Depuis le mois d’octobre, des manifestations appelant au « cessez-le-feu immédiat » en Palestine ont lieu partout en France. Parfois interdites, elles parviennent tout de même à réunir des milliers de personnes dans les rues et constituent un lieu de rencontre et d’organisation pour les mouvements à venir. Reportage dans la manifestation parisienne du 11 novembre.
Samedi 11 novembre plusieurs milliers de manifestants ont défilé en France pour appeler au « cessez-le-feu » en Palestine. Ils étaient environ un millier à Lille, 1200 à Marseille selon la préfecture, 2500 à Toulouse selon la CGT (1200 selon la préfecture). A Lyon, 1 à 2 milliers de personnes ont défilé « contre l’extrême droite » à l’appel du collectif « Fermons les locaux fascistes », qui lutte contre l’extrême droite locale depuis une décennie dans la ville. Le soutien à la Palestine était également affiché dans la manifestation.
A Paris, plusieurs milliers de personnes se sont rassemblées derrière les slogans « Free free Palestine » et « Enfants de Gaza, enfants de Palestine, c’est l’humanité qu’on assassine », la foule s’est élancée au départ de la place de la République. En tête de cortège, se trouvait des élus de La France Insoumise comme Aurélie Trouvé et Eric Coquerel ainsi que des représentants d’Europe Ecologie Les Verts comme Marine Tondelier et Sandrine Rousseau.
Sur l’ensemble de la manifestation, de nombreux drapeaux palestiniens côtoyaient des pancartes appelant à stopper le génocide à Gaza. Au sein de la foule, on retrouvait de nombreuses femmes, des personnes racisées issues des quartiers populaires, ainsi que des enfants accompagnés de leurs parents.
« On nous a mis des bâtons dans les roues »
D’abord prévue dimanche, les organisateurs ont dû déplacer la manifestation à samedi, comme le détail Sari, militant au sein du Collectif Urgence Palestine : « Alors qu’on avait déjà déposé la manifestation pour dimanche, le gouvernement est arrivé avec sa marche soi-disant contre l’antisémitisme, qui est en fait une marche pro Israël. Où des gens n’ont aucune honte à aller défiler derrière le Rassemblement National et Darmanin. »
Au début du mois d’octobre, le ministre de l’Intérieur ordonnait aux préfets d’interdire toutes les manifestations de soutien à la Palestine, invoquant un potentiel « trouble à l’ordre public ». Cette décision n’a pas empêché le Collectifs Urgence Palestine de se mobiliser : « Depuis le début, notre objectif c’est la mobilisation la plus large possible. On sait qu’on nous a mis des bâtons dans les roues, on a brisé les interdictions par la persévérance des militants qui, malgré tout, sont descendus dans la rue. On a montré qu’il était vain d’essayer de nous étouffer. » A court terme, Sari insiste sur la mise en place d’un cessez-le-feu tout en assumant une stratégie à moyen et long terme : « Notre objectif c’est la libération totale de la Palestine. La bataille ne fait que commencer, et ça nous demande de construire un mouvement large, structuré et organisé. »
Des collectifs et des actions en construction
D’autres franges du mouvement de soutien à la Palestine sont, eux aussi, en pleine structuration, comme en témoigne la présence d’un bloc juif décolonial au sein de la manifestation. Constitué de collectifs comme l’Union Juive Française pour la Paix et le collectif Tsedek, leur présence permet de remplir un double objectif : « Cette idée de bloc juif, c’est la volonté de rassembler des gens un peu divers mais qui ont besoin de se retrouver », nous explique Daniel Lartichaux, militant au sein de Tsedek. Il poursuit : « On espère encourager davantage de juifs à venir dans ces manifetations. Il y a besoin de se relier, de se coordonner pour prendre des initiatives. » Lancé il y a moins d’un an, Tsedek a doublé le nombre de ses adhérents depuis le 7 octobre, signe que leur démarche trouve un véritable écho à gauche.
Du côté des syndicats présents en nombre, une tentative d’organisation de livraison de matériel au peuple palestinien se dessine : « Aujourd’hui c’est une catastrophe, ils manquent de tout à Gaza, lâche Julie Ferrua, secrétaire nationale à l’Union Syndicale Solidaire. On est en train de voir comment organiser une solidarité plus concrète, on réfléchit à comment envoyer le plus de moyens financiers et humanitaires là-bas. » Se rappelant le début de la guerre en Ukraine, elle poursuit : « Au début, les camarades syndicalistes en hôpitaux s’étaient beaucoup mobilisés pour envoyer du matériel médical en Ukraine, on en train d’essayer d’entamer la même chose pour la Palestine ». A l’internationale, la coordination syndicale Workers in Palestine a lancé un appel afin d’entraver l’acheminement de matériel militaire vers Israël.
Du côté du gouvernement
Parmi les différents slogans scandés par les manifestants, on retrouve « Israël assassin, Macron complice ». Pour Camélia, une manifestante de 22 ans, le gouvernement français a une responsabilité dans les massacres en Palestine : « Après plus de six semaines de bombardement, Macron appelle seulement aujourd’hui à un cessez-le-feu ? C’est un scandale qu’il ne l’ait pas fait avant ! ». La veille, dans un entretien avec la BBC, le président a dénoncé les attaques envers les civils palestiniens.
Présente dans le cortège de tête, Raphaëlle Primet, co-présidente du groupe communiste au Conseil de Paris, préfère y voir de l’espoir : « Il y a eu un changement de la part de Macron donc il faut s’appuyer dessus pour amplifier nos luttes. Grâce à ça nous pourrions être plus nombreux parce que les gens n’auraient plus peur de venir dans ces manifestations pour la Palestine. Avec le nombre, on pousserait le gouvernement à enfin faire ce que son assemblée a voté, c’est-à-dire reconnaitre l’État palestinien ». En attendant, le mouvement de soutien à la Palestine est déterminé à continuer ses mobilisations, comme en témoigne l’appel à manifester déjà annoncé pour la semaine prochaine.
Reportage : Amine Abdelli
Photo : Serge D’ignazio
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