Gilles Perret fait le tour des cinémas de France avec un documentaire, les Jours heureux, retraçant l’histoire du CNR, mais se penchant surtout sur l’actualité de ses valeurs et de son programme. Produit grâce à une souscription, le film sortira nationalement le 6 novembre.
Pourquoi avez-vous voulu traiter dans votre film de l’actualité du programme du Conseil national de la Résistance (CNR) ?
Gilles Perret. J’avais fait ce premier film, Walter, retour en Résistance, dans lequel on mentionnait déjà le programme du Conseil national de la Résistance. En circulant un peu avec ce film, je me suis rendu compte que personne ne connaissait le programme et que les rares qui le connaissaient en connaissaient des bribes. Ils n’en connaissaient pas les origines : comment le CNR a-t-il été construit ? Comment le programme a-t-il été rédigé ? Quels étaient les rapports de forces ? Les influences politiques des uns et des autres ? Comment surtout a-t-on pu le mettre en application ?
Dans votre film, on voit que tout le monde, de la gauche à la droite, revendique l’héritage du CNR. Mais personne ne met la même chose derrière. Qu’est-ce que cela nous dit-il ?
Gilles Perret. C’est le reflet de l’histoire du CNR telle qu’on l’a racontée jusqu’à présent. Elle serait l’histoire de copains autour d’une table qui trouvent dans la joie et la bonne humeur un compromis entre communistes et gaullistes. On oublie que si ce programme a pu être rédigé, c’est parce que c’étaient les communistes et une partie des socialistes qui étaient en position de force. Cela ne s’est certainement pas fait dans le consensus. Les Copé, Bayrou, toute la clique qui s’exprime là-dessus dans le film, y compris le président Hollande, n’ont pas envie de raconter cette histoire conflictuelle. Par contre, ils ne manquent pas de l’utiliser parce qu’il est toujours glorifiant de se réclamer du CNR. Il est bien de dire dans un discours que ces hommes étaient grands. Et les idées ? Qu’est-ce que l’on en fait ? Ils sont presque tous passés par les responsabilités et n’ont rien fait pour maintenir les acquis du programme du CNR.
Comment en est-on arrivé à ce que le programme du CNR soit si méconnu, voire oublié ?
Gilles Perret. Le travail de transmission n’a pas été fait. Pendant très longtemps, ceux qui étaient au courant, qui ont le plus inspiré sa rédaction – en l’occurrence les communistes – ont estimé qu’on savait. De l’autre côté, durant toute la période du gaullisme, il n’était pas tellement tendance de rappeler ces ministres communistes qui avaient été le plus à la barre dans la rédaction. Et, au milieu de ça, à partir des années 1980, le Parti socialiste, qui était quand même à l’origine de la rédaction du programme, a finalement abandonné son rôle de parti de transformation de la société et a été à la manœuvre pour détruire tout ça. Aujourd’hui, à mon avis, le PS est très mal à l’aise pour raconter ça.
Depuis la publication d’Indignez-vous !, de Stéphane Hessel, on entend à nouveau la voix de ceux qui ont fait le programme du CNR. Faut-il y voir un testament, ou bien est-ce l’état de la société qui les fait réagir ?
Gilles Perret. Les gens sont sans doute davantage prêts à entendre. En 2004 aussi, les anciens ont lancé ce formidable appel du CNR passé inaperçu. Ce qui manquait, c’étaient des gens en face disponibles pour entendre ces choses-là. Et, eux, se sentant aujourd’hui plus écoutés, sont sans doute plus prompts à venir porter ce message et à mettre leurs dernières forces dans la bataille. Le constat du film est d’ailleurs assez affligeant. On a une classe politique qui, hormis Mélenchon, se trouve les bras ballants à dire : « On ne peut rien faire », et, en face, ce sont des gens de plus de quatre-vingt-dix ans qui disent : « Si, on peut ! »
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