À voir / lire / écouter, Féminisme, Histoire
Cette journée du 8 mars est l’occasion de vous présenter un livre de la très belle maison d’édition Hors d’atteinte : «Clara Zetkin, Je veux me battre partout où il y a de la vie».
Clara Zetkin est la militante à l’origine d’une journée internationale des femmes qui se déroule pour la première fois le 19 mars 1911 puis qui est finalement fixée tous les 8 mars à partir de 1921, en mémoire de la grève des ouvrières du textile à Petrograd en 1917.
Cette journée que nous célébrons chaque année a, au départ, été mise en place pour défendre les droits des travailleuses et réclamer le droit de vote des femmes. Depuis, le 8 mars a connu une réappropriation sexiste, vidée de son contenu politique à des fins commerciales – «la journée de la femme» – pour finalement revenir au cœur du combat contre le patriarcat et voir s’étendre la lutte : contre les violences conjugales, pour les droits des personnes MINT (meufs, intersexes, non binaires, trans) et des racisées. Ces mobilisations réunissent chaque année des millions de femmes dans le monde.
Cet ouvrage, publié aux éditions Hors d’atteinte et coordonné par la journaliste Florence Hervé, est l’occasion de remonter l’histoire pour revenir à une période importante du féminisme. Il rassemble une biographie, des textes de Clara Zetkin, ainsi que de nombreuses lettres. De quoi se plonger dans les combats menés au début du 20ème siècle par cette militante socialiste, souvent même au sein de son propre camp.
À cette époque, les femmes n’avaient pas le droit d’intégrer un parti politique, et c’est précisément ce qu’il y a de plus remarquable dans le parcours de Clara Zetkin : du courage et une intelligence stratégique pour s’imposer politiquement dans un milieu très masculin. Résolument antifasciste, elle fût camarade et amie de Rosa Luxembourg. Elles militent toutes deux au sein du Parti social-démocrate en Allemagne où elles rencontrent de nombreuses réticences en tant que femmes : «en 1908, un dirigeant social-démocrate d’Augsbourg s’exclame après l’élection d’une femme à la tête du parti : En êtes-vous déjà au point qu’il vous a fallu prendre une femme pour ce travail ? Vous n’aviez donc pas d’homme qui pût occuper ce poste ?»
Et «en 1910, le fondateur du Parti social-démocrate autrichien Victor Adler écrit à Karl Kautsky : Imagine-toi Clara avec un mandat de député au Reichstag aux côtés de Rosa. Qu’est-ce que vous auriez comme histoires !»
Pourtant, malgré les attaques, Clara et Rosa ne cesseront de lutter tout au long de leur vie. Lire les textes de Clara Zetkin tels que «Travail féminin et organisation syndicale» ou «L’étudiant et la femme» permet de mieux comprendre le contexte politique dans lequel les femmes évoluent au début du 20ème siècle en Allemagne, et l’origine d’une date qui fait encore sens aujourd’hui. C’est aussi prendre la mesure des victoires obtenues, des changements qui se sont opérés, et du chemin parcouru depuis.
Dans la lutte pour les droits des travailleuses et le droit de vote des femmes, Clara Zetkin a également défendu ardemment la classe ouvrière. Féminisme et socialisme sont pour elle indissociables. Elle se bat donc pour l’obtention d’un droit de vote direct et pour toutes sans exception contre un mouvement de femmes bourgeoises qui ne défendraient que leurs privilèges.
Elle milite également sur des sujets plus intimes et nécessaires à l’émancipation : le droit des femmes à disposer d’elles mêmes, le droit à l’avortement, la liberté de choix dans les relations qu’elles soient sexuelles ou amoureuses. Ses positions concernant l’éducation et l’école témoignent également de sa détermination à obtenir l’égalité tout en se battant pour le prolétariat : éducation similaire et mixte, accès pour tout.e.s, cantine gratuite, etc.
Cette lecture est aussi le moyen de prendre conscience que dans le combat pour l’égalité entre hommes et femmes, de nombreux sujets n’étaient pas encore abordés ou pas de la même façon qu’aujourd’hui. C’est le cas de la prostitution, des violences conjugales, des droits LGBTQIA+, du racisme et du colonialisme.
Découvrir cette histoire du féminisme en parcourant les textes inspirants d’une militante comme Clara Zetkin c’est d’un côté nous rappeler qu’il est possible de gagner mais aussi qu’il y a encore beaucoup à faire. Et dans la dynamique actuelle, la lutte contre le capitalisme patriarcal blanc et hétéronormé semble en bonne voie.
Zetkin est décédée en 1933 en exil, alors que les nazis prenaient le pouvoir en Allemagne. Elle s’est battue jusqu’au bout, et déclarait au crépuscule de sa vie : «Cela fait près de quarante ans que je me bats pour l’idéal socialiste. Je suis âgée et n’ai peut être plus beaucoup de jours devant moi, mais pour le temps au cours duquel je peux encore agir, je veux me battre partout où il y a de la vie, et non pas là où il n’y a que dissolution et faiblesse. Je ne veux pas me laisser enterrer l’esprit vivant par une mort politique».
https://contre-attaque.net/2024/03/08/lecture-et-histoire-a-lorigine-du-8-mars-clara-zetkin/
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