Le secteur de l’énergie est agité, cette semaine, par deux mouvements de grève distincts. Le premier, qui débute ce 25 janvier, vise à mettre sur la table la question des salaires dans l’industrie gazière et électrique. La Fédération nationale des mines et de l’énergie (FNME)-CGT appelle à trois journées de grève reconductible. Le second conflit se joue au sein d’EDF. Il fait suite à une décision de l’État visant à réduire l’impact de la hausse du prix de l’énergie, mais avec un manque à gagner pour l’entreprise, qui nourrit les craintes des salariés.
La FNME-CGT vient de lancer trois jours de grève reconductible sur la question du salaire national de base dans le secteur de l’énergie. Le syndicat juge insatisfaisantes les négociations annuelles visant à le revaloriser. Fin 2021, l’augmentation a été fixée à 0,3 %. La FNME-CGT a refusé de signer l’accord. « Depuis dix ans, ce salaire national de base a du mal à décoller. On est jamais au niveau, a minima, de l’inflation ! Donc le manque à gagner est criant », s’exaspère Sébastien Menesplier, secrétaire général de la fédération.
Le mouvement de grève de ce 25, 26 et 27 janvier vise à peser, désormais, sur les négociations au sein des entreprises. Des préavis locaux comme nationaux ont été déposés. Pas moins de 160 entreprises de l’industrie gazière et électrique sont concernées. Le début du mouvement est prometteur aux yeux de la FNME-CGT : « on a beaucoup de sites EDF et Enedis qui connaissent des filtrages ou des blocages, des assemblées générales… Et on a, dans certains endroits, des initiatives en direction des maires, des rencontres avec des préfets, des sous-préfets, voire des députés de circonscription ; des rassemblements… » liste Sébastien Menesplier.
Pour l’heure, le syndicat n’a reçu aucun signe d’ouverture d’une nouvelle discussion sur le salaire de base. Mais avec la grève reconductible, « il s’agit d’arriver à peser jusqu’à obtenir satisfaction », promet le secrétaire général.
« On a peur pour nos emplois et l’avenir de l’entreprise »
Un second mouvement de grève, porté cette fois-ci par l’ensemble des fédérations syndicales (CGT, CFE-CGC, FO et CFDT), concerne spécifiquement EDF. Dans un communiqué commun, celles-ci appellent les 100 000 salariés de l’entreprise à faire front contre une décision de l’État lourde de conséquences. Cette décision vise à faire face à la hausse des prix de l’énergie pour les consommateurs, induite par les mécanismes de concurrence du marché européen.
Le gouvernement a décidé, mi-janvier, d’imposer à EDF une augmentation du volume de l’ARENH, pour Accès Régulé à l’Electricité Nucléaire Historique. L’entreprise doit ainsi vendre un volume supplémentaire de sa production (de 100 à 120 TWh, soit 20 % de plus) à ses concurrents. Pour rappel : le 1er juillet 2011, avec la loi NOME (Nouvelle Organisation du Marché de l’Électricité), EDF ouvre sa production au marché. L’entreprise doit alors revendre 25 % (maximum) de sa production d’électricité d’origine nucléaire à des distributeurs privés, qui la revendront aux particuliers par la suite à des conditions tarifaires fixées par l’État. C’est ce volume qui vient d’être réhaussé.« Une violence absolue à l’égard de notre entreprise de service public », tranche le syndicat FO.
Le manque à gagner pour l’entreprise s’élève à près de 8 milliards d’euros, selon la direction du groupe et les syndicats. Nul doute qu’EDF cherchera à combler ces pertes financières. « Forcément, on a peur pour nos emplois et l’avenir de l’entreprise », insiste Sébastien Menesplier. « Quand il y a ce type de choix à faire, pour réaliser des économies, c’est toujours aux mêmes que l’on s’attaque ».
Le projet Hercule toujours à l’horizon
La menace d’une reprise des négociations autour du projet Hercule plane aussi sur les salariés. Ce projet de démantèlement d’EDF vise à privatiser la branche d’activités la plus lucrative du groupe. Emmanuel Macron l’a suspendu fin juillet 2021. Mais « on a peur que les intérêts de quelques-uns remette sur le devant de la scène cette réforme. Depuis juillet 2021, et du fait des batailles que l’on a mené sur ce sujet, on a toujours cru qu’il fallait rester sur nos gardes », indique Sébastien Menesplier.
Or, les fédérations syndicales voient dans la récente décision gouvernementale une manière d’affaiblir « encore davantage et volontairement le groupe jusqu’à le mettre à terre ». EDF compte déjà une dette évaluée à au moins 42 milliards d’euros. Cette ardoise est régulièrement brandie comme prétexte à une privatisation partielle.
Interrogé sur BFMTV/RMC le 19 janvier, Bruno Le Maire a expliqué travailler avec l’Élysée à des « pistes de soutien » à l’entreprise. Mais sans vouloir encore « les détailler techniquement ».
L’État ponctionne EDF « sans traiter les véritables raisons qui ont conduit à la situation de crise »
Dans leur communiqué, les fédérations syndicales assurent avoir interpellé à plusieurs reprises les autorités et la direction d’EDF, en 2021. Des alertes pour que le « bilan de la dérégulation du marché de l’électricité soit enfin fait pour justement tenter d’éviter ce type de situation ».
Peine perdue : selon les syndicats, le gouvernement privilégie une voie court-termiste. « Il maintient sous perfusion une concurrence qui n’est en rien « libre et non faussée »», jugent-ils. Et agit, selon eux, « sans traiter les véritables raisons qui ont conduit à la situation de crise » du marché énergétique français.
« N’oublions pas qu’après avoir fragilisé EDF, il faudra construire un avenir durable qui assure la sécurité d’approvisionnement et qui intègre les conséquences du dérèglement climatique », écrivent encore les fédérations syndicales dans une lettre ouverte adressée le 25 janvier au ministre de l’Économie, Bruno Le Maire. Mais quelles sont les pistes pour un tel avenir ?
Sortir l’électricité du marché
« Si on veut lisser les tarifs de l’électricité, il faut sortir l’électricité du marché », défend Sébastien Menesplier. Autrement dit, revenir à l’ancien modèle. Lorsqu’EDF était encore placé sous un monopole d’État, et n’était pas partie prenante du marché européen. « Il suffit d’actes politiques forts. Et il faut que l’Etat investisse dans son secteur énergétique », poursuit le responsable syndical.
Dans l’immédiat, FO en appelle à la dissolution de la Commission de régulation de l’énergie. La FNME-CGT, de son côté, demande la démission collective du président-directeur général du groupe, et de son comité exécutif. Pour marquer un acte fort de désaccord . Le PDG « soutient les intérêts de l’entreprise ; mais à quel moment il soutient les intérêts de ses agents ? Le prouver, c’est démissionner », affirme sans détours Sébastien Menesplier.
https://rapportsdeforce.fr/classes-en-lutte/greve-dans-lenergie-on-a-peur-pour-nos-emplois-012612558
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