Le coup de gueule de l’éditorialiste Abdou Semmar face à des députés islamistes qui se sont dressés contre un projet de loi criminalisant les violences faites aux femmes. Selon eux, cette loi, adoptée le 5 mars par le Parlement, serait contraire à la charia et menacerait la famille.
8 mars 2015
Dessin de Medi. Dessin de Medi.
Je suis un homme algérien comme il en existe tant dans notre pays. Mais je suis un homme qui refuse de culpabiliser la femme lorsque celle-ci sort dans la rue en dévoilant sa beauté ou sa féminité.
Oui, je le dis aujourd’hui même si cela ne va pas plaire à mes congénères, je ne suis ni choqué ni bouleversé ni effrayé lorsqu’une femme habillée avec un jean ou vêtue d’une jupe passe à mes côtés dans une rue de mon pays. Je ne suis nullement horrifié lorsqu’une femme, jeune ou adulte, porte une jupe jugée, très ou un peu, courte.
Je ne suis guère terrifié lorsqu’une femme porte une robe qui attire mes regards. Oui, je ne suis guère gêné lorsqu’une femme attire mon regard parce qu’elle est mignonne, belle ou charmante. Je ne me sens pas un monstre lorsqu’une femme attire mon regard parce que ses vêtements mettent en valeur sa beauté.
Un désir ou une pulsion
J’aime la beauté de la femme parce que j’aime la vie. La beauté d’une femme est pour moi une promesse de bonheur. Et je souhaite vivre heureux. Je ne me culpabilise nullement lorsque je croise une jolie femme. Je ne cauchemarde pas et je ne crie pas au scandale parce qu’une femme a suscité en moi un désir ou une pulsion. Et pourtant, je suis autant algérien que ces députés qui veulent imposer une loi pénalisant les femmes accusées de s’habiller de manière « provocante ».
Elle est où, la provocation, lorsqu’une femme porte une robe, une jupe ou un jean ? Aimer la beauté, la respecter, la désirer, se réjouir lorsqu’elle est en face de nous ne ressemble en rien au dévergondage que craignent ces députés et autres Algériens effarouchés par quelques femmes jugées « trop dénudées ».
Les mœurs ne sont pas affaire de vêtements
Le dévergondage, le vice, la dépravation, l’immoralité n’ont pas d’habits. Ils n’ont pas d’apparences. Combien de femmes voilées ont exercé la prostitution ? Combien de fois le niqab a caché des voleuses ou des aguicheuses ? Les mœurs légères ne se mesurent souvent pas à la légèreté des vêtements. Les mœurs sont une question d’éducation et non pas d’apparences ou de modes vestimentaires. La quête de la beauté n’entraîne nullement une plongée dans l’univers de la débauche.
Ce mensonge obscurcit la lucidité de beaucoup de mes compatriotes. Et moi, je suis un homme algérien et je ne comprends pas pourquoi un homme est forcément excité dès qu’il aperçoit une infime partie du corps d’une femme. Oui, je suis, pourtant, un homme algérien, très algérien même, et je n’accuse pas une femme de m’avoir excité. Je suis un homme algérien et je réussis parfaitement à me contrôler, à gérer mes bas instincts sans avoir à violer ou à harceler. Je n’ai donc pas besoin d’une loi pour me protéger de mes pulsions. Je suis suffisamment mûr pour légiférer sur ma sexualité.
Je crois sincèrement que nos députés généreusement payés doivent me protéger d’autres fléaux, bien plus sérieux, qui ravagent mon pays.
Examens de virginité
Je suis un homme algérien et je ne comprends pas pourquoi une femme de mon pays est contrainte de subir des examens de virginité à chaque fois qu’elle veut déposer une plainte au commissariat. Je suis un homme algérien et je trouve totalement absurde qu’une femme, parce qu’elle est sortie à des heures jugées indécentes, se retrouve dans un poste de police et, plus tard, dans un hôpital pour vérifier sa virginité comme il est arrivé à cette Algérienne mère de deux enfants, donc forcément pas vierge, qui a été auscultée par des médecins à l’hôpital de Bainem, à Alger, à la demande des policiers. Ces derniers voulaient connaître l’état de son hymen alors qu’elle venait d’être agressée physiquement par un homme. Elle n’avait pas déposé plainte pour agression sexuelle, mais pour agression physique.
Mais dans mon pays, la femme plaignante est forcément un peu coupable. Faut donc contrôler son hymen qui, lui seul, peut nous dire la vérité. Moi, je suis un homme algérien, et je le pense sincèrement, une femme ne peut jamais être coupable de m’avoir excité…
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