Incarcéré depuis l’ « affaire du 8 décembre » pour terrorisme, l’ancien activiste du Rojava raconte son quotidien à l’isolement de la prison de Bois d’Arcy
paru dans lundimatin#315, le 29 novembre 2021 Appel à dons Le 8 décembre dernier, une opération antiterroriste visait 9 militants politiques français. Les quelques éléments de langage et de procédure distillés dans la presse par la police laissent songeur. Une association de Paint Ball, un artificier qui travaille à Disneyland et quelques discussions de fin de soirée où l’on dit tout le mal que l’on pense de la police nationale captées par des micros cachés de la DGSI. Pour comprendre comment l’ « élite » de la police française, le parquet antiterroriste puis la galerie Saint-Éloi on pu se convaincre de la nécessité de surveiller, interpeler et incarcérer ces jeunes gens, il faut ajouter un élément biographique : l’un d’entre eux, « libre Flo » a participé à la lutte contre Daesh au Rojava. Nos lecteurs les plus attentifs se souviendront qu’en septembre 2019, nos confrères de Mediapart avaient promu sans nuance ce nouveau paradigme de l’antiterrorisme français [1] [1] Nous avions alors publié une mise en garde quant à la… : celles et ceux qui se sont rendus au Rojava pour y défendre l’expérience politique en cours des assauts de Daesh et de l’armée turque seront désormais considérés comme des « revenants » radicalisés et dangereux. Il s’agissait, par le vocabulaire même (revenants, radicalisation, etc.) de mettre sur le même plan activistes libertaires ou d’extrême gauche et militants islamistes radicaux ; et de préparer l’opinion à ce qu’il ne manquera pas d’advenir avec l’affaire dont il est ici question. Un an après ces arrestations et incarcérations, toutes et tous ces « terroristes présumés » ont été libérés, à l’exception d’un seul, considéré comme « LE chef », Libre Flot, qui s’était rendu à Kobané. Incarcéré depuis presque 12 mois à la prison de Bois d’Arcy, il est soumis à un régime d’isolement habituellement réservé aux militants islamistes radicaux. Privé de tout contact avec les autres détenus, réveillé à heure régulière pour être surveillé, quadruple rangée de barreaux aux fenêtres, promenade seul dans une cours de 20m2 dont même l’accès au ciel est grillagé, limitation des parloirs et de l’accès aux livres, etc. Dans cette lettre que nous publions aujourd’hui, Libre Flot raconte ce que ce traitement produit psychiquement et physiquement. A sa lecture, on comprend qu’il n’est évidemment pas question de mesures de sécurité mais bien d’une punition qui s’ajoute à la peine préventive, d’une violence qui vise à casser le détenu depuis l’intérieur de lui-même, à le briser sans coup, en silence ; une torture blanche. Dans 10 jours, le garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti, devra se prononcer sur la prolongation ou non de ce traitement spécial et inhumain.
Lettre depuis l’isolement – Bois d’Arcy – Été 2021
Cela fait désormais depuis plus d’un mois et demi que l’envie de réécrire à propos de l’isolement me titille mais je n’arrive pas à m’y mettre, je n’arrive pas à me concentrer suffisamment. Soit mon esprit s’évapore dans le néant comme un petit nuage, soit il se condense en une sorte de mélasse si épaisse qu’elle bloque tout dans mon cerveau et me file des maux de tête. Bien que la première puisse être plus douce (comme être drogué jusqu’à l’abrutissement et l’hébétude), ces deux situations amènent un sentiment douloureux. En effet constater sa perte de capacité intellectuelle et assister à sa propre décrépitude sont d’une violence totale particulière. C’est dans cette condition mentale que je m’attelle à l’élaboration de ce texte.
