15 mar
On vous l’avait bien dit : mais non, Robert Ménard n’est pas facho ! Il vient juste de débaptiser une rue de sa bonne ville de Béziers, qui s’appelait « rue du 19 mars 1962″, pour la renommer « rue Hélie Denoix de Saint Marc ». Le 19 mars 1962, c’est la date du cessez-le-feu qui marquait la fin de la guerre d’Algérie, au lendemain de la signature des accords d’Évian. Hélie Denoix de Saint Marc, c’est un des hauts gradés qui ont participé au putsch des généraux d’Alger du 21 mars 1961, en mettant le premier REP (Régiment Etranger de Parachutistes) au service du coup d’État. C’est aussi un ancien de l’Indochine, et, surtout, le chef de cabinet du général Massu pendant la bataille d’Alger. Autant dire, un dur de l’Algérie française. Mais c’était aussi loin d’être une brute épaisse, descendant en droite ligne d’une vieille famille de la noblesse bordelaise, ancien résistant et ancien déporté. C’était enfin un vieux monsieur distingué et poli, décoré par Nicolas Sarkozy, ce qui en fait effectivement un meilleur candidat pour figurer sur une plaque de rue que, disons, l‘adjudant Kronenbourg. Le communiquant Ménard n’est pas complètement idiot, il sait très bien ce qu’il fait : il donne des gages aux pieds-noirs racistes qui composent une bonne part de son électorat, en intronisant quelqu’un qui savait écrire et, surtout réécrire l’histoire. Comme le rappelle l’historien Gilles Manceron, l’ex-commandant parachutiste putschiste n’a jamais remis en question ni la torture, ni le coup d’État lui-même ni même les actions de l’O.A.S., qui reste à ce jour l’organisation terroriste au sens strict du terme responsable des pires attentats aveugles en France. L’intronisation de cette baderne plus présentable sur la forme que d’autres vise très clairement à réhabiliter l’ensemble de l’Algérie française en reprenant son refrain préféré, qui est la trahison de l’État et l’abandon par les politiciens planqués à Paris de l’armée, qui était en train de régler son compte aux fellaghas.
Alors, pour rafraîchir les mémoires que Ménard et sa clique espèrent embrumées, rien de tel qu’un retour sur ce qu’était réellement l’Algérie française et son bras armé, l’Organisation de l’Armée Secrète, le groupe paramilitaire clairement facho duquel sont issus bon nombre des cadres historiques du FN.
Ce documentaire, réalisé par François Margolin et le pénible Georges-Marc Benamou en 2008 pour la télévision n’est pas toujours très bon. Il tombe parfois dans le psychologisme voire le pathos là où seul l’exposé des faits importe. Son grand intérêt est qu’il fait voir le vrai visage des exécutants et de certaines têtes de l’OAS. Et qu’il montre ce que Ménard veut immortaliser par une plaque de rue à travers la figure plus lisse de Denoix de Saint Marc : ils ne regrettent rien, ni les ratonnades, ni les assassinats cyniques de certains des leurs, ni les tentatives de déstabilisation de l’État, notamment l’attentat raté contre de Gaulle. La manœuvre est claire : ils veulent effacer par une action institutionnelle la mémoire des luttes. Ménard et les nostalgiques du bon vieux temps des colonies comptent sur l’oubli pour falsifier l’histoire. Ils n’y parviendront pas. Ni oubli ni pardon.
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