Antifascisme, Extrême droite, Fake news
Cette affaire se hisse sur le podium de l’inversion et du mensonge. Pourtant, on a vu Netanyahou soutenir le salut nazi d’Elon Musk tout en accusant la terre entière d’antisémitisme. On a vu le RN, parti fondé par des nazis, présenté comme un «rempart» pour les juifs. Mais cette histoire de militant fasciste qui se présente comme une victime d’antisémitisme et accuse des antifascistes, c’est vraiment un record. Tout simplement stratosphérique. Et ça se passe en France, avec la complicité des médias et des autorités.

L’affaire démarre à Villeurbanne, en banlieue de Lyon, le 11 avril. Arthur B., un homme de 26 ans, porte plainte : il dit avoir subi une agression et avoir été insulté de «sale juif». Selon sa déclaration, il portait un pendentif en étoile de David et promenait son chien lorsqu’il aurait été attaqué. Selon ce même récit, ses agresseurs seraient repartis en revendiquant leur appartenance à la Jeune Garde, un collectif antifasciste actif depuis 2018, et auquel appartient le député Insoumis Raphaël Arnault. La victime souffre de blessures légères qui lui ont valu deux jours d’incapacité totale de travail.
Sur internet, la première à réagir est l’influenceuse raciste Mila, qui qui précise que la victime est «un de ses proches». Immédiatement, toute la presse de droite et d’extrême droite se ruent sur l’affaire. Valeurs actuelles titre : «Villeurbanne : un homme qui promenait son chien victime d’une agression antisémite». Une pétition «pour la dissolution de la Jeune Garde» est mise en ligne et relayée par le média. Europe 1 multiplie les sujets, par exemple : «L’homme qui portait une kippa a été violemment frappé et filmé». Une pure invention, mais chez Bolloré, on n’est plus à ça près.
La préfecture du Rhône enchaîne : «Cette agression antisémite fait l’objet de toute l’attention de la police nationale qui a ouvert une enquête pour retrouver les auteurs de ces violences abjectes. La préfète assure à la communauté juive et à ses représentants sa détermination à lutter contre les actes antisémites». La police parle de violences avec la «circonstance aggravante d’antisémitisme». Olivier Rafowicz, porte-parole de l’armée israélienne, tweete sur «une nouvelle attaque antisémite en France à Villeurbanne».
Pourtant, dès le départ, les faits semblent plus nuancés. D’abord, sur Europe 1, un témoin dit avoir vu la victime se faire frapper et assure «J’ai entendu seulement ‘sale faf’». C’est à dire «sale facho». Le président du CRIF d’Auvergne-Rhône-Alpes, «en appelle à la prudence» et reste «très réservé». La victime n’a d’ailleurs pas pris contact avec le Conseil représentatif des institutions juives de France ni avec la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme. Et puis, pourquoi les auteurs d’une telle agression auraient-il revendiqué en pleine rue leur appartenance à un collectif antifasciste ? Cela n’a aucun sens.
Ce jeudi 17 avril, Libération certifie : «Arthur B. est impliquée dans la mouvance d’extrême droite lyonnaise». Médiapart explique, très pudiquement : «certains aspects de cette affaire soulèvent des interrogations» car «la victime est un habitué des altercations et affrontements avec l’organisation d’extrême gauche».
Parlons clairement : il est désormais démontré, preuve à l’appui, que la prétendue victime d’antisémitisme est proche de groupes néo-nazis et a personnellement commis une série d’agressions fascistes. Il parade même avec des militants multipliant les symboles d’extrême droite et des références hitlériennes.
