Obsession de l’ordre, attaques contre «l’État de droit», propos et projets racistes…
C’est connu, en France, le Ministère de l’Intérieur est le vrai poste clé, sans doute plus important que le Premier Ministre. Celui qui commande la police détient le pouvoir réel, et peut ensuite gravir les plus hautes marches du pouvoir. C’est ainsi que Sarkozy est devenu président, et que Darmanin espère l’être.
Nous avons en France un Ministre de l’Intérieur néofasciste : Bruno Retailleau. Ce sont les partis d’extrême droite qui en parlent le mieux. Prenons Sarah Knafo, députée européenne de Reconquête et compagne d’Eric Zemmour, qui commentait les propos du Bruno Retailleau : «Ça aurait pu être un discours de notre parti».
Laure Lavalette, du Rassemblement National, déclare : «Quand on écoute Bruno Retailleau (…) on a l’impression que c’est un porte-parole du Rassemblement National». Et Laurent Jacobelli, haut responsable du RN, explique lui aussi sur France Info : «Bruno Retailleau a très bien appris notre programme, il le récite à la perfection et pratiquement à la virgule près, je ne vais pas dire que ça ne nous satisfait pas».
En à peine deux semaines, le ministre qui vient de l’extrême droite vendéenne a multiplié les déclarations gravissimes et inimaginables il y a encore quelques mois, dans une ambiance résignée et passive. Récapitulons.
Liquider l’État de droit
L’État de droit, en principe, c’est l’égalité devant la loi, c’est la protection des citoyens contre l’arbitraire, c’est le respect des droits fondamentaux. C’est le fondement de la République. Une vieille invention de la bourgeoisie pour éviter de basculer dans la dictature ou la guerre civile.
Le pouvoir en place est tellement radicalisé qu’il veut en finir avec l’État de droit. Ni plus ni moins.
Dans le Journal du Dimanche, l’hebdomadaire de Bolloré, Retailleau est allé affirmer que «l’État de droit, ce n’est pas intangible, ni sacré». C’est une déclaration d’extrême droite pure et dure. Cela veut dire que le gouvernement souhaite outrepasser ses propres lois. Cela devrait inquiéter l’intégralité de la classe politique, même à droite. Cela veut dire que plus personne n’est protégé ni à l’abri.
Dans n’importe quel autre pays européen, de tels propos provoqueraient une déflagration majeure. En France, c’est un ministre de Macron qui déclare ça tranquillement.
Questionné sur ces propos, Retailleau a expliqué : «J’ai simplement dit qu’il fallait déplacer le curseur dans l’État de droit, comme nous l’avons fait au moment du terrorisme et du Covid». Autrement dit, basculer dans l’état d’exception permanent, en suspendant les libertés fondamentales, en interdisant aux personnes de circuler et en généralisant l’état policier. Pendant le Covid après les attentats, ces mesures dictatoriales étaient justifiées par «l’urgence» et devaient être «temporaires» et encadrées. Retailleau veut tout simplement changer de régime pour de bon.
Obsession de l’ordre
La devise de la France était, il y a longtemps, “Liberté, égalité, fraternité”. Aujourd’hui, respecter ces trois mots peut vous envoyer en garde à vue, ou vous causer des poursuites pour «apologie du terrorisme». La nouvelle devise, c’est «ordre, ordre, ordre». Retailleau l’a scandé lors de son discours d’investiture à trois reprises, sa priorité est de «rétablir l’ordre».
C’est une rhétorique de guerre civile, qui sert à justifier une répression féroce. À l’entendre, la France serait un pays totalement hors de contrôle. Pourtant, les seules choses vraiment hors de contrôle, ce sont les gouvernants qui ne tiennent pas compte d’une élection, les profits des ultra-riches, et le saccage des droits sociaux qui mettent en danger des millions de personnes.
Dans le Figaro, Retailleau est allé plus loin : «L’ordre dans les rues, l’ordre aux frontières, l’ordre dans les esprits aussi, car il nous faut revenir à des évidences simples : un policier n’est pas une assistante sociale, un délinquant n’est pas une victime, un pays n’est pas un hall de gare». L’ordre dans les esprits, tout un programme digne des régimes totalitaires : installer un policier dans la tête de chacun et chacune.
La police toute puissante
Lors de son premier discours, il s’est exclamé : «Honte à ceux qui distillent dans leurs discours la haine vis à vis de nos forces de l’ordre. C’est indigne et je ne laisserai jamais faire». Le lendemain, il lançait des poursuites contre un député insoumis qui avait eu le malheur de dénoncer les violences policières en Kanaky. Non seulement la police tue en toute impunité, mais il est désormais interdit de le dire.
