Mexique : des indigènes s’organisent et prennent les armes pour se défendre des mines et du crime organisé

paru dans lundimatin#430, le 28 mai 2024

Le 8 avril dernier, dans la région du Guerrero au Mexique, des communautés indigènes ont annoncé la création du SERTI (Sécurité de protection territoriale indigène) dont le but est d’organiser l’auto-défense face au crime organisé et à l’exploitation des mines. Nous publions ici la retranscription d’un podcast réalisé par « Cabina clandestina » et traduit par le collectif « Flor de la palabra ».

Le système communautaire « Sécurité de protection territoriale indigène » a été présenté le 8 avril 2024 dans la communauté de Tilapa, à Malinaltepec, dans l’État du Guerrero, au Mexique. Dans l’une des zones du sud du pays sous contrôle du parti officiel, les symptômes de la violence font partie du paysage quotidien. Face à cette réalité, les communautés indigènes s’organisent, car elles savent que les solutions ne viendront pas de la militarisation envoyée par la gouvernement fédéral, ni des politiques de sécurité du gouvernement de l’État dirigé par MORENA, administré par Evelyn Salgado.

La communauté Me’phaa de Tilapa, qui est rattachée à la municipalité de Malinaltepec située dans la région de la Montaña de l’État du Guerrero, explique avec ses propres mots : « Il y a 11 ans, avec les pueblos de la Montaña et de la Costa Chica, nous avons entamé un processus organisationnel pour défendre le territoire contre les mines et l’imposition d’une réserve de la biosphère, menaces identifiées aujourd’hui comme des attaques directes à l’un de nos droits fondamentaux le plus important et vital pour le développement de notre vie : notre droit au territoire. » Il faut rappeler que les concessions minières non annulées durant ce sexennat constituent toujours une menace latente pour les communautés, et au Guerrero 631 concessions minières sont toujours en vigueur.

Les communautés expliquent : « Ce processus des pueblos, que nous connaissons aujourd’hui en tant que Conseil régional des autorités agraires en défense du territoire (CRAADET), affronte une nouvelle menace plus dangereuse, liée cette fois à la violence causée par le dit ’crime organisé’ qui traverse tout le Guerrero et le pays. »

« Dans ce contexte, avec les pueblos de la Montaña et de la Costa Chica, nous avons entamé un nouveau processus informatif pour comprendre la dimension de la problématique de la violence. Il nous a permis d’apprendre à la voir et à la considérer comme une Violence systémique, c’est-à-dire qu’il s’agit d’actes de violence à la fois divers et généralisés qui traversent et brisent littéralement toutes les structures sociales que nous avons, depuis la famille qui est démantelée par le recrutement et l’utilisation de nos filles et de nos fils jusqu’aux structures de gouvernement à leurs trois niveaux frappées fréquemment d’immobilisme, de négligence, de confusion et d’incapacité à tisser des stratégies collectives à partir d’en bas, malgré le fait que la violence systémique pointe et attaque surtout les structures de gouvernance collectives. Il s’agit d’une crise de gouvernabilité, car cela commence dans les familles, dans les communautés et dans les municipalités qui, ensemble, consolident les espaces démocratiques, alors que c’est justement là, d’en bas, qu’en tant que peuples originaires nous avons des désavantages historiques parce qu’on entrave l’exercice de notre droit matriciel : l’Autonomie et la Libre Détermination. »

C’est à travers cette analyse et cette coordination de communautés que, dans la région, il a été décidé de présenter « le système communautaire ’SÉCURITÉ DE PROTECTION TERRITORIALE INDIGÈNE’ avec les sigles SERTI dont l’initiative indigène, collective et communautaire a germé après un long processus informatif effectué dans chacune des délégations, représentations de quartiers, bureaux municipaux et bureau agraire de notre communauté. »

« Le principal objectif du système SERTI est de DÉFENDRE LE TERRITOIRE à partir d’une perspective indigène, holistique et intégrale, et donc il cherche à protéger de toute personne qui menace nos processus sociaux, productifs, économiques, nos richesses naturelles, environnementales, de gouvernance, territoriales et nos communautés. »

« L’autorité suprême du SERTI est l’ASSEMBLÉE GÉNÉRALE de Tilapa composée par les habitantes et habitants, les voisines et voisins, les membres de la communauté qui y participent : ce sera donc l’ASSEMBLÉE GÉNÉRALE qui déterminera pour quels cas, selon leur complexité, la structure de gouvernance du SERTI se verra empêchée ou dépassée dans l’application des actes disposés par son règlement, ce qui nous permet de garantir que nous n’aurons jamais un système de justice qui agisse en dehors de la gouvernance communautaire. »

Lors de la présentation de la SÉCURITÉ DE PROTECTION TERRITORIALE INDIGÈNE, faite de manière communautaire, en présence d’invités de la région et d’autres endroits du pays, les indigènes Me’phaa ont affirmé en toute clarté :

« Il est temps que nos autorités municipales, étatiques et fédérales soient obligées de respecter nos institutions communautaires et sociopolitiques parce qu’elles sont vivantes depuis des temps immémoriaux et qu’elles restent en vigueur et sont actualisées sans laisser de côté la particularité des caractéristiques de notre coexistence commune sur des terres de propriété sociale, en conséquence de quoi nous faisons usage de la dimension territoriale, ce qui implique un commandement de gouvernement propre dont le propos principal est de bénéficier d’une vie interne différente par rapport à d’autres processus sociaux non indigènes, sur laquelle nous devons nous appuyer avec insistance selon des processus d’organisation autonome à partir de l’usage des particularités de notre système normatif. »

« Aux gouvernements et aux institutions du niveau municipal, étatique et fédéral, nous rappelons qu’ils sont obligés d’agir de bonne foi et de reconnaître que, tant que persistera l’ignorance des normes coutumières qui régulent la vie communautaire indigène, la négation de nos droits se perpétuera, et la discrimination et la marginalisation persisteront ; en conséquence de quoi, la coopération nécessaire pour travailler ensemble se disperse, est considérée comme négative et, comme cela arrive souvent, est susceptible de nous mener à des affrontements, ce qui n’assure pas les relations collectives dont nous avons besoin pour limiter la violence systémique dans laquelle nous nous trouvons.

Ainsi, face à la spoliation et à la violence qui se propagent dans les diverses régions du pays, les communautés du Guerrero s’organisent et forment leur propre système de sécurité en défense de leurs terres. »

Cabina Clandestina
Traduction : Collectif « Flor de la palabra », commission de traduction francophone du Voyage pour la vie

https://lundi.am/Mexique-des-indigenes-s-organisent-et-prennent-les-armes-pour-se-defendre-des

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