par Ivan du Roy 15 mai 2015
Le village bédouin de al-Araqib, situé à proximité de la ville israélienne de Beer-Sheva, dans le Néguev, au sud du pays, détient un triste record : celui du village qui a été rasé le plus grand nombre de fois par l’État israélien. La cinquantaine de maisons qui composent le village ont été démolies à 83 reprises ! Pire : l’État israélien vient de réclamer, le 6 mai, à ses habitants, de payer un demi million de dollars (deux millions de shekels) pour couvrir les frais de démolition, d’arrachage d’arbres et de déploiement des forces de l’ordre. L’affaire doit être tranchée devant un tribunal en septembre.
Pourquoi cet acharnement ? Les localité bédouines ne sont pas reconnues par l’État israélien. Ces habitations sont donc considérées comme des constructions illégales. Dans le cas d’al-Araqib, des procédures judiciaires sont en cours. D’un côté, les habitants font valoir des copies de leurs anciens titres de propriété. De l’autre, l’État s’appuie sur l’ancien code de l’empire ottoman – qui contrôlait la région jusqu’à ce qu’elle passe sous « protectorat » britannique après la première guerre mondiale – pour faire valoir que le village et les titres de propriété ne sont pas légaux.
« Alors que par le passé on a fait payer à des propriétaires individuels les frais de démolition d’une maison, c’est la première fois dans l’histoire d’Israël qu’une ville entière est priée de payer pour sa destruction », écrit Allison Deger, journaliste du site Mondoweiss, spécialisé sur la politique au Moyen-Orient (l’article a été traduit par l’Agence Média Palestine). Une inégalité de traitement est également dénoncée : les habitants des quelques colonies juives illégales en Cisjordanie, qui ont été démantelées, n’ont jamais reçu de factures pour payer les frais des déploiements policiers. Depuis 1967, Israël a détruit plus de 27 000 habitations palestiniennes dans les territoires que le pays a envahis et occupés (voir ici). A chaque fois, l’État a demandé aux propriétaires palestiniens de payer ces démolitions.
Ministre de la Justice d’extrême droite
A al-Araqib, c’est la même administration qui est juge et partie : c’est elle qui est la plaignante pour récupérer ces terres, et c’est elle qui réclame le coût des démolitions aux habitants qui ont été délogés. « Il n’y a pas de justice dans la gestion de cette affaire par l’État. Nous avons la preuve que cette terre leur appartient [aux bédouins] et que c’est une propriété privée », défend Khaled Sawalhi, un avocat qui représente les habitants du village. 45 autres localités non reconnues sont également menacées de destruction.
Et ce n’est pas la nouvelle ministre de la Justice, nommée par le Premier ministre récemment réélu Benjamin Netanyahu, qui améliorera le sort des bédouins vivant en Israël. Elle se nomme Ayelet Shaked et est membre du parti d’extrême droite HaBayit HaYehudi (le Foyer juif). L’année dernière, elle appelait à une guerre totale contre l’ensemble du « peuple palestinien ». « Qu’y a-t-il de si terrible à comprendre que le peuple palestinien dans son ensemble est l’ennemi ? (…) Ce sont tous des combattants ennemis, et leur sang leur retombera sur la tête. Cela concerne également les mères des martyrs, qui les envoient en enfer avec des fleurs et des baisers. Elles devraient suivre leurs fils [dans la mort], cela ne serait que justice. Elles devraient disparaître, tout comme les foyers dans lesquels elles ont élevé les serpents. Sans quoi d’autres petits serpents y seront élevés à leur tour », expliquait-elle sur sa page Facebook. En d’autres lieux, on appelle cela une incitation au génocide.
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