Arthur B. aime s’afficher sur les réseaux sociaux : c’est un homme de grande taille, passionné de musculation, affichant sur Twitter le slogan «Am Israël hai» («le peuple d’Israël vit») et des idées d’extrême droite. Sur ces mêmes réseaux, on voit qu’Arthur B. est très proche de Mila, militante pro-Zemmour qui publie régulièrement des messages racistes. Elle affirmait notamment qu’il faut «casser la bouche» des «arabes» ou qu’une «immense partie des familles maghrébines sont consanguines». En 2024, Mila déclarait dans une discussion en ligne : «Je veux absolument voir ça !» en riant, après qu’un Franco-Israélien lui propose de lui envoyer des photos «d’Arabes scotchés de la tête aux pieds accrochées à des feux rouges».
Revenons à son charmant petit copain, Arthur B., la «victime». Dans une vidéo publiée par Mila le 14 février, on voit Arthur B. avec son chien, un malinois, harceler et pourchasser en pleine rue un groupe de personnes qualifiées a posteriori «d’antifas», de «gros lards» et de «branleurs en surcharge pondérale». La vidéo est filmée par Arthur B. lui-même, qui ironise face au groupe, visiblement apeuré et en train de s’éloigner : «C’est donc ça, les antifas solides de Lyon ?», puis il retourne la caméra et déclare, souriant : «Extrêmement fier d’être un gros racelard [raciste]». Il crie également : «Je vais te faire courir rouquin», en référence à une célèbre phrase de Jean-Marie Le Pen, antisémite notoire.
Le 22 mars, des manifestations ont lieu dans toute la France contre le racisme. Ce jour là, Arthur B. apparaît sur des photos du compte Instagram public de Mila, on y reconnaît son chien, un malinois au poil noir et fauve. À Lyon, à la fin de la manifestation anti-raciste, une bande de néonazis équipés de gazeuse, matraques télescopiques et d’un couteau attaque un groupe d’antifascistes. Une vidéo des faits a été prise par un témoin, on y voit Arthur B., reconnaissable à ses vêtements et à son chien, qu’il utilise pour attaquer et faire peur.
Cette agression est revendiquée peu après par le canal néonazi Ouest Casual, qui publie régulièrement des vidéos d’agressions et des contenus à la gloire d’Hitler et des SS. En avril 2024, il diffusait par exemple les images d’un homme tabassé au sol à Maçon, par des hommes cagoulés criant : «Ici c’est comme l’Allemagne nazie». Décidément, Arthur B. est une bien curieuse victime d’antisémitisme.
Le soir même, Arthur B. pose d’ailleurs avec d’autres militants néofascistes devant des bandanas volés à la Jeune Garde lors de l’attaque, présentés comme des trophées. Sa copine Mila diffuse une photo sur Instagram où elle pose avec un foulard similaire, aux côtés d’un jeune homme impliqué dans l’attaque, en train de faire un signe de reconnaissance néonazi : un salut de Kühnen, variante moderne du salut hitlérien. Entre eux, à nouveau, se trouve Arthur B. On remarquera au passage le sentiment d’impunité absolu de l’extrême droite, qui peut revendiquer des actions violentes à visage découvert sans jamais être inquiétée.
Récapitulons : un fasciste multiplie les agressions à Lyon avec son malinois, agressions qu’il revendique sur internet. Il finit par récolter quelques baffes et court se plaindre d’antisémitisme, relayé par une intense campagne médiatique. Et à l’arrivée, ce sont des antifascistes qui sont salis. Cette période est folle.
À propos de cette affaire, la Jeune Garde déplore : «L’extrême droite, par essence antisémite, n’hésite plus à instrumentaliser cette question pour s’attaquer systématiquement à la gauche». Mais qui entendra ces mots vrais, noyés dans un flot de mensonges quotidiens ?
À Lyon, le 15 avril, une conférence sur l’histoire de la Palestine avait lieu à l’École Normale Supérieure. Un commando d’extrême droite a interrompu l’événement et provoqué des agressions racistes et homophobes. «Une scène de fureur inouïe» selon le syndicat CGT, dont des membres étaient présents. Cette agression bien réelle a lieu dans la même ville que les fabulations d’Arthur B., mais qui en parlera ?
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