TOUT LE PIB POUR LA COTISATION

La cotisation : un dangereux problème pour le capital, une solution efficace pour le salariat

La cotisation sociale est l’ennemie n°1 du patronat. Il le dit clairement dans les Echos du 19 juin 2012 : « Avant tout, réduire la taxation du travail pour stimuler rapidement la compétitivité des industries, enfermées dans un cycle infernal préjudiciable à l’emploi. La hausse des coûts du travail, de plus en plus taxé, ne permet pas aux entreprises de disposer de la marge financière essentielle à la montée en gamme de leurs produits, ni de maintenir leurs parts de marché grâce à des prix compétitifs. En particulier, en France, la part prise sur les charges patronales pour financer la protection sociale est élevée, alors que le consommateur est relativement peu taxé. Un transfert massif des cotisations patronales vers une assiette fiscale permettrait à la France de converger vers l’Allemagne et de sortir de cette situation sans issue en initiant le choc de compétitivité attendu. »

Après le « choc pétrolier » qui a lancé dans les années 1970 la grande contre offensive du capital, le « choc démographique » qui légitime depuis vingt ans son attaque contre les retraites, voici le « choc de compétitivité » qui fonde sa remise en cause décisive de la cotisation sociale. Une cotisation sociale attaquée aussi par le nouveau gouvernement qui veut la remplacer par un impôt, une nouvelle CSG. Face à la stratégie capitaliste, le salariat doit engager une campagne pour l’affectation de tout le PIB au salaire socialisé : nous seuls produisons la valeur, nous seuls devons en décider afin de changer le sens du travail.
La cotisation sociale marginalise le profit et le marché du travail

Le produit du travail (le PIB) se partage entre salaires et profits, ET la cotisation sociale. C’est bien cette dernière en tant que telle qui est l’objectif des attaques du MEDEF et des gouvernements successifs. Pour le capital la seule valeur économique est celle qui est produite par des forces de travail qui, sur le marché du travail, produisent de la valeur pour l’actionnaire. Le marché du travail transforme les individus que nous sommes en ressources humaines. C’est le cas à chaque fois que l’employeur dit : « je te prends, je te jette, je te paie en fonction de tes compétences ou de ta productivité ». Au contraire, la cotisation sociale donne de la valeur économique à des activités menées sans marché du travail ni profit qui correspondent au quart du PIB. Ainsi, quand la cotisation sociale augmente, elle fait grandir le PIB en réduisant la part du profit et des revenus liés au marché du travail car elle augmente le nombre de personnes payées grâce à elle : les soignants (caisses d’assurance‑maladie), les retraités (caisses de retraites), les chômeurs (Unédic), les parents (caisses d’allocations familiales). Elle prouve que l’on peut travailler — et qu’on travaille mieux, plus heureux et pour des productions plus utiles — sans employeurs et sans actionnaires.
La cotisation n’est pas un coût sur le travail, c’est une contribution décisive au PIB qui change le sens du travail.

Le taux de cotisation est passé de 0% du salaire brut plafonné dans les années 1920 à 16% dans les années 1930, après la législation sur les assurances sociales et sur les allocations familiales et à 32% en 1945 avec la sécurité sociale. Les luttes salariales ont permis d’imposer à nouveau son doublement entre 1945 et le milieu des années 1990, où il atteint 66% du salaire brut total (22% de cotisations dites « salarié » et 44% de cotisations dites « patronales »). La sécurité sociale n’est pas une « dépense publique » financée par un « prélèvement obligatoire » : c’est une production publique qui génère un ajout de valeur anticapitaliste. Et c’est parce que depuis quinze ans le taux de cotisation stagne, voire recule, que notre économie s’installe à la fois dans la récession et dans la fuite en avant capitaliste.
Les exonérations de cotisation sociale pénalisent l’activité productive et l’investissement

Depuis plus de trente ans, la cotisation patronale est gelée dans le régime général, et elle l’est depuis quinze ans dans les régimes complémentaires. Pire, son taux a diminué pour la moitié des salaires, ceux qui sont inférieurs à 1,6 Smic (exonérations Aubry puis Fillon), et on parle d’étendre cette diminution jusqu’à 2,3 Smic, comme l’a fait le gouvernement Fillon contre une augmentation de la TVA. Pourtant, les investissements stagnent. L’argent qui ne va plus au salaire et qui est récupéré en profit ne va donc pas à l’investissement mais aux dividendes et à l’épargne des entreprises. La « baisse des charges » ne soutient donc pas la compétitivité française. Les études réalisées ne montrent aucun effet positif des exonérations de cotisation sociale sur l’emploi dans les entreprises concernées et, puisqu’elles sont compensées par l’impôt, c’est autant en moins pour les services publics..
La cotisation sociale est menacée par l’impôt, qui légitime le profit et le marché du travail

