La justice déclare quatre mégabassines illégales

Bonne nouvelle, Ecologie, Justice


La retenue de Sainte-Soline n’aurait jamais du être construite


La mobilisation contre les mégabassines a subit une importante répression.

Les victoires sont rares, et celle-ci aura coûté bien cher. La date du 25 mars 2023 reste marquée dans de nombreux esprits : ce jour là, des dizaines de milliers de personnes avaient afflué à Sainte-Soline, contre un chantier de mégabassine. Un projet absurde de lac artificiel couvert de plastique, qui vise à pomper l’eau de la nappe phréatique pour permettre à une poignée de gros exploitants d’irriguer des cultures intensives. Un symbole de l’accaparement d’un bien commun vital, l’eau, par une minorité d’agro-industriels.

À l’époque, dans les médias, le Ministre de l’Intérieur avait mis en scène une menace «écoterroriste». Il avait même annoncé la veille de la grande manifestation, sur la chaîne d’extrême droite Cnews : «les français vont voir des nouvelles images extrêmement violentes». Violentes, elles l’ont été, le scénario était écrit d’avance.

Le 25 mars 2023, l’État français avait déployé 3.200 gendarmes, des blindés, des canons à eau, des quads avec des tireurs équipés de LBD, des drones et des hélicoptère. Un dispositif qui coûtait, à lui seul, plus cher que la mégabassine en question. Il ne s’agissait aucunement de «protéger» un chantier qui ne risquait rien, puisqu’il n’était alors qu’un grand trou de terre battue, mais de briser physiquement et moralement le mouvement écologiste et anticapitaliste qui montait en puissance.

Ce 25 mars 2023 a été un immense guet-apens : des lignes de militaires suréquipés et protégés derrière des grilles attendaient sur les hauteurs du chantier pendant que les vagues de manifestant-es affluaient dans de grands champs parfaitement dégagés en contrebas, et subissaient un déluge de lacrymogène, d’explosifs et de balles en caoutchouc.

En moins de deux heures, 5000 grenades avaient été tirées, laissant des cratères dans les champs. Plusieurs dizaines de personnes avaient été mutilées ou gravement blessées, des cris de douleur et d’appel à l’aide résonnaient de toutes part. Deux hommes ont sombré dans le coma après avoir été frappés par des munitions. Le pouvoir avait donné carte blanche, permis de tuer. Une répression aussi concentrée et violente sur une si petite zone et un laps de temps si court était inédite.

Dans les semaines qui avaient suivi, cette manifestation avait été utilisée par le gouvernement pour lancer une procédure de dissolution des Soulèvements de la Terre, et des vagues d’interpellations contre des écologistes.

Mercredi 18 décembre 2024. Un an et demi après cette grande mobilisation, la cour administrative d’appel de Bordeaux déclare que quatre mégabassines, dont celle de Sainte-Soline, sont illégales. La justice estime que ces projets menacent la survie d’un oiseau protégé, l’outarde canepetière, qui était d’ailleurs l’un des emblèmes de la manifestation. Les autorisations qui avaient été délivrées par l’État sont donc suspendues.

Les quatre projets mis à l’arrêt sont «de nature à détruire tout ou une partie de l’habitat» de l’oiseau protégé, et de ce fait, «l’autorisation délivrée est illégale». La seule mégabassine qui avait été terminée est celle de Sainte-Soline, sous très haute protection de l’État, comme un symbole. Cette bassine a été remplie illégalement cet hiver. Elle ne pourra pas être remplie de nouveau sans autorisation.

Une dizaine d’associations environnementales avaient attaqué les autorisations de mégabassines dans le Marais poitevin. «C’est une victoire de la biodiversité» se sont-elles réjouies ce mercredi.

Les manifestant-es du 25 mars 2023 étaient donc dans le vrai. Pour autant, cette victoire judiciaire reste précaire. D’abord parce qu’il ne s’agit pas d’une victoire politique contre les mégabassines en tant que telles, mais d’une décisions administrative, qui peut être contestée par la voie judiciaire. Le président de la «Coopérative de l’eau», le lobby pro-mégabassines, déclare déjà : «On va compléter ce qu’il manque sur la dérogation, ça va demander quelque mois». Il faut donc s’attendre à d’autres recours.

De plus, si les mégabassines étaient déclarées d’intérêt public majeur, il n’y aurait même plus besoin de dérogations pour les exploitants. Et c’est justement ce que réclame la FNSEA et autres agro-industriels. Cette mesure pourrait être inscrite dans la prochaine Loi d’orientation agricole. Une bataille législative est donc à venir.

Enfin, de telles décisions juridiques laissent un goût amer. Des actions acharnées ont lieu contre la mégabassine de Sainte-Soline depuis des années, et ont subi une répression féroce. Maintenant que la bassine est terminée et financée à 70 % par de l’argent public, la justice tranche, mais trop tard. On est tenté de se dire : tout ça pour ça. Le même constat se pose pour le projet d’A69 : le temps que la justice statue sur l’illégalité du projet, l’autoroute sera déjà quasiment terminée.


L’exemple de Notre-Dame-des-Landes le démontre : si les recours juridiques restent un outil de contestation parmi d’autre, aucun projet ne peut être stoppé uniquement par la voix institutionnelle, un terrain par définition hostile. Seule une lutte déterminée, plurielle et offensive sur le terrain remporte des victoires durables.

https://contre-attaque.net/2024/12/19/la-justice-declare-quatre-megabassines-illegales/

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