«Lumières obscures» : Trump et Vance en guerre contre le savoir

Amériques, Extrême droite


Derrière la guerre de Trump et Vance contre le savoir, une idéologie aussi effrayante que réelle : les «Lumières obscures»


Trump et Vance dans le noir : deux partisans des "Lumières obscures".

S’il y a bien un trait commun qui caractérise les idéologies fascistes d’hier et d’aujourd’hui, c’est le culte de la force brute et la haine de l’intelligence. «Mort à la vie, vive la mort», «À bas l’intelligence !» s’exclamait José Millan-Astray, militaire espagnol et dignitaire franquiste dans les années 1930. On connaît aussi la célèbre phrase attribuée au dirigeant nazi Hermann Göring : «Quand j’entends le mot culture, je sors mon revolver». En 2025, une idéologie ressemblante se trouve à la Maison Blanche : les «Lumières obscures», le négatif des idées des Lumières.

Donald Trump attaque les universités

«Les fonds fédéraux seront coupés pour tout collège, école ou université qui autorise des protestations illégales. Les agitateurs seront emprisonnés, ou renvoyés définitivement dans leur pays d’origine. Les étudiants américains seront expulsés définitivement, ou, selon le crime, arrêtés». C’est le message posté par Donald Trump sur son réseau Truth Social, le 4 mars 2025.

Pour l’extrême droite américaine, les universités sont un terrain à conquérir et à mettre au pas. Et pour cause, c’est sans doute l’un des derniers endroits où il existe encore quelques contre-pouvoirs aux USA. Nous l’avons vu lors du mouvement étudiant pour la Palestine qui a enflammé les campus l’an dernier, et qui a été férocement réprimé par l’administration Démocrate.

Trump le dit très directement : il va définancer tout établissement scolaire qui n’appliquerait pas son idéologie. Il vient d’annoncer la suppression de 400 millions de dollars de subventions à Columbia, bastion des mobilisations étudiantes, qu’il a accusé d’inaction face à «des actes antisémites». Et il traite d’ors et déjà les étudiant-es comme des criminel-les.

Un étudiant traité de « terroriste » et menacé d’expulsion

Le 8 mars Mahmoud Khalil, jeune homme d’origine palestinienne et porte-parole du mouvement étudiant, a été interpellé à son domicile, sur le campus de Columbia, par la police de l’immigration. Il est résident légal des États-Unis et titulaire d’une carte verte. Il n’a pas été arrêté ni inculpé pour le moindre crime. Pourtant, il est actuellement emprisonné et le gouvernement veut lui retirer ses papiers pour le renvoyer des USA. Le compte de la Maison Blanche a osé tweeter suite à cette arrestation : «Shalom Mahmoud».

Trump ne veut pas s’arrêter là. Il a écrit : «Nous savons qu’il y a d’autres étudiants à Columbia et dans d’autres universités qui ont participé à des activités proterroristes, antisémites, anti-américaines et le gouvernement Trump ne le tolérera pas […] Nous allons trouver, arrêter et expulser ces sympathisants terroristes. Nous attendons de toutes les universités américaines qu’elles suivent les règles».

«Si Mahmoud Khalil peut se voir retirer son statut de résident permanent sans recours, alors aucun immigré ou étudiant international d’aucun campus américain n’est en sécurité», dénoncent ses camarades. Ce sont toutes les universités du pays qui vont être mises au pas par la force.

«Les Universités sont les ennemies»

Dans ce contexte, un discours prononcé par J. D. Vance, le vice-président des USA, est largement partagé sur internet. Il a été prononcé en 2021 dans le cadre d’une conférence «Nationale Conservatrice».

Celui qui est actuellement le numéro 2 des USA se lançait alors dans une charge hallucinante contre le savoir et l’enseignement supérieur. Il déclarait notamment que «nous devons attaquer franchement et violemment les universités de ce pays» ou encore «les professeurs sont l’ennemi. Les universités sont les ennemies». Aujourd’hui, il applique ses promesses.

Une scientifique en chef de la NASA virée

Dans le même registre, le gouvernement vient de licencier le 10 mars Katherine Calvin, climatologue et scientifique en chef à la Nasa. Avec elle, une vingtaine d’autres salarié-es de l’agence spatiale ont été renvoyé-es, son bureau et deux autres départements – notamment celui consacré à la diversité, l’équité, l’inclusion et l’accessibilité – de la Nasa ont été démantelés.

Leurs noms s’ajoutent à la longue liste de la purge organisée par Elon Musk, qui vire des dizaines de milliers de fonctionnaires depuis le retour au pouvoir de Trump.

