Brèves, Réfugiés octobre 5, 2016 Daniel Fleury
Alors que la répression et les purges s’intensifient en Turquie, que les médias sont réduits au silence, alors que les forces armées turques se sont vues accorder un permis d’invasion du Nord syrien, l’accord Turquie/UE sur les migrants suit son cours.
La Turquie est un pays sûr, respectueux des règles internationales, à qui l’on peut confier la protection et l’assistance aux migrants, c’est bien connu !
Et pourtant, le gouvernement Tsipras a permis le renvoi de l’île de Lesbos à Dikili en Turquie d’un groupe de 55 demandeurs d’asile, en majorité des Pakistanais et des Algériens, dans le cadre de l’accord. Parmi ce groupe, figurent les premiers 37 demandeurs d’asile déboutés en deuxième instance par les autorités du service grec d’asile. Et ce ne seront pas les derniers, si on en croit le gouvernement devenu désormais très pro-européen, sur cet accord. Les seuls inquiétudes actuelles pour Tsipras, semblent être le vote récent renouvelant les autorisations d’interventions extérieures de la Turquie, qui concernent également le voisin chypriote.
Le coup d’Etat manqué du 15 juillet avait incité à quelque prudence, et la première vague de purge engagée par le gouvernement AKP avait interrogé sur la volonté d’Erdogan de poursuivre le deal, tant il semblait occupé à fournir d’éventuels demandeurs d’asile supplémentaires, Turcs et Kurdes cette fois. Les interdictions de quitter le territoire qui ont accompagné ces “purges” ont du rassurer l’UE, puisque les échanges de bons procédés reprennent.
Le 8 septembre, les autorités grecques avaient déjà renvoyé en Turquie cinq demandeurs d’asile déboutés en première instance, sans attente de recours éventuel.
C’est environ 500 migrants dont la plupart n’avait pas demandé l’asile en Grèce ou avaient retiré leurs demandes, qui ont été renvoyés depuis la signature de l’accord. Le gouvernement Tsipras s’étant engagée à un examen individuel des demandes d’asile, les renvois massifs avaient été retardés par les “procédures”, puisque même les migrants arrivés après le 20 mars, date fatidique, avaient en partie déposé des dossiers, bien qu’ils ne veuillent pas rester en Grèce.
“Si la procédure d’examen d’asile s’accélère”, les renvois vont s’intensifier, et on ne voit pas ce qui pourrait empêcher cette accélération, la démocrature turque semblant convenir pour y renvoyer des personnes en état de détresse absolue. Ainsi va “l’humanité” européenne, à l’encontre de la “misère du monde”. En profiter d’accord, accueillir les effets secondaires, là, ça coince. Hier avec un Kadhafi, aujourd’hui avec Erdogan, tous les pouvoirs “forts” sont considérés “efficaces” pour débarrasser l’Europe de ses “problèmes”, pour peu qu’on s’entende sur les contreparties.
Cette politique migratoire européenne, faite de renoncements devant les mouvements xénophobes identitaires qui se développent, prouve tellement son efficacité qu’en effet, elle a endigué le flux migratoire en Europe via la Turquie, mais que la route s’est désormais re-déplacée entre la Libye, l’Egypte et l’Italie. Des arrivées par milliers ces derniers jours, avec le lot de noyés en mer, hommes, femmes, et surtout enfants, sont le fruit de cette politique de déplacement du “problème”.
Pour chaque Syrien renvoyé, un Syrien doit être re-localisé en Europe, prévoit également l’accord. Ce qui ressemble bigrement à un troc de migrants, rappelons-le, en totale détresse, au moment où Alep meurt sous les bombes et le Nord syrien est envahi par Erdogan. La Grèce n’a fort heureusement renvoyé jusqu’ici en Turquie aucun demandeur d’asile syrien. Mais l’accélération voulue par le gouvernement Tsipras peut le faire craindre.
La seule chose qui peut ralentir, c’est la rupture de l’accord par Erdogan, qui réclame toujours ses milliards et l’exemption de visas pour les Turcs dans l’espace Schengen, tout comme l’établissement de sa fameuse “zone tampon” au Nord Syrie, où il envisagerait de re-localiser les réfugiés.
Inutile de dire que pour toutes ces négociations, chacun oublie volontairement qu’il s’agit de vies humaines, de destins brisés, et pire, de jeunes générations sacrifiées pour qui l’Europe et les Etats du Moyen-Orient apparaîtront comme les assassins de leurs parents et familles… à très court terme.
Nous trouverions également que ce serait faire preuve d’une réelle solidarité “trans-nationale”, et d’un peu d’intelligence politique, que de ne pas faire en Europe de campagnes d’aides séparées pour l’aide au Peuple grec d’un côté, et l’aide aux migrants en Grèce de l’autre.
Sur place, les activistes grecs, suivis en cela par une bonne partie des milieux populaires, ne fait pas de différence. Ils se considèrent tous comme luttant ensemble contre la politique austéritaire et xénophobe de l’UE. Ainsi, dispensaires auto-gérés, lieux de culture et d’accueil sont partagés…
Pour la situation des réfugiés en Grèce, et un peu de positif, voir :
Film à voir : “Réfugié-e-s City Plaza”
Nous vous renvoyons également sur les campagnes d’Amnesty International, entre autres.
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