18 mai 2015 par Redac Web
Le jugement des policiers mis en cause dans l’affaire de la mort de Zyed Benna et Bouna Traoré aurait pu être l’occasion de montrer que l’impunité policière peut, parfois, être battue en brèche. Eh bien même pas. Le tribunal correctionnel de Rennes a tranché : les deux policiers mis en examen pour « non-assistance à personne en danger » bénéficient d’une relaxe définitive.
« Ce dossier, ce sont des enfants qui courent parce qu’ils voient la police et la police qui court parce qu’elle voit des enfants courir. Et la réalité de ce pays dans certains quartiers, c’est que le fait que l’on court quand on voit la police devient une infraction pénale. » Ainsi parlait Me Emmanuel Tordjman, un des avocats des familles de Zyed Benna et Bouna Traoré le 19 mars, devant le tribunal correctionnel de Rennes [1].
Son confrère, Me Jean-Pierre Mignard, avait pour sa part rappelé le contexte politique de l’époque : la politique du chiffre, exigée par le ministère de l’Intérieur — sous la direction de Nicolas Sarkozy, puis de Dominique de Villepin — qui réclamait arrestation sur arrestation pour montrer que la police « agissait ».
C’est cette politique qui a fait accuser les policiers Sébastien Gaillemin et Stéphanie Klein de « non-assistance à personne en danger » lorsqu’ils ont vu les deux enfants de Clichy-sous-Bois pénétrer dans un transformateur EDF, le 27 octobre 2005.
Quel était alors l’état d’esprit du policier Sébastien Gaillemin, qui observait la scène ? demandait Me Tordjman. « Il veut interpeller, il ne veut pas sauver. C’est cela qui caractérise l’abstention volontaire alors que le péril est imminent et réel. L’indifférence coupable des fonctionnaires de police, voilà le dossier ! »
Une relaxe, avait plaidé Me Mignard, serait un très mauvais signal donné à l’ensemble de l’institution policière. « Les familles vous disent : prenez-nous donc en considération, nous que l’on ne considère pas. Regardez-nous, nous que l’on ne voit pas. Écoutez-nous, nous que l’on écoute jamais. Il n’y a de meilleure preuve d’intégration que celle de ces familles qui attendent depuis dix ans la justice. Vous devez à la fois condamner et réconcilier. Les Français doivent savoir que, d’où que l’on vienne, on a droit à la loi. »
Le tribunal correctionnel a tranché. L’impunité policière peut continuer.
IL Y A DIX ANS
« Une semaine de révolte contre l’injustice sociale. » La mort tragique de Zyed et Bouna avait entraîné une vague d’émeutes dans toute la France. Texte d’AL du 5 novembre 2005.
« Non à l’état d’urgence ! Non à la guerre coloniale ! » Le président Chirac avait alors décrété l’état d’urgence faire « régner l’ordre » dans les quartiers populaires : du jamais-vu depuis la guerre d’Algérie.
Quartier populaires : Cinq ans après les révoltes, qu’est-ce qui a changé ? Un article paru dans Alternative libertaire en décembre 2010.
1] Pascale Robert-Diard, [« Zyed et Bouna : dix ans de colère à la barre », blog Chroniques judiciaires de Lemonde.fr
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