Publié le 6 octobre 2016 |
On ne connait pas assez COVEA, ce géant de l’assurance mutualiste qui rassemble des enseignes telles que MAAF, MMA ou GMF. Pourtant, ce groupe qui se revendique « assurément humain » gagnerait à être connu, comme l’ont constaté les 24 grévistes du chantier de Breteuil à Paris.
Vendredi dernier, 30 septembre, vers 7h30, au 46 rue Breteuil à Paris, les forces de police évacuaient avec le doigté et le tact qu’on leur connaît, les 24 grévistes du chantier qui s’y trouvait. Avec le soutien du tribunal de Paris.
Rappel des faits
Le 7 septembre dernier, au 46 rue Breteuil à Paris, un salarié [1] de MT Bat-Immeubles [2] se blesse en tombant d’un échafaudage. Faut dire que les conditions de sécurité sont quasi inexistantes : une passerelle bringuebalante à 2 mètres de hauteur, une masse de 10 kilos à trimbaler, des plaques d’amiante à enlever sans protections, des gants et des masques au compte-gouttes et des chaussures de sécurité non fournies… Fracture ouverte. Ses 24 camarades demandent aussitôt à leur responsable d’appeler les secours. Fin de non recevoir : le blessé est censé rejoindre l’hôpital dans la voiture du chef de chantier. Et pour cause ! Les salariés ne sont pas déclarés ou mal déclarés [3]. Les collègues du blessé sont obligés de prendre les choses en main eux-mêmes et d’appeler, en secret, les secours pour qu’une prise en charge du malheureux soit enfin organisée.
Dans la foulée l’inspectrice du travail vient constater les irrégularités — et il y en a !
Le lendemain, la direction du chantier décide de se passer des 24 ouvriers restant. Pas de problème : ils n’ont pas de contrats de travail. Pour celles et ceux qui pesteraient, rassurez-vous, il paraît que la loi El Khomri sera bientôt appliquée et solutionnera tout…
Suite à cette injustice, les salariés se mettent en grève et occupent les locaux. Ils iront jusqu’à faire un piquet devant le chantier. Ils sont soutenus dans leurs démarches par l’Union Départementale de la CGT de Paris. Ils réclament, au-delà d’une simple considération de leurs personnes, la prise en charge de l’accident du travail de leur collègue, l’établissement des bulletins de paye correspondant à l’ancienneté de chacun, le paiement de l’intégralité des salaires non-perçus, et l’obtention des demandes d’autorisation de travail pour les salariés étrangers nécessaires pour leur régularisation administrative. En gros, ils demandent juste des conditions de travail décentes [4] et une régularisation de leurs situations.
Inévitablement, devant le pourrissement de la situation (puisque la Direction ne veut rien savoir), peu à peu le climat sur le chantier s’est détérioré avec l’équipe de sécurité : filtrage des salariés, identité des personnes systématiquement notée, et surveillance constante de trois agents sur place. Jusqu’à l’évacuation de vendredi dernier.
Faites ce que je dis, pas ce que je fais
Rappelons que le donneur d’ordre est COVEA [5], premier groupe Mutualiste de France, dont nous voyons les enseignes chaque jour à Tours. Fidelia Assistance, par exemple, emploie pas moins de 300 salariés — sans compter les saisonniers qui viennent épisodiquement — ; sommes-nous sûr que tous ces emplois soient bien déclarés ?
COVEA a donc obtenu le droit d’expulser les sans-papiers de l’endroit où le groupe les avait fait travailler illégalement — comme quoi le groupe ne s’intéresse au Droit que quand ça l’arrange. Ce pourrait être comique si ce n’était pas tragique. Ce géant s’est donc hissé à la hauteur de l’événement, lui qui a perçu pas moins d’un milliard de bénéfice en 2015 ! Devons-nous croire qu’il a tout logiquement cédé à une logique interne : zéro blabla, zéro tracas ? Pas de parlotte donc, et les ouvriers en grève directement envoyés au tribunal !
Et dire que c’est un groupe dit mutualiste… Cela fait froid dans le dos.
Nous sommes pour ceux qui donnent la main, pour les généreux, les altruistes, les désintéressés. Pour ceux qui se mettent au service des autres… [6]
Eh bien, ça doit leur faire une belle jambe, tout ça, aux 24 ouvriers laissés sur le carreau…
Logo : Evan Bench
P.-S.
Vous êtes sociétaire ou administrateur de la GMF, MMA ou de la MAAF ? Agissez par exemple en diffusant l’information, en envoyant un courriel de protestation, en posant une question lors d’une AG ou d’un CA, etc.
Notes
[1] Un jeune malien de 32 ans.
[2] Sous-traitant de la société Capron dont le maître d’ouvrage est donc COVEA.
[3] Ce qui explique qu’ils étaient payés en liquide depuis juillet pour désosser le bâtiment.
[4] Cela change des fausses fiches de salaires, de l’argent donné dans des enveloppes.
[5] Rappelons en outre que légalement, ils sont tenus responsables des actions de leurs sous-traitants. Ainsi sur le plan pénal, le donneur d’ordres est censé vérifier que son contractant n’effectue pas de travail dissimulé.
[6] Audible sur le dernier spot publicitaire de la GMF, que nous nous refusons de mettre ici.
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