« Un acharnement » : dans les Hauts-de-Seine, une travailleuse sociale syndiquée CGT menacée de licenciement

travailleuse sociale licenciement

Maïa Courtois

Une travailleuse sociale en protection de l’enfance a été convoquée, ce mardi, à un entretien préalable à sanction pouvant aller jusqu’au licenciement par son employeur, dans les Hauts-de-Seine. Ses soutiens, qui ont organisé un rassemblement pour l’occasion, dénoncent la pression mise sur leur collègue en raison de son militantisme et de son engagement syndical. 

Une soixantaine de personnes étaient rassemblées ce mardi 7 novembre à Asnières-sur-Seine (Hauts-de-Seine) en soutien à Elena, éducatrice spécialisée en protection de l’enfance, menacée de licenciement par son employeur, l’ALEFPA 92. Parmi les mobilisés : des salariés de l’association, dont deux en grève en soutien à leur collègue ; des syndicalistes de la CGT, FSU, SUD et des membres de la commission de mobilisation du travail social Ile-de-France ; mais aussi quelques enseignants, cheminots, et étudiants.

Elena était convoquée, ce mardi, et pour la troisième fois en treize mois, à un entretien préalable « en vue d’une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement pour faute grave », expose son courrier de convocation, consulté par Rapports de Force. Ce courrier a été envoyé par sa direction le 19 octobre. Soit le lendemain des résultats des élections professionnelles auxquelles Elena s’est présentée, recueillant un tiers des voix et installant ainsi une section syndicale CGT dans la structure.

Des reproches sur l’organisation horaire de la travailleuse sociale dans un entretien préalable à licenciement

Lors de l’entretien de ce matin, il a été reproché à Elena de n’avoir pas fait signer dans les temps par son chef de service une fiche autorisant la modification de ses horaires de travail. « On adapte très souvent nos heures aux jeunes que l’on accompagne », explique Elena à Rapports de Force à la sortie de son entretien. « J’avais fait une feuille de modification d’horaires, j’en avais discuté avec mon chef de service, mais la fiche n’avait pas été contre-signée dans les délais. Mais ce genre de situations, c’est quotidien… On a même du mal à rattraper ces heures que l’on fait en plus ».

Salariée depuis mai 2020 à l’ALEFPA 92, Elena a pris son poste dans un nouveau service de semi-autonomie, ouvert en janvier 2023. Les reproches de la direction soulèvent des questions réelles au sein du service, souligne la salariée : à savoir « la surcharge et l’organisation du travail ». Une surcharge due entre autres au manque de postes, selon elle ; et à l’insuffisance des moyens mis par le département des Hauts-de-Seine – pourtant le deuxième plus riche de France – dans la protection de l’enfance.

De manière générale dans ce type de structures, « il y a une obligation de rattraper ses heures supplémentaires dans les 15 jours, ce qui engendre toute une gymnastique. Un éducateur, s’il doit assurer un accompagnement en dernière minute, modifie ses horaires. C’est forcément très lourd au niveau administratif et ne peut pas être validé en temps réel », expose Florence Pik, également éducatrice spécialisée et porte-parole de la commission de mobilisation du travail social Ile-de-France. Régulièrement, des fiches horaires sont donc « signées après coup. C’est impossible d’être toujours dans les clous. C’est sans fin et cela met une épée de Damoclès sur la tête des salariés ».

« Méthode de pression »

Les soutiens d’Elena soupçonnent « un acharnement contre une collègue qui participe fréquemment aux mouvements sociaux, a fait deux mois de grève pendant la réforme des retraites, et est mise en avant dans sa section locale CGT », précise Florence Pik. Pour elle, « une histoire aussi minime qu’une modification de changements d’horaires ne vaut pas de recevoir un courrier recommandé chez soi, pour un entretien pouvant aller jusqu’au licenciement… C’est une méthode de pression insurmontable, sauf à y répondre collectivement ».

Sollicité, le siège de l’ALEFPA n’a pas souhaité donner davantage de précisions sur la procédure ni répondre à notre demande d’interview : le dossier étant « en cours d’instruction », l’association ne souhaite transmettre « aucune information sur les situations individuelles des salariés dans le respect de la réglementation et la protection des données personnelles ».

« Encadrer par la peur » dans un contexte de manque de moyens

« Alors que l’ALEFPA 92, comme toutes les structures du social et médico-social, traverse des difficultés de recrutement, de salaire et de moyens pour les jeunes, la direction choisit d’encadrer par la peur », dénonce ce mardi un communiqué signé par une cinquantaine de sections syndicales et de collectifs de travailleurs sociaux.

Le communiqué inscrit ce dossier dans une répression plus large dans le monde du social et médico-social, évoquant par exemple le cas de Boris Mollet, travailleur social licencié en 2020 après avoir dénoncé les conditions de travail lors d’une réunion de service.

Lors de son premier entretien il y a près d’un an, Elena avait reçu une observation de la part de la direction. Lors du deuxième, intervenu il y a quatre mois au même motif d’une fiche horaire non signée : un avertissement. À l’issue de ce troisième entretien, la salariée s’attend à tout. La direction doit se prononcer dans le délai légal de 48 heures à un mois. « Pendant un mois on attend à sa boîte aux lettres », soupire l’éducatrice spécialisée : « on surveille l’avis de passage, pour voir si le courrier recommandé avec la décision est arrivé… »

Crédit photo : commission de mobilisation travail social Île-de-France

https://rapportsdeforce.fr/classes-en-lutte/un-acharnement-dans-les-hauts-de-seine-une-travailleuse-sociale-syndiquee-cgt-menacee-de-licenciement-110819560

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.