10 avril 2024 – Par Contre Attaque
Le comité de soutien rouennais des personnes interpellées le 8 avril nous fait parvenir ce communiqué. Nous le publions tel quel :
“Lundi 8 avril, 17 personnes ont été arrêtées en Normandie et en Île-de-France dans le cadre d’une opération menée par la Sous-Direction-Anti-Terroriste (SDAT). Dès 6h du matin, leurs domiciles ont été perquisitionnés, et parfois retournés, et à l’heure actuelle elles sont encore séquestrées dans les commissariats de Evreux, Rouen, et pour certaines dans les locaux de la Sous-Direction Antiterroriste à Levallois-Perret.
La vague d’arrestations visait l’intervention, durant une dizaine de minutes, d’une centaine de personnes sur un site Lafarge à Val-de-Reuil avec de la peinture et de la mousse expansive lors d’une campagne d’actions contre Lafarge et le monde du béton.
C’est une nouvelle étape dans la volonté gouvernementale de criminaliser et d’écraser les luttes écologistes qualifiées d’«éco-terroristes» par un pouvoir qui ne recule devant aucune énormité. Cette fois-ci l’affaire ne manque pas de sel puisque la multinationale Lafarge-Holcim est réellement poursuivie pour complicité de crime contre l’humanité et financement du terrorisme au vu et au su de l’État français.
Nous savons aujourd’hui que le parquet national anti-terroriste n’a été pas saisi. Mais rien de tel que les grands moyens pour une bonne opération de communication. C’est aussi la BRI, la brigade de recherche et d’intervention, qui a été choisie pour procéder aux perquisitions et aux arrestations. Problème : les agents de police ont commis au minimum deux bourdes monumentales dans leur intervention.
Dans un premier appartement à Rouen, ils ont d’abord défoncé la porte d’un appartement qui se situait sur le même palier que celui de la personne visée. Une fois l’erreur constatée, ils se sont contentés de poser deux tasseaux de bois avec quatre vis à l’arrache pour pouvoir refermer la porte, non sans laisser un petit mot tout en sobriété : «Merci de contacter le commissariat de Rouen, intervention police judiciaire» (photos). Il n’en faut apparemment pas plus à la police judiciaire pour réparer ses erreurs. C’est au voisin malheureux de se démerder tout seul quand il rentre chez lui. Pas si malheureux cependant car s’il avait été là, il se serait sans doute retrouvé menotté et violenté. Les policiers ont pu ensuite se tourner vers l’autre porte, la fracasser à son tour, et retourner consciencieusement l’appartement avant d’embarquer notre ami.
Mais le degré d’amateurisme prend des proportions hallucinantes dans un petit village près de Rouen. Un article de France Info révèle que la BRI cette fois-ci s’est carrément trompée d’adresse. «Elle s’est introduite par erreur, lundi 8 avril dans la maison d’une famille près de Rouen».
Le témoignage de la famille est glaçant : La femme de 54 ans venait de sortir de son lit. «J’étais à demi nue, ils ont tout de suite été très violents et très agressifs. Je leur ai demandé si au moins je pouvais m’habiller et là ça les a rendus dingues», témoigne-t-elle. «Ils m’ont mise à genoux les mains en l’air et ils m’ont menottée. Je leur ai demandé ce qu’il se passait, je tremblais, je pleurais. Rien, aucun mot.»
Le fils du couple se trouvait au premier étage de la maison. Les hommes de la BRI sont également entrés dans la chambre du jeune homme de 18 ans. “Ils tirent ma couette, je suis menotté, je ne comprends pas ce qui se passe, a déclaré l’étudiant en psychologie qui n’a finalement pas eu la force de se rendre à l’université pour un examen qu’il devait passer le jour-même. Le père qui a repris le travail ce mardi matin complète le tableau : “On n’a rien fait qui mérite d’avoir des “playmobils” dans le jardin”.
Après une bonne demi-heure d’intervention, les policiers vérifient l’identité de la famille et constatent leur erreur. La BRI quitte alors le domicile sans explications. «Ils nous ont dit “excusez-nous du dérangement”, ce que j’ai trouvé très chic», raille la mère. «C’était comme dans un mauvais film ou un jeu vidéo».
On apprend également dans le journal que le couple a contacté un avocat et envisage d’engager une procédure en indemnisation. Nous apportons tout notre soutien à ces nouvelles victimes de la violence policière.
Le procureur de la république d’Evreux, Rémi Coutin, se dit “désolé”. Il confirme qu’il y a eu une erreur de la part des forces de l’ordre dans le cadre du dossier Lafarge, “en raison d’un changement d’adresse de la personne que les policiers cherchaient à interpeller dans cette commune”.
La personne recherchée avait en effet déménagé en décembre et c’est son ancien domicile qui a d’abord été pris pour cible. Les agents de la brigade ont pu ensuite se renseigner pour aller frapper la « bonne porte » qui se trouvait à 300 m de là. Il s’agit cette fois d’une famille avec deux enfants de 4 et 8 ans, qui a pu accidentellement profiter d’un léger sursis, mais à qui le même sort été réservé : en arrivant une heure trente plus tard, une personne réveillée a pu faire le nécessaire pour protéger les enfants avant que la horde de flics cagoulés ne se rue dans la maison. C’est encore une violence policière traumatisante et disproportionnée pour la famille et les enfants, qui ne semble pas plus justifiée dans ce cas-là. Nous considérons que personne ne mérite de subir un tel traitement.
Il y a quelque chose de sidérant dans ce nouvel épisode des pieds nickelés de la BRI. Il est toujours un peu honteux de faire un tel étalage de moyens et de force pour finalement se prendre les pieds dans le tapis et se ridiculiser à ce point. Derrière ces hommes impressionnants en cagoules et armes de guerre se trouvent des crétins commandés par des crétins. On le savait déjà un peu. Il ne s’agit pas d’erreur, d’étourderie, mais d’incompétences gravissimes. Quand son métier consiste à débouler chez les gens, armés et cagoulés, à six heures du matin en défonçant les portes, la moindre des choses c’est d’avoir la bonne adresse.
Mais ce n’est pas l’amateurisme de la police qui nous dérange, ou son incompétence. Ce que dévoile cette «erreur» c’est le régime de violence physique et psychologique normal et constant qu’elle s’autorise à exercer sur les gens chez qui elle débarque à six heures du matin. Cagoules, cris, armes, absence d’explications, menottes, vie intime fouillée et retournée, violence et agressivité des agents, etc. La police fonctionne à la peur et à la terreur. En un mot elle traumatise. Cette erreur jette une lumière particulière sur ces manières de faire disproportionnées, mais elles n’en restent pas plus acceptables quand il s’agit de personnes recherchées par la police mais présumées innocentes.
Le comité de soutien rouennais aux 17 interpelés apporte tout sa solidarité et son amitié à la famille violentée “par erreur” lors de l’opération de police du 8 avril.”
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