La volonté de faire comme une mise à jour de la situation vient du constat brutal de son aggravation. De nouveaux symptômes apparaissent tandis que les anciens s’accentuent et s’empirent sans qu’on y prête attention. Lorsque l’on se rend compte d’avoir complètement oublié que deux de ses ami.es (co-inculpé.es) avaient été mis.es en liberté (sous contrainte judiciaire), alors que ce fut la seule bonne nouvelle depuis son enfermement, c’est un véritable électrochoc. Le cerveau commence sérieusement à dérailler. Les problèmes de concentration, les difficultés à construire sa pensée, l’hébétude, la perte de repères temporels, les maux de tête, les vertiges, tous ces symptômes déjà énoncés précédemment, loin de disparaître avec le temps, se sont amplifiés et généralisés, ils sont devenus monnaie courante ou normalité. Mais à ceux là il faut en ajouter d’autres. Avant de les citer il faut comprendre quelque chose : à chaque fois qu’un nouveau symptôme, qu’un nouveau mal apparaît, on se dit que c’est temporaire, on attend que ça passe. Mais non ! Chaque nouveau mal qui pointe le bout de son nez n’est plus qu’un aperçu de ce qui va s’installer dans le long terme et devenir de plus en plus présent. Ces nouveaux « compagnons » sont donc :
La perte de mémoire, tellement à l’ouest, sans aucun échange avec les gens ni aucun stimuli, les choses ne s’impriment plus. Les informations lors des coups de fil, des parloirs, des lectures, rentrent et ressortent sans laisser de traces ou à peine une vague sensation de quelque chose d’impalpable. C’est bien simple, si je ne note pas immédiatement mes horaires de sport et de promenade de la journée, dans la minute qui suit, impossible de s’en souvenir…
En plus de cela, il y a les troubles visuels : il est désormais impossible de voir un sol droit, de niveau. Les sols penchent dans tous les sens en même temps et jamais les mêmes. On pourrait s’amuser à essayer de deviner de quel côté irait une balle si on la passait au sol, aucun des cotés serait étonnant. Mais bon, elles sont interdites, même les DIY… rusé.es !
Un autre symptôme des plus inquiétants est celui de la forte pression thoracique accompagnée d’une douleur aiguë au cœur, comme une pointe plantée en son sein. L’impression que le cœur bat non pas plus vite, mais plus fort comme s’il voulait sortir de la poitrine ainsi qu’un sentiment de fébrilité et ce, même pendant les moments de relaxation, qui sont les sessions de taï-chi-chuan ou de méditation. Cette douleur dura un mois complet de manière permanente, non stop avant qu’elle ne s’éloigne, pour revenir de temps à autre me rendre des visites inopinées.
Mais aussi, le problème d’accès à son propre cerveau. C’est devenu courant, lorsque quelqu’un évoque un sujet ou un autre, de savoir avoir des connaissances à ce propos mais de ne pas y avoir accès, le lien pour y parvenir est rompu, ça connecte pas. Erreur 404 d’aucuns diraient… Et la peur s’insinue, et si ce n’était pas le chemin qu’on ne retrouve plus, et si c’était son savoir qui s’effilochait et disparaissait ?
A toutes ces choses là s’ajoutent, comme dit plus haut, le constat de cette situation qui en elle même induit son lot de souffrance psychologique.
Mais alors que fait-on ? S’inquiéter, demander à voir un médecin ? Oui mais en isolement c’est très compliqué d’aller dans l’aile médicale. On peut rétorquer qu’un médecin passe deux fois par semaine en C4 (quartier d’isolement du centre pénitentiaire de Bois d’Arcy). Oui mais en super speed, dans le couloir avec les surveillant.es, sans possibilités de garantir un semblant de secret médical et avec juste le temps de prendre trois notes et nous refourguer du Doliprane en glissant qu’ici (en quartier d’isolement) c’est propice aux mots de tête. Avoir un rendez-vous n’est pas toujours aisé mais plus dur encore est que l’on y soit emmené.
Pour sortir du C4 toute la zone de détention doit être bloquée, ce qui entrave le fonctionnement de la prison. Lors du déplacement tout doit être clos et inaccessible, même à la vue, ce doit être une certitude de ne pouvoir ni voir ni être vu par un autre détenu. Le fait de devoir être accompagné d’un.e gradé.e et d’un.e surveillant.e durant tout le trajet et le temps du rendez-vous complique la logistique de leur journée et nécessite plus de personnel. Il est donc tout bonnement plus simple de laisser le détenu à son espoir qui s’égraine au rythme des minutes de sa montre jusqu’au moment où il se rend compte qu’il n’ira pas à son rendez-vous attendu de longue date.
Pour ma part, par deux fois mon rendez-vous dentiste a été repoussé car on ne m’y a pas emmené alors que le dentiste et moi-même étions tous deux dans l’attente. Depuis début février je demande à être suivi par un.e psychologue, en cette fin juin [2]
[2] La situation est toujours la même en novembre… , toujours rien à l’horizon. Mon rendez-vous médecin généraliste a pu avoir lieu après un mois de demandes répétées mais surtout grâce à l’intervention de mes avocat.es.
