Pour la cinquième assemblée des assemblées (ADA, qui se tient les 6, 7 et 8 mars à Toulouse, les participants ont choisi comme thème principal la sortie du capitalisme. La tenue de l’ADA, son auto-organisation, la recherche d’équité dans les débats semblent déjà constituer un début de réponse. Reportage au le premier jour de l’ADA.
« En un an et demi je n’ai jamais autant appris ». « Chris 32 », comme l’indique la petite étiquette qu’elle a collée sur son gilet jaune est devenue accro à l’information depuis ce jour où elle s’est rendue au rond point de son village pour faire autre chose qu’en constater la laideur. Elle énumère : « Là bas si j’y suis, QG, Le Média, le Canard Enchaîné, l’Humanité », sur le rond-point de Gimont (Gers), c’est elle qui se charge de la revue de presse informelle pour la dizaine de gilets jaunes qui s’y retrouvent tous les samedi depuis plus d’un an. Le rond-point est devenu central dans leur vie, c’est un lieu de sociabilité mais aussi de diffusion de l’information « on ne compte plus tous les tracts qu’on a imprimés et distribués aux automobilistes », s’amuse Philippe, gilet jaune de Gimont. Venir à l’ADA c’était donc une évidence.
C’est le rond-point des ronds-points, celui où on parle politique dans tous les recoins pendant trois jours, du bar à prix libre, aux toilettes sèches, là où les discussions sont plus riches encore qu’ailleurs parce qu’on y synthétise les expériences de tous les ronds points de France. On y raconte aussi ce vécu commun, celui des manifs, des nasses, du gaz, des mains, des yeux et des vies arrachés, qui incontestablement rapproche. « On partage nos tuyaux », explique Raphaël* gilet jaune de Montpellier, « et comme on a tous les mêmes problèmes les conseils tombent souvent juste. »
En ce vendredi 6 mars, le hangar de la banlieue toulousaine, squatté pour l’occasion, accueille un peu plus de 200 personnes. Les organisateurs pensent recevoir 400 participants au plus fort de ces trois jours d’assemblées. Dans cette ébullition politique l’ADA essaie aussi de remettre de l’ordre, de mesurer. Que voulons nous collectivement ? Comment le faire ?
Le capitalisme en un mot
« A Gimont on avait voté pour que ce soit la constitution qui soit le thème principal de l’ADA », raconte Françoise. Depuis décembre dernier, les ronds-points de France hiérarchisent les thèmes qu’ils souhaitent voir débattus à l’ADA par ordre de priorité. En découle cette liste :
1 : Comment sortir du capitalisme ?
2 : Quelles stratégies de lutte pour le mouvement ?
3 : Que faire de la constitution ?
4 : Comment étendre le service public ?
5 : Comment structurer le mouvement gilets jaunes
Les thèmes sont débattus pendant deux heures dans des petits groupes d’environ une dizaine de personnes. Les médias ne sont pas autorisés à y assister sauf si tous les participants donnent leur accord, ce qu’ils font avec nous. Marthe*, gilet jaune tarbaise ancienne enseignante engagée à Attac, consigne sur un tableau les différentes propositions des participants. Elle doit noter ce qui fait consensus et ce qui ne le fait pas.
Enfin, des « facilitateurs » tournent entre les différents groupes pour veiller au bon déroulement du débat et proposer des étapes dans la discussion. « On vous encourage à vider votre sac avant le début de la discussion : dire ce que vous évoque le sujet chacun votre tour pendant 2 minutes ». Finalement, la consigne se transforme en : « décrivez le capitalisme en un mot ». Marthe se met alors à écrire ce que lui disent les autres gilets jaunes : « exploitation, soumission, vols, ogre insatiable, décentralisation, économie et déshumanisation ». Cette étape expédiée, chacune et chacun propose des stratégies pour sortir du capitalisme.
« La prise de conscience »
« Sur le marché de Saint Nazaire, on aide les commerçants à déballer et en échange ils nous donnent leur invendus. On les redistribue ce qui nous permet de nourrir environ 600 personnes », explique Patrick de l’association Sourie.ion. Tout le monde acquiesce, la solution, déjà mise en application, fait consensus. « Vous vous réappropriez la distribution », commente, admiratif, Raphaël* de Montpellier. L’initiative en rappelle une autre : « Il faut développer les monnaies locales ou régionale ». Une autre conteste : « Les monnaies locales c’est très bien, mais il faut faire attention à ce qu’elles ne soient pas indexées sur l’Euro. » Ces débats ne sont pas nouveaux pour les participants, beaucoup portent un engagement social même lorsqu’ils enlèvent leur gilet jaune : associations écologistes, membres d’Attac, militantes anti compteur Linky ou encore d’une association qui promeut le débat libre sur les places publiques, la politique ne les lâche plus.
Les propositions fusent, des plus précises : remettre sur pied l’inspection du travail en recrutant des fonctionnaires, au plus vagues : récupérer notre temps. Le groupe, d’accord sur à peu près tout, multiplie les propositions au pas de charge : « consommer autrement, faire des jardins partagés, pas de création de capital sur les bien communs, pas de brevet sur le vivant ». Même la perspective finale de tout cela : « Abolir l’argent et retourner au troc », fait consensus. Marthe remplit la feuille à fond la caisse.
« Mais si on veut retourner au troc, on n’a plus besoin d’inspection du travail », oppose tout de même une participante. « C’est vrai mais il y a des étapes avant d’en arriver là, faire fonctionner l’inspection du travail, c’en est une », lui répond-on. Pour clarifier sa stratégie et parce qu’il reste encore du temps avant la fin des deux heures, le groupe décide donc de dégager les étapes de sortie du capitalisme. « En premier il faut sortir de la sur consommation ! », assure une gilet jaune enthousiaste et approuvée. « Non moi je ne pense pas que ce soit la première étape », doute Raphaël. « Ah bon. C’est quoi alors selon toi ? » « La première étape c’est la prise de conscience par la population… » Marthe note doctement : ETAPE 1 prise de conscience.
https://rapportsdeforce.fr/classes-en-lutte/assemblee-des-assemblees–sortie-au-capitalisme-03086338
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