28 juillet 2013 par Luc B.
Un nouveau format de festival est né la semaine dernière à Ste Foy la Grande, à l’occasion des premières Reclusiennes.
En rassemblant chercheurs, militants, écrivains, philosophes, artistes et habitants dans la bastide de Sainte Foy la Grande en Gironde, ville natale du géographe libertaire du XIXème siècle, Les Reclusiennes ont innové. Plusieurs centaines de participants se sont retrouvés pendant trois jours autour de la pensée d’Elisée Reclus sur le vote en se posant la question de ce qu’il ferait s’il était parmi nous en 2013.
La situation de Sainte Foy la Grande et la vie quotidienne ont d’ailleurs été au centre des débats à plusieurs reprises au cours des conférences mais aussi au cours des discussions et des rencontres dans les cafés, dans les repas de rue et au cinéma.
Une confrontation salutaire entre des chercheurs reconnus internationalement, anthropologues, Marc Abélès et Chantal Crenn, historiens et géographes, Sophie Wanhish et Philippe Pelletier, politologues et sociologues, Céline Thiriot et Thierry Oblet, des responsables associatifs tels Taoufik Karbia et Mohamed Fazani d’Alifs, des militants anarchistes du centre international de recherche sur l’anarchie, des journalistes, avec notamment Stéphane Deligeorges de France Culture et une équipe de Radio Libertaire, des élus et une population locale certaine fois désorientée dans sa vie quotidienne. De nombreux étudiants bordelais étaient également venus écouter des chercheurs confirmés, déplaçant ainsi à Sainte Foy la Grande le lieu du savoir.
Après les conférences, plusieurs moments magiques ont rythmé ce « festival de la pensée ». On retiendra en particulier le film Home en extérieur sur le practice du golf des Vigiers, le repas sur la place de la Mairie avec des projections murales et une installation artistique sur les murs de la Mairie par le graphiste Jérôme Charbonnier, des cafés et apéros littéraires inoubliables, des séances de cinéma poignantes suivies de débats avec les réalisateurs et des improvisations théâtrales qui venaient rythmer les échanges. Les concerts de musique improvisée Slam en Jazz organisés par Jazz aux Ecuries en la personne de Louis Girerd, en collaboration avec l’atelier 104 et Le Chai, ont donné l’occasion aux stagiaires-musiciens du pays foyen et monségurais de découvrir un nouveau mode d’expression musical. En clôture des Reclusiennes, le concert des trois musiciens professionnels reconnus internationalement, Mathieu Saint Laurent, Giacomo Spica et Camel Zekri, fut très applaudi par un public venu de toute la région.
La littérature a également été mise à l’honneur avec la présentation des éditions originales des oeuvres d’Elisée Reclus et le prêt gratuit d’une sélection d’ouvrages dans la thématique des Reclusiennes provenant des fonds de la médiathèque municipale. La diversité et l’abondance des livres présentés par la librairie des Reclusiennes ont particulièrement été saluées par les intervenants, et appréciées des Foyens, grands amateurs d’ouvrages sur Elisée Reclus. Une partie de ces livres s’est aussi retrouvée dans la rue, dans les cafés, sur les terrasses des bistrots, durant les séances de dédicaces avec les auteurs sous les couverts du marché le samedi matin. Selon l’expression consacrée des libraires des Reclusiennes, « fabuleuse expérience que le voyage de ces écrits qui, en nous accompagnant, nous ont permis « d’augmenter l’autre » ». Enfin, deux Coups de coeur des Reclusiennes ont été remis par Claude Villers à une philosophe, Fabienne Brugère, pour « Faut-il se révolter ? » et à une éditrice, Françoise Favretto, l’Atelier de l’agneau, pour « La montagne » textes de H.D. Thoreau et E. Reclus. Deux œuvres originales de l’artiste plasticien Pascal Rey, leur a été offerte et a émerveillé les lauréates. Intitulé Reclusiennes 2013, le portrait sur fragment d’enduit mural d’Elisée Reclus apparaît à la surprise de tous lorsqu’il est aspergé d’eau puis s’efface progressivement.
L’image de Sainte Foy la Grande a bénéficié directement de cet évènement d’envergure, au cours duquel on a croisé des intervenants et des festivaliers venant spécialement de toute la France, du Japon, d’Amérique latine, d’Angleterre, de Suisse et d’Italie. Le commerce local en a bénéficié, et en particulier les hôtels et les gîtes, mais aussi les cafés, les restaurants et les boulangeries. Les bords de la Dordogne ont également été valorisés par les repas pris sur les quais, des itinéraires à vélo ou en canoë et par l’installation de Hamacs permettant aux festivaliers de flâner et de découvrir le paysage local et sa géographie.
Tous les habitants du Pays foyen et les touristes présents ont d’ailleurs été mis à contribution tout au long de la semaine pour donner leur avis sur six questions-clés pour la bastide. Un exercice pratique directement lié au thème des Reclusiennes de cette année. 50 urnes étaient disponibles dans les commerces et lieux publics pour que chacun puisse voter. La participation a été forte (527 votes) et les résultats vont orienter le travail de l’association Coeur de Bastide (voir encadré).
En effet, il ne faut pas oublier que Les Reclusiennes, portées par l’association Cœur de Bastide, sont nées d’une démarche citoyenne soutenue par des associations locales et bordelaises, des commerçants et des habitants de la commune, décidés à en faire un rendez-vous annuel en début de saison estivale au sein d’un territoire oublié de la grande métropole bordelaise. Une démarche qui a rapidement trouvé un écho auprès de chercheurs confirmés et des laboratoires d’université (Cnrs et EHESS, les Universités, l’IUT Michel de Montaigne et le LAM Cnrs IEP de Bordeaux) qui ont apporté une haute teneur scientifique aux débats et des échanges constructifs entre la salle, les chercheur(e)s et les élus.
Pour les organisateurs « l’engagement des foyens a été exceptionnel et il faut mentionner l’hébergement gratuit des conférenciers par les habitants, la mobilisation de 30 bénévoles, des associations locales, du Poney-club des Lèves, du Chai, du Musée du Pays foyen, de la médiathèque, de Terre de Montaigne, de Cygnes de vie de Castillon, du Golf des Vigiers, de la Mairie et de ses services techniques sans qui cet évènement n’aurait pas pu avoir lieu ».
L’équipe des Reclusiennes s’est déjà remise au travail pour préparer l’édition 2014, une équipe composée d’hommes et de femmes inscrits dans des réseaux de recherche nationaux et internationaux et engagés dans la redynamisation de leur lieu de vie. Le signe d’un virage significatif pris par les habitants du pays foyen dans un projet de territoire très « reclusien ». Déjà on murmure que le thème de 2014 serait « Les gardiens de la terre », une autre facette d’Elisée Reclus, précurseur d’une géographie politique, écologique et sociale.
Voir en ligne : LES RECLUSIENNES
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