officiel le président colombien Ivan Duque ait appelé à la protection de la Vierge de Chinquinquirá, la patronne du pays. Dans le territoire voisin, qui ne pouvait faire moins, le président vénézuélien, Nicolás Maduro, a encouragé il y a quelques semaines l’organisation d’une chaîne de prière pour l’obtention d’un vaccin définitif contre le covid-19.
Et les appels à une puissance supérieure se répètent à travers le continent. Avant-hier encore, la Chambre des députés de la République dominicaine a interrompu sa session pour se livrer à une prière collective, sollicitée par la députée Isabel de la Cruz, qui a prié Dieu de guérir le pays. « Nous proclamons que la République dominicaine appartient à Jésus. Nous proclamons ton nom en cette heure, Seigneur. Bénissez la République dominicaine, Seigneur. Et pour cette maladie, Seigneur, vous êtes le seul à pouvoir le faire », a proclamé la députée.
En Amérique latine, toutes ces réponses religieuses à un problème de santé mondial sont une preuve supplémentaire que la religion conserve… une bonne santé.
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