Il a ensuite sillonné les médias pour répéter : «J’utiliserai tous les pouvoirs règlementaires dont je dispose, notamment pour dissoudre les groupuscules ultraviolents qui s’en prennent à nos policiers et à nos gendarmes». On peut s’attendre à une augmentation des dissolutions d’associations contestataires et de groupes militants, dans la continuité de Darmanin.
Retailleau a aussi repris la proposition de Zemmour et de Le Pen sur la «présomption de légitime défense» pour les forces de l’ordre. Un policier ayant tué ou mutilé serait ainsi considéré par principe comme innocent. C’est effectivement une rupture majeure dans l’État de droit. Gravissime.
Racisme décomplexé
En juillet 2023, lors des révoltes après la mort de Nahel, il déclarait sur France Info que «certes, ce sont des Français» qui y ont participé, «mais ce sont des Français de papiers» et qu’«il y a comme une sorte de régression vers les origines ethniques». Selon lui, les noirs et arabes ne seraient donc pas de «vrais» français, sur le plan racial, seulement sur le papier.
Maintenant qu’il est ministre, il déclare que «l’immigration n’est pas une chance». Les générations d’immigrés qui ont façonné la France apprécieront. Et qu’il veut un «référendum sur l’immigration», ce qui est inconstitutionnel, ou encore qu’il souhaite prolonger jusqu’à 210 jours la durée d’enfermement des personnes exilées.
Dans les Centres de Rétention, la durée d’enfermement avait été fixée à dix jours en 1993, puis portée de «manière exceptionnelle» à quatre-vingt-dix jours en 2018, et 210 jours, soit sept mois environ, en matière terroriste. C’est cette durée que souhaite généraliser le ministre. On pourra enfermer une personne sans-papier 7 mois sans procès, sans qu’elle n’ait commis aucun délit. Rappelons que la rétention était, elle aussi, censée être exceptionnelle et courte.
Comme le RN, il veut aussi supprimer l’AME, l’aide médicale d’État, qui permet de soigner les personnes étrangères : «On la réforme (…) Je ne veux pas que la France soit le pays le plus attractif d’Europe pour un certain nombre de prestations sociales d’accès aux soins».
Même la bourgeoisie du 19ème siècle avait compris qu’il fallait laisser un minimum de soins aux classes populaires, parce que les épidémies pouvaient frapper tout le monde. Dans le monde de Retailleau, il est pertinent de priver une partie de la population de soins, par pur racisme, et de laisser potentiellement proliférer des maladies.
Le ministre d’extrême droite veut aussi entrer en conflit avec les pays étrangers sur la question des expulsions, il parle «d’assumer un rapport de force. S’il y avait un blocage, il y a la question des visas, l’aide au développement et les tarifs douaniers». Lancer une guerre économique avec des pays qui vendent à la France du gaz et du pétrole, très malin.
Transition
Enfin, Retailleau a affirmé lors d’une interview pour justifier son ralliement au gouvernement que «ce n’est pas Emmanuel Macron qui gouverne, ce sera Michel Barnier». Il a raison : Macron a nié le résultat d’élections qu’il avait convoquées, puis laissé les mains libres à la droite et à l’extrême droite.
Rappelons qu’il y a quelques jours, le Ministre de l’Économie macroniste a dit qu’il ne voulait pas travailler avec l’extrême droite, et il a été immédiatement recadré par Michel Barnier et menacé d’être viré sur le champ. Il s’est excusé, et a annoncé le lendemain qu’il travaillerait bien avec le RN. En revanche, le Ministre de l’Intérieur multiplie des propos dignes de Jean-Marie Le Pen, et il est validé.
Retailleau n’est donc qu’un symptôme, il est soutenu par Macron qui lui a offert le pouvoir. Les Républicains et leurs 5% de voix vont appliquer leur programme avec le RN. Macron officialise, avec son coup de force, une transition vers le régime néofasciste qu’il a toujours désiré, et que tout le monde anticipe déjà lors des prochaines élections.
Il ne s’agit plus de tergiverser. Toutes les personnes qui ne veulent pas basculer officiellement dans un pays d’extrême droite doivent se mettre en mouvement.
https://contre-attaque.net/2024/10/03/retailleau-lextreme-droite-au-pouvoir/
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