Ces agriculteurs «pris à la gorge» qui bloquent les routes façon Gilets jaunes

Reportage — Agriculture

Ces agriculteurs «<small class="fine d-inline"> </small>pris à la gorge<small class="fine d-inline"> </small>» qui bloquent les routes façon Gilets jaunes

L’autoroute A64, à 40 km de Toulouse, était toujours coupée en deux le 22 janvier par des agriculteurs de la région. Une action menée indépendamment des syndicats.

Carbonne (Haute-Garonne), reportage

« On n’a aucune limite, on restera ici le temps qu’il faudra ! » En attrapant une frite dans son assiette, Jérôme Delas, éleveur d’une soixantaine de bovins dans la petite commune de Samouillan, en Haute-Garonne, fait part de son mécontentement. Il est arrivé sur place dans la matinée du 22 janvier, pour aider à tenir le barrage de l’A64 au niveau de l’échangeur 27 à Carbonne.

Sous son bonnet, adossé à la glissière de sécurité, Jérôme échange avec des collègues. « Le matériel agricole coûte une fortune, toutes les charges augmentent, il y a de plus en plus de normes…. On est cernés de tous les côtés », lance-t-il.

Une centaine de tracteurs bloquent totalement l’A64 au niveau de Carbonne. © Justin Carrette / Reporterre

Ce camp de fortune au beau milieu de l’A64, sous un pont pour se protéger des intempéries, n’a rien à envier aux piquets de grève de la CGT ou aux ronds-points des Gilets jaunes. Barbecue, friteuse, groupe électrogène, barils à feu pour se réchauffer… depuis jeudi 18 janvier, le monde agricole occitan s’organise pour faire entendre sa voix.

« Après la manifestation de jeudi à Toulouse et face au silence des pouvoirs publics, on a décidé de poursuivre notre mobilisation ici et de bloquer l’A64 », raconte Laurent Ollivier, céréalier dans la commune de Mauzac ; il cultive 80 hectares de blé et est venu en tracteur.

« Il y a des gens qui viennent nous apporter de la nourriture et des boissons alors qu’ils ne sont même pas agriculteurs, c’est génial de voir cela, poursuit celui qui n’est pas rentré chez lui depuis cinq jours, comme le traduit sa barbe grisonnante. Certains dorment dans leur tracteur, d’autres dans les bennes qu’on a aménagées, on s’organise. »

Le barbecue du camp est sollicité toute la journée pour nourrir la centaine d’agriculteurs présents sur place. © Justin Carrette / Reporterre

Lui aussi partage la colère de ses camarades sur les charges et la flambée des prix qui « prennent à la gorge » les agriculteurs, mais dénonce également « le manque d’accompagnement sur les normes, qui sont toujours plus nombreuses et compliquées. On dit souvent qu’on est des pollueurs et des anti-écolos, mais on voudrait mettre en place des normes écologiques sur nos exploitations, c’est juste qu’il n’y a aucun accompagnement ou trop peu de financements pour cela ».

Éloignés des syndicats

Pour lui, la force du mouvement est l’indépendance vis-à-vis des syndicats. « La FNSEA [le syndicat majoritaire] ne soutenait pas cette opération, mais il est temps que les gens de la base puissent faire entendre leurs revendications aussi. Je n’ai pas forcément confiance dans ce syndicat quand on sait qu’Arnaud Rousseau, qui est à la tête de la FNSEA, est aussi président du groupe industriel Avril. Pour moi, on ne peut pas défendre les agriculteurs et les industriels en même temps. »

Sur ce camp, au milieu de l’A64 et face aux sommets pyrénéens enneigés, peu d’agriculteurs sont syndiqués et tous revendiquent une liberté d’action et une colère vis-à-vis de ceux qui « pondent les normes et les règles », qui sont des « gratte-papier, déconnectés du réel et surtout du monde agricole », selon Jérôme Delas, qui s’appuie sur ses collègues pour acquiescer ces propos.

Les revendications sont multiples, parfois un peu vagues, mais les agriculteurs présents sur place profitent de ce moment pour se rencontrer, échanger et partager leurs difficultés. « Cela fait chaud au cœur de voir une telle mobilisation, une telle solidarité », dit Jérôme Delas, qui finit ses frites sur une botte de foin lui servant de table.

Éleveur à Samouillan, Jérôme Delas a rejoint le blocage dans la matinée du lundi 22 janvier. © Justin Carrette / Reporterre

Accoudé près d’une benne, Éric Larrey, éleveur à Salles-sur-Garonne, discute avec deux agriculteurs retraités : « Le problème c’est la mondialisation et l’Europe, c’est là que toutes les normes et les décisions sont prises, il faudrait que le mouvement s’étende dans toute la France et sur tout le continent. »

En fin d’après-midi, les odeurs du repas du soir commencent déjà à inonder le camp installé sous le pont de l’échangeur 27. Une nouvelle nuit se profile au milieu de l’A64 pour la centaine d’agriculteurs présents sur place. Ils confient tous vouloir aller « jusqu’au bout », pour obtenir « des mesures concrètes » de la part du gouvernement.

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