La docteur m’a affirmé oralement que ce dont je me plaignais était causé par la condition d’isolement, que c’était normal dans cette situation et que ça passerait quand je sortirai et ce sans toutefois me donner un certificat médical allant dans ce sens [3]
[3] Lors de l’audience de renouvellement de l’isolement au… … J’en déduis que tous.tes les isolé.es subissent les mêmes troubles et que ces souffrances sont banalisées, « c’est normal, ça passera ». C’est comme si on ne prenait pas en compte les graves atteintes physiques et mentales, comme si on me disait « tu souffres, on s’en fout c’est pas grave ». Et bien si c’est grave et quand bien même ça passerait à ma sortie, non, ce n’est pas normal de subir ça. Ne pas faire de certificat médical c’est participer à l’existence de ces faits, se rendre complice de la torture subie. Ce qui est intéressant de voir c’est que la mise en isolement crée des troubles psychiques et physiques qui ne peuvent être suivis correctement dû au fait que l’on soit en isolement. C’est le serpent qui se mord la queue, la spirale infernale. C’est un tel non-sens qu’il est difficile de croire que ce soit un accident.
Désormais, un « système » a été mis en place, censé m’assurer que je puisse accéder à mes rendez-vous, à voir ce que cela donnera car l’occasion ne s’est pas encore présentée de le mettre en pratique.
Ceci est un luxe obtenu du fait que je suis un relou quant à mes droits, ou comme dirait la direction : « exigeant sur mes conditions de détention ». Mais ici le respect des droits des détenus est à gratter, il ne s’applique pas automatiquement et en appeler au bon sens avec courtoisie pour qu’il existe, c’est comme faire sa miction dans un violon. Le régime végétarien, plus ou moins effectif, ne le fût qu’après avoir cité les articles de loi et menacé de faire intervenir mes avocat.es. Le problème de la hi-fi et des rendez-vous médicaux, de même : « avocat.es » ! Alors voila, pour le « qu’est ce qu’on dit ? » qu’on rabâche aux mômes, ici c’est pas « merci » ou « s’il vous plaît » mais « avocat.es ! » Bien que pas étonnant, c’est affligeant de constater que l’administration pénitentiaire (AP) impose un rapport antagoniste, que tout doive se gérer sous l’angle d’un rapport de force.
Je me sais privilégié à cet égard, j’ai deux avocat.es déterminé.es à ce que mes droits soient respectés. Un luxe énorme dont bien peu ici, je suppose, peuvent se vanter. Privilégié aussi de maîtriser un tant soi peu la langue française et sa lecture-écriture afin de pouvoir exprimer clairement mes revendications et pouvant justifier de leur légitimité. Car bien que l’on puisse faire des réclamations aux surveillant.es pour certaines choses, le protocole officiel et le seul reconnu est l’écrit. Je n’ose imaginer le calvaire pour celleux qui ne parlent pas la langue ou qui ont des difficultés vis à vis de sa pratique écrite et qui bien évidemment ne peuvent, en isolement, demander un coup de main à un.e codétenu.e. L’AP étant comme son nom l’indique, une administration avec tout ce que cela implique, la patience acquise avec le temps n’est pas la moindre des qualités, tout comme la capacité à s’adapter à ce système protocolaire. Je me demande comment une personne non soutenue par un.e avocat.e, ne maîtrisant pas bien la langue, peut faire entendre ses droits et ne pas perdre patience. Et si perte de patience il y a, en cas de bafouement des droits comment cela finit-il ? Quelles dérives et quelles conséquences ? Ne le savons-nous pas déjà ?
Le moral évolue en dents de scie avec des moments de quasi-euphorie (ce qui n’est pas forcément rassurant) jusqu’à la démoralisation et une totale démotivation, et ce sans que rien ne se soit passé et que rien ne justifie ces sautes d’humeur. La situation psychique est instable, je me réjouis quand tout va « bien », tout en redoutant le creux de la vague qui implacablement se profile. En plus des proches qui se démènent pour m’offrir un parloir hebdomadaire, mon meilleur soutien est le soleil (bien qu’il commence à transformer la taule en fournaise). Je reste encore impressionné de constater à quel point les conditions météorologiques influencent mon état mental (météo : dépression le long des côtes mais chaud à l’intérieur des terres… ?
Pour tenir bon je ne me tourne pas vers l’avenir, je n’image rien de positif de peur d’être déçu et de subir un ascenseur émotionnel. Pas d’espoir, pas de déception. Je ne me projette donc pas et vis au jour le jour, répétant inlassablement ma routine. Une routine rigoureuse entre entretien physique, développement intellectuel et apaisement psychologique me donnant un cadre, une prise sur moi-même. L’autodiscipline est la seule chose qui demeure quand plus rien d’autre ne reste. Une autre technique pour garder le sourire : se mentir éhontément sur sa situation. Une légère différence dans la nouvelle cellule ? Waouh ! Elle est trop géniale De la bouffe industrielle ? Cool ! Si on y met du curcuma, du sel, du ras-el-hanout, du curry, des herbes de Provence, du cumin et de la harissa, c’est mon repas favori ! L’eau de la douche est chaude ? Elle est relaxante ! Elle est froide ? Elle est vivifiante. Ne pas voir le verre à moitié vide mais au deux-tiers plein…
Alors il me manque (ou pas) que les confettis et les paillettes quand les proches déposent un CD nickel, un bouquin trop intéressant, un manuel de taï-chi-chuan ou de langue bien chiadé… Pîroz be !
