La Tribune : Tapis Rouge pour Marine Le Pen, délit de gauchisme pour Adèle Haenel

La Tribune : Tapis Rouge pour Marine Le Pen, délit de gauchisme pour Adèle Haenel

● Extrême droite● Medias

On trouve, à la page 18 du dernier numéro, daté du 1er décembre 2024, de l’hebdomadaire dominical La Tribune dimanche, propriété du milliardaire Rodolphe Saadé, un long portrait d’Adèle Haenel, « figure du mouvement MeToo attendue au tribunal face au réalisateur Christophe Ruggia qu’elle accuse d’agressions sexuelles ».

Selon cet article, la comédienne féministe s’est aussi « empar(ée) du combat “antiraciste“ » – noter les guillemets, dont l’unique fonction semble être ici de déprécier l’antiracisme -, et se défie de « l’ordre capitaliste ». Cerise (rouge vif) sur le gâteau : elle « dit » aussi « lire Bourdieu ».

Pour La Tribune dimanche, cela fait beaucoup, et n’autorise qu’une seule et unique conclusion : cette sensibilité d’Adèle Haenel aux discriminations et aux inégalités sociales la situe très clairement « à la gauche de l’extrême gauche ».

D’ailleurs : elle s’est « rapproch(ée) », du « courant trotskiste Révolution permanente », et cela l’a conduite « à soutenir son leader, Anasse Kazib », qui « fusionne antipatriarcat, décroissance, idées “décoloniales“, soutien au Collectif contre l’islamophobie en France et à l’association Baraka City accusés de propagande islamiste après l’assassinat de Samuel Paty ». Soit, pour l’hebdomadaire de Rodolphe Saadé : un dérangeant « mélange des genres » – qui « ne rebute pas Haenel ».

Répétons-le, pour mieux savourer le contraste avec ce qui va suivre : pour La Tribune dimanche, Adèle Haenel, comédienne féministe, anticapitaliste et antiraciste, est une gauchiste maximaliste, qui s’est si grièvement radicalisée qu’elle connaît même quelqu’un qui connaît des gens qui ont été « accusés de propagande islamiste ».

Omissions

Par coïncidence : on trouve aussi, dans le même dernier numéro du même hebdomadaire (mais à la page 3, qui est une place de choix), un long entretien avec Marine Le Pen, « présidente du groupe Rassemblement national (RN) à l’Assemblée nationale », contre qui le parquet de Paris a requis le 13 novembre dernier une peine de cinq ans de prison et d’inéligibilité pour détournement de fonds publics dans l’affaire dite des assistants parlementaires du Front national – et qui menaçait, lorsqu’elle a accordé cet entretien à La Tribune dimanche, de censurer le gouvernement de Michel Barnier.

D’où cette question que lui posent les deux collaborateurs de l’hebdomadaire qui recueillent ses propos : « Cette menace de censure est-elle liée à une forme de dépit après les réquisitions à votre encontre dans l’affaire des assistants parlementaires du FN ? »

Cette interpellation, qui peut donner l’impression d’être impertinente, est, en vérité, fort courtoise – puisqu’elle omet, d’une part, de rappeler que dans cette affaire Marine Le Pen est soupçonnée d’avoir participé à un système organisé de détournement de fonds publics portant sur sept millions d’euros, et d’autre part de détailler « les réquisitions à (son) encontre », qui sont pourtant accablantes, puisqu’elle encourt, on l’a dit, une peine de cinq ans de prison et d’inéligibilité.

Mais ce n’est pas la seule amabilité de La Tribune dimanche.

En effet, l’hebdomadaire, renonçant à la méticulosité dont il fait preuve lorsqu’il s’agit de portraiturer Adèle Haenel en pasionaria gauchiste, se garde aussi de rappeler, par exemple, que le parti de Marine Le Pen est un parti d’extrême droite cofondé notamment par un ex-milicien et un ancien Waffen SS, ou qu’elle même a été naguère photographiée dans la compagnie de l’ex-SS-Unterscharführer Franz Schönhuber, cofondateur en Allemagne, au début des années 1980, d’un parti politique nationaliste – ou encore qu’une candidate du RN aux dernières élections législatives avait trouvé divertissant de se prendre en photo, quelques années plus tôt, avec une casquette d’officier de l’armée de l’air nazie.

Double standard

Récapitulons : quand Adèle Haenel porte plainte pour agressions sexuelles contre un réalisateur, La Tribune dimanche juge essentiel de mentionner que cette comédienne dont l’engagement antiraciste se trouve affublé de guillemets dépréciatifs se situe « à la gauche de l’extrême gauche », et que son militantisme lui fait rencontrer de troubles individus pratiquant un incommodant « mélange des genres » – puisqu’eux-mêmes rencontrent parfois des musulmans « accusés de propagande islamiste après l’assassinat de Samuel Paty ».

Mais quand Marine Le Pen, qui risque une peine de cinq ans de prison et d’inéligibilité pour détournement de fonds publics, menace de censurer le gouvernement : La Tribune dimanche évite, très soigneusement, de mentionner qu’elle rencontre parfois des anciens SS – et s’épargne ainsi la double corvée de devoir suggérer que ces fréquentations relèvent d’un surprenant mélange des genres, et qu’elles situent Marine Le Pen à la droite de l’extrême droite.

Il n’y a peut-être rien de conscient, ni de volontaire, dans ce double standard – mais le résultat est celui-ci : lorsqu’il referme son journal, le lecteur de La Tribune dimanche en retient, de fait, que la comédienne féministe et antiraciste qui a porté plainte pour agression sexuelle est beaucoup plus louche que la politicienne d’extrême droite dont le parti cofondé par des collaborateurs des nazis est soupçonné d’avoir détourné plusieurs millions d’euros.

Crédits photo/illustration en haut de page :
Margaux Simon

https://www.blast-info.fr/articles/2024/la-tribune-tapis-rouge-pour-marine-le-pen-delit-de-gauchisme-pour-adele-haenel-jNgXxq85Qmqz7l2wAppUnQ

Voir aussi: https://www.youtube.com/watch?v=4CCwyZLOYhI

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