Posté par 2ccr le 20 février 2016
Peu à peu, au fil de la crise, des scandales, des frustrations, des peurs, du délitement du lien social, les pièces du puzzle se mettent en place. Le scénario est connu, il a fait le malheur du 20ème siècle. Il est en passe de recommencer. Certaines et certains vont percevoir dans ce titre une provocation. Hélas, ils/elles ont tort. Nous allons voir que c’est la faillite du « régime démocratique » qui conduit au fascisme. Nous avons aujourd’hui le recul de l’Histoire, et celle du 20ème siècle nous en apprend beaucoup sur le fatal processus qui conduit à un tel drame.
Le système politique dans lequel nous vivons aujourd’hui, en France, et dans les autres pays européens est étiqueté « démocratique ». Il en a l’apparence, l’illusion du fonctionnement, et le discours officiel, largement intégré par le peuple auquel il est interdit de penser autrement. Cette méthode Coué, si confortable, évite de nous rendre compte du chemin sur lequel nous sommes et qui nous conduit à la catastrophe.
Posons directement le problème : ce n’est pas parce que nous votons à intervalles réguliers pour élire nos représentants à différentes instances que notre société a un fonctionnement démocratique… La situation actuelle en est une preuve. Sur le papier, en théorie, le principe du fonctionnement démocratique paraît simple : les citoyens élisent librement leurs représentants qui réalisent leurs désirs politiques. Or, nous le savons depuis longtemps… ça ne se passe pas comme cela.
1 – Ce principe s’applique dans, et pour, un système économique – le capitalisme – qui n’a jamais fait de l’intérêt du citoyen sa finalité, donc en contradiction totale avec la philosophie même de la démocratie. L’individu y est au service de l’économie et non l’inverse. Tant que le système permet, plus ou moins, de satisfaire l’ensemble des besoins de la population, il arrive à se stabiliser, dans le cas contraire il se délite – ce qui est le cas aujourd’hui – entraînant avec lui le « principe démocratique », sur lequel il est censé être fondé.
2 – Le principe démocratique de représentativité dérive et aboutit à la perte de responsabilité du citoyen. L’élection du représentant est devenue l’essentiel de l’acte citoyen, abandonnant à une classe politique les destinées et la gestion des affaires publiques.
3 – Les partis politiques, à l’origine clubs de réflexion, sont devenus des instruments d’accès et de conservation du pouvoir ainsi que de promotion sociale pour toute une catégorie d’individus qui font de la politique leur métier, voire l’instrument de leurs prétentions et de leur enrichissement personnel.
4 – Partis politiques et médias sont devenus de véritables instruments de domination idéologique, enserrant l’ensemble des citoyens dans une trame de pensée excluant toute remise en question du système.
Sous l’écume d’apparence démocratique fonctionne de fait un système politique qui ne l’est pas. La décadence du système économique marchand, qui n’arrive plus à créer du lien social et la circulation rapide de l’information minent ce qui faisait la stabilité de ce système : la confiance des citoyens. Un écœurement citoyen, suivi d’un détachement des affaires publiques se fait jour donnant naissance à un désintéressement politique qui peut-être source de toutes les aventures. Le capitalisme ne mérite pas le principe démocratique, c’est pourtant cela que les classes dirigeantes essayent de nous faire accepter.
La crise que nous traversons révèle l’incapacité et/ou la volonté de la classe politique de trouver une issue conforme à l’intérêt général. L’État – les États – se révèle(ent) être ce qu’il(s) a(ont) toujours été, le(s) défenseur(s) des possédants. La crise financière en a été un révélateur exemplaire. Les choix faits – ou non faits – en matière de politiques économiques – le choix de l’austérité – montrent à l’évidence tout le mépris qu’inspire aux dirigeants l’intérêt des peuples.
Le système politique actuel, contrairement aux apparences « démocratiques », n’offre véritablement aucune issue – ça a été son point fort, c’est aujourd’hui son point faible… Au fil des élections, des bourrages de crânes électoraux, des promesses, des manœuvres dilatoires d’appareils politiques, de fausses polémiques, d’affaires plus ou moins sordides, on reproduit une situation qui ne cesse de se dégrader de plus en plus. L’illusion du changement toujours annoncé, cède aujourd’hui la place à une désillusion qu’illustrent, dans le meilleur des cas, l’abstention, dans le pire, le vote néofasciste, car on le sait, en l’absence d’une alternative crédible, viable face à la décadence du système en place, le pire est à craindre.
Certes, on assiste localement, de façon sporadique, à des initiatives alternatives qui tentent, souvent avec succès de créer le lien social que ne peut plus produire le système dominant ; mais l’ensemble de ces projets ne constitue pas une alternative politique globale. C’est le système politique en place qui a encore la main en ce domaine, et tout est fait pour aboutir à une impasse.
Cette logique d’obstruction, et l’Histoire l’a montré, peut produire le pire : l’arrivée au pouvoir de forces politiques qui, sans apporter la moindre solution à la crise, instaurent un état fort capable de figer toute velléité de changement et de porter atteinte aux libertés chèrement acquises.
Nous en sommes aujourd’hui à ce stade ultime où se joue une partie risquée : assurer un changement sans plus faire confiance au système politique en place complètement sclérosé ou risquer l’aventure de l’État fort dont on ne sait que trop ce qui peut en sortir.
Patrick MIGNARD
« Si je diffère de toi, loin de te léser, je t’augmente »… Antoine de Saint-Exupéry
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