En changeant de cellule, on s’aperçoit à quel point l’on doit réapprendre les sons. Inconsciemment, on intègre tout les sons de la coursive. Suivant la résonance des pas, les échos des voix, les roulements des chariots, le glissement des œilletons, le tintement des clés, les bips du portique de sécurité, les ouvertures et fermetures des portes, on devine ce qui s’y passe. Il est alors possible d’anticiper le moment ou les surveillant.es arrivent à sa porte. Cela peut paraître anodin, mais selon moi, il est très important de ne pas être surpris. Ne pas être surpris signifie anticiper le bruit ultra-sec et brutal des loquets et verrous. Se faire surprendre par ce son fait sursauter, donne un à-coup au cœur, une montée de stress et ce sans raison, c’est biologique, animal dirais-je. J’ai l’image en tête de la biche ou de la gazelle aux aguets, les oreilles attentives afin de ne pas être victime de la prédation. Bien que consciemment rien ne justifie un tel sentiment et que, à titre personnel, je n’ai aucun comportement agressif ou abus à déplorer de la part des surveillants. Je ne peux m’empêcher, comme un devoir vital, un instinct de survie, d’être toujours prêt, d’être toujours sur le qui-vive. Comme une manière de prendre possession de son territoire, de contrôler son espace ! Cela est sûrement dû au fait que bien que nos relations soient courtoises, elles ne seront jamais amicales et les surveillant.es ne seront toujours que des maillons de la chaîne de mon oppression.
La dernière fois [4]
[4] Voir sa première Lettre du QI de Bois d’Arcy écrite en… , je n’avais pas trop évoqué les œilletons qui permettent de zyeuter les détenus au travers de la porte. Entre temps, ils y ont rajouté des grilles, ici aussi… Comme s’il y en avait pas déjà assez… Cela ne permet pas de nous observer sans qu’on le sache, car comme dit, on entend, cela ne sert qu’à isoler encore plus des êtres humains. Là où autrefois apparaissait un œil (image assez perturbante voire cosmique, soit dit en passant) il n’y a plus rien. Plus de lien visuel entre soi et « l’œil », uniquement le son (bientôt plus rien), encore un petit pas vers la déshumanisation de l’environnement carcéral. Ces contrôles s’effectuent toutes les deux heures environs, jour et nuit. Durant la journée, il faut donner signe de vie, sinon ça cogne à la porte, donc se réveiller si c’est le moment sieste. La nuit le contrôle est accompagné inévitablement de l’allumage des lumières (d’une durée plus longue suivant son auteur.ice). Les nuits où je dors très bien, je ne suis réveillé qu’une fois, sinon…
Le plus pernicieux dans l’isolement est de rendre le réel irréel. Étant donné que l’on est en permanence seul.e avec soi-même, avec ses propres pensées comme unique interaction, le monde réel ne se matérialise pas, les proches relatent un monde qui semble imaginaire (celui de l’extérieur) lors de moments qui, une fois terminés, semblent n’avoir été qu’un songe (les parloirs). La seule réalité (pathétique), c’est cette cellule, ces livres, ces salles des spores (hihi), cette douche, cette « pseudo-promenade » individuelle. Même les autres détenus dans les (vraies) promenades que l’on aperçoit au travers des grilles de sa cage semblent être dans un autre univers. On apprend ce qui se passe dehors, on est informé.e de ce qui nous touche sans pour autant le vivre, le ressentir.
Apprendre la mort d’un.e ami.e affecte d’une manière si perplexe qu’il est impossible de le définir clairement. Tant de sentiments surgissent en même temps, ceux normaux, une tristesse profonde, le choc, l’incompréhension, mais cela se mêle à un sentiment d’irréalité. Bien que l’on sache la cruelle véracité de cette terrible perte, elle semble n’être qu’un cauchemar lointain. Ne participant pas aux obsèques, il n’y a pas de partage à ce moment-là avec les autres personnes qui l’ont aimé.e. Ni même ma possibilité de se confier à un autre détenu. À cela s’ajoute la nécessité de tenir le coup. Combat permanent pour ne pas sombrer, qui ne nous laisse pas le « loisir » de se laisser aller complètement à sa douleur, à son deuil. Les visites étant les uniques et très courts bols d’air frais, elles sont plutôt focalisées sur ce qui apporte de la joie et les sujets douloureux sont volontairement limités ou omis. Une fois encore, les sentiments et les émotions sont, par une sorte de mécanisme de survie, bloqués, relégués à plus tard, à la sortie… Combien de ces événements ont ils été amassés depuis le début de l’isolement ? Quel bagage émotionnel se trimballe-t-on ? Comment gérer lorsqu’on sortira ? Que se passe t-il si ce « bagage » craque plus tôt ? Oups… question(s) à remettre dans le sac.
