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Pour Stéphane Lhomme, contempteur du nucléaire, le projet d’implantation d’EPR2 dans le Blayais tient de la chimère. © Crédit photo : Archives Thierry David/SO
Le président de l’association Tchernoblaye, directeur de l’Observatoire du nucléaire, opposant acharné à l’industrie nucléaire, pose un regard critique sur le projet du territoire d’accueillir des réacteurs EPR2 sur le site de Braud-et-Saint-Louis
Sud-Ouest : Le comité de suivi du projet EPR2 pour le Blayais espère avoir des nouvelles du dossier dès cet été. Les élus de Sud Saintonge, l’ancien sénateur Claude Belot en tête, soutiennent le projet. Quelle est votre réaction à cette montée en pression des acteurs locaux ?
Stéphane Lhomme : C’est une agitation ridicule de la part de gens qui attendent un jackpot qui ne viendra pas. Parce qu’il est quasiment certain qu’il n’y aura jamais d’EPR du Blayais. Il est déjà probable qu’il n’y en ait pas sur les sites qui ont déjà été annoncés, c’est-à-dire Bugey dans l’Ain et Gravelines dans le Nord. On peut juste supposer qu’il y aura un début de chantier à Penly, en Seine-Maritime.
Pour quelle raison ?
Parce que les projets nucléaires d’EDF sont en train d’entraîner l’entreprise dans le gouffre. Sa situation s’aggrave de manière tout à fait dramatique sur le chantier de l’EPR d’Hinkley Point, en Grande Bretagne. Il faut se rappeler qu’en mars 2016, déjà, le propre directeur financier d’EDF, Thomas Piquemal, avait démissionné avec fracas – ce qui est très rare dans ce genre de milieu –, en dénonçant un projet qui allait couler l’entreprise. Le chantier accuse déjà 6 à 8 ans de retard. Le quotidien britannique « The Telegraph », lui, anticipe onze ans de retard à la livraison. Ce qui est extrêmement défavorable financièrement pour l’opérateur français.
Stéphane Lhomme est directeur de l’Observatoire du nucléaire.
On parle pour Blaye de nouvelles générations d’EPR à la structure simplifiée…
On parle d’évolution des EPR, dits EPR2. Évidemment, on nous dit : « C’est un EPR simplifié, qui va être plus facile et moins cher à construire. » Mais on entend ça à chaque fois qu’il y a un nouveau projet. Et ça tourne toujours au désastre. D’ailleurs, fin février, EDF a annoncé repousser la finalisation des plans de l’EPR2 et les coûts augmentent déjà. Ce n’est que le début de ce qui s’est passé précédemment en Finlande, avec l’EPR d’Areva [mis en service en avril 2023 après dix-huit ans de travaux, NDLR]. Mais aussi à Flamanville, avec l’EPR d’EDF qui accuse des retards massifs, et donc, aujourd’hui, à Hinkley Point.
Vous mettez également en doute la rentabilité des centrales ?
C’est le deuxième point fondamental : le haut niveau mondial, en particulier en Europe, des productions renouvelables, qui connaissent une envolée absolument exponentielle. Il y a sur le marché européen des quantités massives d’électricité renouvelable à un tarif extrêmement bas, qui a remis immédiatement en question la rentabilité de l’EPR.
Il y a eu une période de crise au début de la guerre en Ukraine, simultanément à la fameuse crise de la corrosion sous contrainte, avec plus de 30 réacteurs arrêtés en même temps en France. Le prix de l’électricité s’est envolé à ce moment-là. On nous a fait croire que le nucléaire était la solution alors qu’il était une des causes principales du problème. Mais les choses ont repris leur cours.
La part du nucléaire reste importante en France : 64,8 % en 2023…
Oui, mais la consommation baisse. Et selon l’Agence internationale de l’énergie, plus de 90 % des nouveaux moyens de production d’électricité dans le monde sont des renouvelables. Pendant longtemps, on nous disait qu’il s’agissait d’un volume dérisoire à un tarif ruineux. Et maintenant, les mêmes personnes se plaignent que les renouvelables produisent une électricité massive à un tarif trop bas et que cela déstabilise le marché.
Il n’y a rien de plus facile que d’annoncer des nouveaux réacteurs. Ce sont des paroles. L’industrie nucléaire est en fin de vie et ne pourra pas se relever. En raison de ses échecs technologiques, notamment en Géorgie ou en Caroline du Sud, aux États-Unis. En raison, surtout, de l’augmentation de la production d’énergie renouvelable mondiale, même si la France et l’Aquitaine sont très en retard. C’est une réalité industrielle et financière. Et je ne parle même pas du risque et des déchets nucléaires, qui restent des problématiques bien réelles.
Les centrales actuelles, comme celle du Blayais, travaillent à prolonger leur activité…
C’est la seule porte de sortie qui reste encore à EDF. Avec des autorisations de prolongation et des travaux extrêmement ruineux comme le fameux grand carénage, ils peuvent gagner quelques années. On nous avait dit qu’une fois que ces réacteurs seraient amortis, ils produiraient une électricité quasiment gratuite. Mais en réalité, au moment où on y arrive, on s’aperçoit qu’au contraire, les tarifs de l’électricité nucléaire sont en train de s’envoler. Je suis certain qu’il n’y aura jamais d’EPR dans le Blayais, et que le nucléaire disparaîtra avec la fermeture des réacteurs actuels.
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