Si Katherine Calvin est particulièrement visée, c’est parce qu’elle dirige un groupe de travail du GIEC, le groupe de scientifiques qui étudient sur le changement climatique. Les chercheuses et chercheurs qui documentent la pollution, les inégalités sociales ou le racisme sont mis au chômage et contraints au silence.

Le bombardier Enola Gay trop woke pour Trump

« Enola Gay », c’est le nom de l’avion de guerre qui a largué une des bombes nucléaires sur le Japon en 1945. L’avion a été nommé en référence à la mère du pilote Paul Tibbets, nommée Enola Gay Tibbets. Son nom est censuré par le ministère de la Défense.

L’administration a fait interdire de nombreux mots considérés comme «wokes» au sein de ses services depuis plusieurs semaines : une «chasse aux politiques d’inclusivité» réclamée par Trump. Parmi les 120 mots interdits, on retrouve «femme», «préjugé», «justice environnementale», «accessibilité»… Et toute référence au réchauffement climatique a été effacée de sites internet fédéraux. Certaines pages ont carrément disparu, ne laissant qu’un «404 Not Found».

Ainsi, les références au bombardier Enola Gay ont été signalées comme devant être retirées des sites du ministère de la Défense. Toute mention du mot «gay» est visée par la censure, de même que toute mention des dates commémoratives dédiées aux communautés noires, hispaniques, et aux femmes. Autre contenu menacé de censure : des photos du Corps des ingénieurs de l’armée en Californie, signalées à cause du nom d’un des membres dont le nom de famille est… Gay.

L’idéal fasciste en phase terminale c’est la réduction du langage afin d’empêcher de penser, et de tout réduire à des grognements et des coups…

Triangle rose

Le 9 mars, Trump publiait sur son réseau social un article rédigé par l’ancien capitaine du renseignement de l’armée américaine Jeremy Hunt, se félicitant du recrutement militaire qui aurait «changé sous Trump». Un texte accompagné d’une image : un triangle rose pointant vers le bas, barré par un panneau d’interdiction.

Le triangle rose orienté vers le bas est un insigne qui remonte à l’Allemagne nazie. Il était utilisé pour marquer les hommes homosexuels dans les camps de concentration. Les hommes marqués du triangle rose dans les camps nazis étaient soumis à des actes de torture, des expériences médicales, la castration et l’extermination.

Lumières obscures

Pris isolément, ces actes sont scandaleux, mais aussi parfois grotesques. Pourtant, ils répondent à une idéologie bien réelle et très sérieuse : les Lumières obscures, un retour en arrière, à rebours du siècle des Lumières et l’émergence d’une pensée rationnelle, basée sur l’érudition et la logique.

Ce mouvement de pensée qui vise à détruire la démocratie a été fondé par un certain Curtis Yarvin, connu sous le pseudonyme de Mencius Moldbug sur internet. Il est informaticien, passé par la Silicon Valley, et figure du mouvement appelé «néo-réactionnaire» aux USA. Il a d’abord publié un manifeste prônant l’emprisonnement à vie de membres improductifs de la société «dans un isolement permanent, dans une cellule scellée, sauf en cas d’urgence», mais avec l’autorisation d’accéder à «une interface immersive de réalité virtuelle qui lui permettrait de vivre une vie riche et épanouissante dans un monde totalement imaginaire». Une sorte de confinement réservé aux ennemis de l’intérieur.

Il propose aussi de transformer ces personnes en «biocarburant pour faire rouler les bus», et écrit qu’il aimerait trouver «une alternative humaniste au génocide». Yarvin imagine aussi, dans sa société rêvée, que les États deviennent «des entreprises lourdement armées et ultrarentables, qui aboliront le pouvoir de la presse, écraseront les universités, vendront les écoles publiques et transféreront les ‘populations décivilisées’ dans des enclaves sécurisées pour les rééduquer».

À partir de ces théories lugubres, un philosophe d’extrême droite anglais nommé Nick Land, ennemi de l’égalité et de la démocratie, publie un manifeste nommé «The Dark Enlightenment» – «Les lumières obscures».

Et devinez quoi ? J. D. Vance, l’un des Hommes les plus puissants du monde, est un ami personnel de Curtis Yarvin et un partisan des «Lumières obscures», ce néofascisme ultra-capitaliste qui prône la destruction de la connaissance et l’élimination des humains jugés superflus.

https://contre-attaque.net/2025/03/13/lumieres-obscures-trump-et-vance-en-guerre-contre-le-savoir/

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