vendredi 5 novembre 2021, par Courant Alternatif
A en croire les sondages, dont la classe politique comme les journalistes se repaissent tout en affirmant prudemment qu’« ils sont ce qu’ils sont » – une simple photographie à un moment donné –, nous pourrions assister à un second tour Le Pen–Zemmour. Bingo ! Nous aurions alors le plaisir de voir « républicains et démocrates » appeler à voter… Le Pen pour barrer la route à monsieur Z. Comme gauche et extrême gauche ont appelé à voter Chirac contre Le Pen père en 2002, ou Macron contre Le Pen fille en 2017…
Ne rêvons pas : il n’y aura pas de second tour Zemmour- Le Pen pour la simple raison que l’un des deux se retirera en grand seigneur (probablement Zemmour préparant l’avenir). Mais le mécanisme de report au second tour restera identique pour les « démocrates », avec les mêmes appels à voter Macron ou LR afin de barrer la route à l’extrême droite.
Mais, heureusement, depuis quelque temps les cochons d’électeurs ne se rendent plus à la mangeoire au premier coup de sifflet. Ils rechignent, grognent, rouspètent, regimbent, renaudent, et même parfois se révoltent à l’heure de la soupe.
Bourgeois et politiciens en sont bien conscients, qui omettent avec soin de dire nettement que les sondages précités sont seulement une photographie du « monde qui pense aller voter », c’est-à-dire de cette moitié qui reste en leur pouvoir. L’autre moitié, on en retrouve plutôt une partie sur les ronds-points, dans les rassemblements contre les grands projets nuisibles (qui ne sont pas « inutiles » pour tout le monde), dans certaines luttes écologistes et féministes qui se développent, ou encore sur des piquets de grève (pas assez !) devant les entreprises. Nous ne nous aveuglons cependant pas : cette montée de l’abstention depuis plus d’une décennie n’est pas encore le signe d’une réaction franche et massive de la classe prolétaire contre le capitalisme. Elle est davantage une marque de découragement et d’impuissance face à l’offensive de la bourgeoisie, comme un repli qui dit « Allez vous faire foutre ». Mais c’est déjà pas mal !
Il s’agit en effet d’une coupure profonde qui s’est élargie, d’une défiance qui s’est installée entre, d’une part, la classe politique et les institutions et, de l’autre, le monde des travailleurs, et nous devons participer à son entretien.
Bien entendu, une élection présidentielle fera peu ou prou remonter le taux de participation.
Mais alors que, traditionnellement, se lancer dans des campagnes abstentionnistes n’avait que peu d’impact et de sens (une sorte de constante idéologique), dans la période actuelle, se bagarrer pour que ce taux remonte peu plutôt que prou a le sens de dessiner le contour d’un avenir qui transformerait la défiance passive en offensive active.
Zemmour fait de la défense de la culture chrétienne qui serait « la nôtre » le fonds idéologique de sa candidature potentielle. Mais de quoi s’agit-il ? Des cathédrales où les fournées de touristes ont remplacé celles des pratiquants et des chapelles désertes vouées à des festivals ou à des concerts mondains ? Non ! Cette religion ne fait plus recette, et sa défense est celle d’athées comme Michel Onfray, qui abjure le pape François de ne pas « porter atteinte au patrimoine de notre civilisation » en supprimant la liturgie en latin. Une défense patrimoniale parfaitement dans la ligne d’un Stéphane Bern, royaliste missionné par Macron pour défendre les monuments français. Une défense dont la fonction est de refabriquer un univers mythique de référence destiné à nourrir une réalité bien tangible, elle, d’exclusion et de racisme. Pourtant, toutes celles et ceux qui couineront qu’il faudra barrer la route à l’extrême droite au second tour ont eu à leur disposition, au même moment que ces prises de position, un miraculeux rapport Sauvé rendant public le viol, par des prêtres de l’Église de France, d’au moins 300 000 enfants en 70 ans (nombre d’autres n’étant plus là pour en témoigner), soit 3 fois plus que dans les autres lieux accueillant des mineurs ! On a noté à cette occasion le silence assez assourdissant de collectifs féministes d’ordinaire prompts à dénoncer les violences faites aux femmes ou aux enfants… mais dans le cadre familial ou professionnel. Quant aux responsables politiques de gauche comme de droite, même Mediapart a relevé la « timidité » de leurs réactions » : seule la déclaration publique du président de la Conférence des évêques de France sur un « secret de la confession [qui] s’impose à nous et [est] en cela (…) plus fort que les lois de la République » a suscité un tollé, vite éteint.
Et à peine Zemmour s’est-il fait le chantre de la culture nationale catholique que des formations politiques (de droite surtout, mais aussi une partie du PS) lui ont emboîté le pas pour dire : « Ben nous aussi on est de cette tradition à défendre ! », au lieu de saisir l’occasion pour dézinguer Zemmour en tant que « défenseur d’une institution pédophile » – comme elles le font en général à l’encontre de cas beaucoup moins clairs, mais qui leur permettent d’apparaître sans risques en chevaliers blancs. Il s’agit essentiellement pour eux d’aider une Église qui peut encore servir leurs intérêts et ceux des patrons à se tirer de ce mauvais pas.
La démagogie électoraliste n’a pas de limites. Nous serons dans la rue, pas dans les bureaux de vote.
OCL Poitou
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