Billet de blog 31 mars 2023

Télé-la honte (pour Serge)

J’y serais bien allé mais, bon, disons le poids des ans, pour faire vite, alors j’ai voulu voir, j’ai allumé la télé, et là, l’horreur et la honte absolues.

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Nestor Romero

Nestor Romero

Enseignant… encore un peu

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L’horreur de cette propagande spectaculaire, impudique, nauséabonde, obscène. Je pèse mes mots. Propagande, en effet, au sens propre, celui de propager une croyance, une idéologie de manière à promouvoir ou/et conforter un fonctionnement social, par la mise en œuvre de dispositifs d’inculcation qui vont de l’euphémisation bon enfant jusqu’au mensonge le plus éhonté, le virtuose en l’occurrence n’étant autre que le ministre de l’Intérieur lui-même.

Parmi ces dispositifs de propagande l’image occupe une position privilégiée, l’image choc, l’image bombe, celle qui explose, envahit l’écran de ses éclats multicolores et se fige soudain sur une poubelle en flammes, sur des manifestants brisant une vitrine avant de revenir encore et encore sur un feu de palettes, sur une autre vitrine brisée, suggérant ainsi un monde mis à feu et à sang puis, s’attardant sur ces jeunes femmes et hommes jetant ce qui leur tombe sous la main vers la masse sombre et compacte de gardiens robotisés qui soudain chargent la foule matraques et boucliers en main tandis que jaillissent de leurs rangs toutes sortes d’objets durs vomissant des fumées toxiques, mitrailles qui lancées à hauteur de tête donnent la mort.

Et sur ce décor, cet arrière-fond apocalyptique qui a pour fonction d’occulter la réalité, des commentateurs vont discourant, bavardant, (un quidam le col orné d’une écharpe rouge ose sermonner les éboueurs en grève) s’apitoyant sur les uns, dénigrant les autres, s’indignant de tant de violence, cette violence qui ne cesse de s’afficher en spectacle jusqu’à occulter aussi les bavardages des commentateurs auxquels il ne vient évidemment pas à l’esprit d’évoquer, ne serait-ce qu’évoquer, cette autre violence, cette violence en complet-cravate qui s’exerce non seulement contre les plus pauvres mais contre la terre entière qu’ils contribuent, ces violents, plus que tous autres, à meurtrir depuis leurs yachts et leur jets, depuis leurs usines à produire le superflu et le luxe le plus éhonté, produire, produire jusqu’à en faire crever l’humanité entière.

Comment viendrait-il à l’esprit des commentateurs d’évoquer cette violence qui nous mène au désastre puisque ces violents ce sont leurs propres patrons ? Comment cela leur viendrait-il à l’esprit alors qu’ils sont soudain interrompus dans leurs bavardages par une publicité jetant aux yeux de spectateurs ébahis des images de voitures somptueuses pilotées par des êtres chosifiés en mannequins de rêve ? Comment ? puisque le spectacle publicitaire constitue l’arme absolue du dispositif d’inculcation, le cœur dur de l’acte de propagande, puisque chaque image est chargée d’une idéologie qui promeut et soutient la société spectaculaire, marchandisée, consommatrice et, en cela, destructrice, idéologie comme masque de la violence perpétrée par les patrons de nos ineffables commentateurs dont ils sont ainsi, sinon les valets du moins les complices.

Il est vrai cependant que les propos de ces commentateurs et de leurs invités experts de toutes sortes et intellectuels généralistes sont plus policés que ceux de leurs ancêtres en idéologie qui, ne disposant pas de l’image, armaient leur langue au feu et au marteau pour dépeindre les gueux qui prétendaient bâtir une société plus juste et plus fraternelle.

Ainsi Edmond de Goncourt éructant à propos de gardes nationaux défendant la Commune « cette racaille déguisée en soldats […] on est pris de dégoût en voyant leurs faces stupides et abjectes, où le triomphe et l’ivresse mettent comme une crapulerie rayonnante ».

Ou Barbey d’Aurevilly s’en prenant à Courbet en ces termes : Les atroces bandit de la Commune qui avaient pour pitre M. Courbet ne sont pas des ennemis politiques. Ce sont les ennemis de toute société et de tout ordre…

Propos plus policés, certes, mais qui n’en introduisent pas moins des discours aux identiques résonances prononcés par des individus invités sur tous les écrans (par soucis d’objectivité sans doute) pour y prêcher non la fraternité des « communards » mais l’exclusion de l’autre différent, de l’autre qualifié de « rien », de l’autre qualifié de violeur, non la liberté sans frontières mais le recroquevillement capon sur un bout de terre où l’on est un jour tombé par hasard ou par nécessité.

Mais il suffit, éteignons cette sinistre lucarne et renvoyons ainsi au néant et à leur honte les discoureurs au service de la violence institutionnalisée par leurs patrons et les « collaborateurs » politiques de leurs patrons car la nouvelle vient de me parvenir : Serge est entre la vie et la mort.

Ses parents viennent, en quelques mots émouvants et dignes, de dire leur totale solidarité avec leur fils tandis que ce petit monsieur, ce petit président tient des propos indignes, toute honte bue, stigmatisant ces femmes et ces hommes qui loin d’être venus pour « faire la guerre » tentent de faire advenir un monde plus fraternel et plus juste, tentent de prévenir la catastrophe qui s’annonce.

Salut à toi Serge.

Reste avec nous.

https://blogs.mediapart.fr/nestor-romero/blog/310323/tele-la-honte-pour-serge

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