Cette réalité se limite à un espace si restreint qu’on en devient égocentré. Je me souviens avoir pensé à abréger un récit intéressant qu’un.e proche me relatait car j’avais besoin de partager des choses d’une futilité extrême (mais qui font mon quotidien). Futilité bien souvent très (pathétiquement) matérielle.
En restant sur ma situation et mon isolement, il est « amusant » de constater le non-respect par l’AP de leurs lois. La circulaire du 14 avril 2011 stipule, en résumé, que l’on ne peut être placé en isolement pour les faits que l’on nous reproche (ou pour lesquels quelqu’un.e a été condamné). La raison doit être un comportement dit « inadapté » ou « dangereux ». Malgré cela la direction de la taule m’a imposée pendant six mois et a obtenu la prolongation de l’isolement en disant très clairement qu’elle se basait uniquement sur les faits reprochés et qu’elle reconnaissait que mon comportement n’a posé aucun problème. Donc, sans aucune gène, on bafoue les droits d’une personne et on lui applique la torture dite « blanche »… Tranquille !
Tenir le coup par ce qu’il n’y pas le choix, tenir le coup par respect pour soi et pour les sien.nes, tenir le coup grâce aux soutiens des proches : familles, ami.es, camarades. Merci à elleux pour ce soutien sans faille. Merci aussi à celleux que je ne connais pas et qui m’ont honoré du leur.
Libre Flot, Bois d’Arcy, Été 2021
Notes :
Ce texte n’a pas vocation à expliquer le fonctionnement carcéral ni la prétention d’être représentatif de ce qu’est la vie en quartier d’isolement. Il n’a encore moins la prétention de théoriser les mécanismes officiels et officieux, les « outils » répressifs utilisés pour briser ou réduire la détermination des détenus, certain.es l’ont déjà fait avec extrêmement de brio. Ce texte n’a de valeur que pour ce qu’il est : un témoignage d’une personne particulière, à un moment donné, dans un lieu précis, ni plus ni moins.
J’espère que le passage maîtrise de la langue française, lecture, écriture ne fait pas prétentieux, genre « je cause trop bien », ce n’est pas le but. L’idée est que si tu causes pas français ou si tu galères à la lecture-écriture bah t’es dans la merde pour faire valoir tes droits ! Est ce clair ou je me suis foiré ? Dois-je le refaire ?
Hier il fut refusé à ma mère de déposer livres et Cds, soi-disant elle n’avait pas l’autorisation. Erreur d’un.e débutant.e ? Punition indirecte ? Beaucoup de galères au niveau des colis pendant tout l’été qui je l’espère seront bientôt réglées. [5]
[5] Désormais et suite à des changements dans le…
Aujourd’hui en date du 6 septembre et après plusieurs demandes, un certificat médical où seulement la perte de mémoire et la douleur thoracique inscrites dessus fut délivré et toujours pas de psychologues.
Le comité de soutien du 8 décembre appelle à une mobilisation de soutien aux mis en examen, les détails sont accessibles par ici.
[1] Nous avions alors publié une mise en garde quant à la vulgarité de l’opération, une tribune de Corine Morel Darleux et la réponse d’André Hébert, ancien combattant du Rojava
[2] La situation est toujours la même en novembre 2021.
[3] Lors de l’audience de renouvellement de l’isolement au bout de 6 mois il est demandé au médecin de fournir un avis médical, ainsi qu’au SPIP de fournir un avis sur le comportement.
[4] Voir sa première Lettre du QI de Bois d’Arcy écrite en avril 2021. Diffusée dans l’émission de L’Envolée du 7 mai 2021 et publiée dans L’Envolée N°53.
[5] Désormais et suite à des changements dans le fonctionnement de la taule, notre ami doit demander des autorisations pour chaque livre ou CD qui lui est déposé au colis et qui doivent être inspectés par le chef de la détention. Aujourd’hui encore il témoigne de ne recevoir ni les revues auxquelles il est abonné depuis des mois, ni les livres déposés par ses proches aux parloirs
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