Une marche «pacifique», un «sursaut républicain» : les médias français ont multiplié les éloges sur «la marche contre l’antisémitisme» organisée dimanche 12 novembre par les macronistes et la droite radicale. Pourtant, elle a été émaillée d’incidents.
À 17h10, près du métro Solférino, un manifestant sur le trottoir, son vélo à la main, aperçoit Marine Le Pen, Jordan Bardella et délégation d’élus du Rassemblement national. Il crie : «Marine Le Pen, dégage ! Vous êtes une bande de fachos.» Il est immédiatement passé à tabac par une vingtaine de militants de la Ligue de défense juive (LDJ), dont certains masqués et portant des drapeaux israéliens, aux cris de «défoncez-le, ce fils de pute, niquez-lui sa mère !» Libération, qui rapporte l’événement, a assisté à la scène en direct. Elle a également été filmée : on reconnaît le groupe à ses drapeau jaune marqué d’une étoile de David noire avec un poing serré. La police fait preuve face au groupe manifestement équipé et violent d’une étonnante retenue.
La victime est un jeune homme de 24 ans, qui se dit petit-fils de déportés, et il n’en revient toujours pas. «Je suis indigné qu’on puisse marcher avec le Front national contre l’antisémitisme, et que personne ne dise rien. J’ai simplement voulu l’exprimer», explique-t-il à Libération. «Je ne savais pas qu’à la LDJ, c’étaient des fous comme ça. Ce sont des néofascistes.»
Le groupuscule a également passé la journée à hurler des slogans contre la gauche comme «LFI collabos», «Hamas, Nazis, LFI, complice», «Mélenchon, salaud, les juifs auront ta peau». Le même jour, une personne ayant crié «free Palestine» a également été frappée par ce groupuscule.
La LDJ joue le rôle de service d’ordre du Rassemblement National. Le matin, un événement contre l’antisémitisme était organisé par plusieurs organisations de gauche, y compris des juifs et juives du collectif TSEDEK, afin de déposer des fleurs en hommage aux victimes de la rafle du Vel’d’Hiv. La LDJ l’avait perturbé. En clair, ce groupuscule sioniste d’extrême droite attaque la gauche, perturbe un hommage aux victimes du pétainisme, avant d’aller protéger et défiler avec Le Pen et Zemmour.
Le 16 octobre, la LDJ avait déjà revendiqué des ratonnades Place de la République à Paris. En guise de «chasse aux antisémites», elle s’en était prise à des passants maghrébins. À chaque fois, une impunité totale semble caractériser les agressions, menaces et provocation du groupuscule.
La LDJ a été fondée en 2001 par un ancien membre du Betar, un autre groupe sioniste d’extrême droite lié au Likoud, le parti de Netanyahou. La LDJ française s’inspire de la Jewish Defense League, considéré par le FBI comme un groupe terroriste.
Ainsi, le traitement médiatique de la journée du 12 novembre est sidérant. Qu’aurait-on dit si, lors d’une marche pour la Palestine ou contre le racisme, des groupes extrémistes classés comme «terroristes» par certains pays avaient cogné des passants et menacé des élus ? Les chaînes en continu en auraient fait leur choux gras pendant des jours.
En mars 2018, lors de la marche hommage à Mireille Knoll, octogénaire juive assassinée à Paris, Marine Le Pen avait déjà bénéficié de la protection de la LDJ, qui avait par ailleurs empêché Jean-Luc Mélenchon de manifester. La fusion entre la LDJ et le RN est désormais actée. Le groupuscule sioniste et le parti d’extrême droite bénéficient d’ailleurs des services du même avocat.
En 2010, la LDJ avait déjà participé au service d’ordre des «assises contre l’islamisation», organisées par le Bloc Identitaire et Riposte Laïque, des groupes néofascistes. La reconfiguration de l’extrême droite n’est donc pas nouvelle.
Après avoir été historiquement lié au nazisme et au pétainisme, le RN s’aligne désormais sur l’extrême droite israélienne, qui partage l’essentiel de ses valeurs : le racisme, le colonialisme, le militarisme, le nationalisme, l’islamophobie, la haine du pluralisme et des libertés publiques…
Louis Aliot, chef du RN, l’expliquait dès 2013 «C’est l’antisémitisme qui empêche les gens de voter pour nous. À partir du moment où vous faites sauter le verrou idéologique, vous libérez le reste. Depuis que je la connais, Marine Le Pen est d’accord avec cela. C’est la chose à faire sauter.»
La marche du 12 novembre est donc l’aboutissement de cette stratégie : le RN est officiellement admis dans «l’arc républicain» en soutenant Israël, alors que la gauche pro-palestinienne en est exclue.
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