L’impôt, en donnant de la valeur au travail des fonctionnaires, représente lui aussi une production de valeur économique non capitaliste. Mais il le fait en corrigeant le capitalisme et non pas en s’y opposant. Si, au lieu d’augmenter le taux de cotisation sociale, on taxe le profit et les salaires liés au marché du travail, on les légitime. Alors que la cotisation sociale prouve qu’on peut produire de la valeur économique sans profit et sans marché du travail, l’impôt réclame du profit et du marché du travail pour pouvoir être prélevé sur eux. L’impôt redonne de la légitimité au profit et au marché du travail que la cotisation rend illégitimes. C’est pourquoi le patronat et les gouvernants sont si acharnés à remplacer la cotisation sociale par un impôt. Et ceux qui, contre eux, revendiquent de « taxer le capital comme le travail » et non pas de reprendre la dynamique de hausse constante du taux de cotisation interrompue depuis les décennies de réforme sont finalement sur le même terrain. Il faut au contraire promouvoir la cotisation sociale pour qu’elle s’étende à tout le PIB.
La cotisation pourrait être étendue au financement des salaires directs par une caisse de salaire

A l’image des soignants et des retraités, porteurs d’une qualification professionnelle personnelle, payer toutes les personnes avec la cotisation sociale, en fonction de leur qualification personnelle, devient pensable. Pourquoi ne pas créer une caisse de salaire comme il existe une caisse de sécurité sociale ? Le marché du travail est une institution à la fois inhumaine et inefficace, génératrice du sous‑emploi des qualifications alors que la bonne marche des entreprises doit reposer sur l’amélioration de la qualité des collectifs de travail.. De même que la sûreté des pensions ou de la couverture santé vient de ce que les entreprises ne paient pas directement les pensions ou les dépenses de santé de leurs salariés, mais mettent en commun les valeurs ajoutées en cotisant à des caisses, de même la pérennité du salaire de chacun doit être garantie grâce à une cotisation. Les entreprises ne paieraient plus « leurs » salariés, mais elles cotiseraient à des caisses de salaire qui garantiraient le caractère irrévocable du salaire quels que soient les aléas des entreprises.
La cotisation sociale pourrait être étendue au financement de l’investissement par une caisse d’investissement garantissant la propriété d’usage des entreprises par les salariés.

De même qu’elle existe pour la santé, la retraite etc., et de même qu’elle pourrait être étendue au salaire via des caisses de salaires, la cotisation sociale pourrait aussi servir à financer l’investissement via une caisse d’investissement. La retraite et la santé prouvent que l’on peut payer des personnes massivement et sur long terme, sans accumulation financière, sans crédit. Pourquoi ne pas imaginer une extension à l’investissement ? Jusqu’à ce que le gel du taux de cotisation conduise à la création par Juppé de la Caisse d’Amortissement de la Dette Sociale (CADES), qui emprunte sur les marchés financiers avec les beaux résultats que l’on sait, l’investissement hospitalier était financé par la cotisation maladie, sans appel au marché des capitaux. Un hôpital, c’est une vraie usine : la preuve donc que l’on pourrait se passer du parasitisme et du chantage des actionnaires et des prêteurs pour financer tout l’investissement productif. C’est notre travail qui produit les 400 milliards que les actionnaires et les prêteurs investissent après nous en avoir pris 700 sous forme de profit. C’est à nous d’en prendre la maîtrise en créant une cotisation économique qui se substituera au profit et qui financera l’investissement sans taux d’intérêt et sans remboursements, qui n’existent que parce qu’il y a une appropriation d’une partie de la valeur que nous créons par des propriétaires lucratifs dont nous pouvons nous passer. Les salariés doivent être les propriétaires d’usage de tous leurs lieux de travail.

Le PIB n’est produit que par notre travail. Tout le PIB doit aller aux cotisations du salaire socialisé pour que nous puissions enfin travailler sans marché du travail et sans marché des capitaux, et ainsi décider de ce que nous produisons dans des entreprises dont nous serons les copropriétaires d’usage. Le chantage à l’emploi, à la dette et à la compétitivité peut être efficacement combattu, car nous n’avons besoin pour travailler ni d’employeurs ni d’actionnaires ou de prêteurs.

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