Nouvelle arme des CRS : quand Libé repompe (mal) une enquête publiée sur Rebellyon

Publié le 2 octobre 2016

En juin, l’apparition d’un fusil entre les mains des CRS inquiétait les manifestant·es contre la Loi Travail. Pour évaluer la menace, des membres du collectif Contrib avaient alors cherché son nom. Un article de Libération publié trois mois après reprend l’ensemble des infos publiées sur Rebellyon, sans lien ni citation, mais avec un gros oubli.

Après le déluge de lacrymos, flashballs et autres grenades de désencerclement qui s’est abattu sur les manifestant·es contre la Loi Travail, les CRS ont sorti au printemps une nouvelle arme impressionnante, inconnue. Dans le cadre du Collectif d’entraide à la rédaction, on avait donc fouillé le sujet en juin, et quelques mois plus tard, Libé s’empare de la question, en mode « révélation ». A priori, tant mieux. Pour son papier, le quotidien s’appuie sur la dernière apparition en manif du Penn Arms PGL 65-40, un lance-grenades à répétition. Il a encore été exhibé à Nantes le 26 septembre.

Mais voilà, les personnes attentives n’auront strictement rien découvert de nouveau dans Libé. Hormis une note interne des flics datant de 2013 qui n’apporte à peu près rien, les informations factuelles sont toutes déjà présentes dans l’enquête publiée sur Rebellyon [1]. Y compris un élément mal recopié par Libé [2].

Les infos reprises, la question centrale balayée

Plus embêtant, la seule info qui diffère c’est la problématique qui pourrait motiver l’interdiction de cette arme : la menace du tir tendu, pour lequel est conçu le Penn Arms. Libé balaie cet aspect par un rappel de l’obligation officielle des tirs en cloche de lacrymos et de fumigènes. Ce que nous avions aussi mentionné. Sauf que Libé ne précise pas deux choses :

 le lanceur de grenade Cougar qui équipe les CRS et les gardes mobiles est conçu pour forcer le tir en cloche (la crosse implique un angle de 30°), le Chouka, moins contraignant, étant réservé à la BAC et aux flics en civils ;

 le nombre important de blessé·es par tirs directs de lacrymos (ce qui sous-entend une manipulation intentionnelle du Cougar ou des tirs tendus avec le Chouka) peut faire craindre les dégâts qu’occasionnera le déploiement d’une arme prévue pour viser. Plus besoin de le retourner pour blesser des manifestant·es.
Cette spécificité inquiétante du Penn Arms devrait motiver son retrait immédiat, sans attendre des dizaines de victimes. Libé en parlera peut-être dans quelques temps : dans la presse, ça s’appelle feuilletonner.
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Contactée, Aline Daillère, de l’ACAT, une ONG qui a publié cette année un rapport très complet sur les violences policières, n’attend pas les premier·es mutilé·es pour s’inquiéter :

Nous sommes préoccupés par la physionomie de cette arme qui ressemble à un fusil et qui se prête aux tirs tendus. Nous craignons qu’elle soit utilisée comme telle, ce qui pourrait provoquer de graves dommages humains.
Nous nous inquiétons par ailleurs de voir apparaître une nouvelle arme, sans que le bilan de celles déjà existantes (qui occasionnent de nombreuses blessures graves), n’ait vraiment été fait par les pouvoirs publics… »

Voici l’article de Libé dans lequel les informations déjà publiées sur Rebellyon sont surlignées :

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Il est fréquent que les médias mainstream se servent des sites alternatifs pour alimenter leurs papiers. C’est a priori plutôt une bonne chose que les infos qui y sont publiées circulent aussi comme ça. Mais en général, on ne reformule pas toute une recherche sans mentionner celle d’origine. C’est d’autant plus gênant quand la problématique la plus actuelle est balayée.

Au final, une situation plutôt amusante, révélatrice de certain·es pratiques des journalistes. Et une conclusion : si vous voulez voir vos articles repris dans la « grande » presse sans vous emmerder avec des années d’école et des fréquentations douteuses, écrivez donc sur les médias alternatifs. Toute l’année, des bons articles, témoignages, analyses, y sont publiés sur des sujets qui n’intéressent pas au départ la presse dominante. On encourage donc les journalistes à les recopier. Et si les médias commerciaux ne souhaitent pas citer leurs sources, ce qu’on peut comprendre quand c’est tout l’article qui est repris, ils peuvent faire un don à Riseup, la Caisse de So ou toute autre structure alternative.

D’ailleurs, mardi, c’est Contrib : le collectif d’entraide à la rédaction formé autour de Rebellyon fait son apéro de rentrée. Venez donc écrire des articles pour Rebellyon, mais aussi Libé et les autres !

Et les 22 et 23 octobre, le plus important, on ne fait pas qu’écrire, on désarme la police à Saint-Etienne.

Les auteur·es de l’article initialement publié sur Rebellyon sur le Penn Arms.
Notes

[1] A réécouter, l’enquête téléphonique au ministère de l’Intérieur d’une camarade de la Megacombi qui a permis d’alimenter l’article de Rebellyon : « C’est quoi cette nouvelle arme « moins létale » de la police »

[2] Le PGL 65-40, contrairement à ce qui est indiqué dans l’article de Libé, n’est pas utilisé par l’armée israélienne. Dans notre article, nous précisions bien que l’ONG B’Tselem protestait contre un autre fusil Penn Arms, en l’occurrence le L640-1, p. 12 de leur communiqué en lien sur notre article. C’est celui-là auquel doit faire allusion Libé en conclusion de son papier. Il n’y a, a priori, aucune autre déclaration de B’Tselem sur leur site mentionnant l’usage d’un PGL 65-40.

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