Vivian Petit
paru dans lundimatin#289, le 24 mai 2021 Appel à dons Ces deux derniers samedis, les mobilisations de soutien au peuple palestinien ont été interdites à Paris. Le 15 mai, la police s’est employée pendant des heures, par le nassage ou l’usage de gaz lacrymogènes, à empêcher tout rassemblement. Le 22 mai, toute manifestation de soutien à la Palestine était interdite à Paris, et seul un rassemblement statique à République était autorisé. Si l’interdiction d’une manifestation semble maintenant presque la norme en France, les arguments mis en avant pour l’occasion méritent qu’on s’y attarde.
Dans les médias, de nombreux journalistes et politiques ont invoqué le refus de « l’importation du conflit israélo-palestinien ». Ce discours fut même repris dans les rangs de la France Insoumise par le député Alexis Corbière, pendant que l’ensemble de son organisation, n’écoutant que son courage, appelait à ne pas se rendre à la manifestation interdite à Paris le 15 mai dernier [1]
… . A une époque où se développent les formes de police globale, où toute politique est par nature transnationale, et alors que les gouvernants ne cessent de nous rappeler que nous vivons à l’heure de la mondialisation, il serait tentant de s’étonner qu’un tel argument, supposant une étanchéité totale entre l’action politique en France et la préoccupation pour la situation du Proche-Orient, soit mobilisé.
Cependant, le drapeau israélien qui orne le fronton de la mairie de Nice, sur décision de Christian Estrosi, qui avait fait interdire la présence « ostentatoire » de drapeaux étrangers lors des mariages (nul besoin de préciser lesquels, le sous-entendu suffit), est évidemment la preuve que certaines « importations » sont plus compatibles que d’autres avec l’ordre en place. Rappelons que, comme Eric Ciotti et plusieurs élus de droite ou d’extrême-droite, Estrosi appelle à l’importation en France de plusieurs des mesures « antiterroristes » mises en place par l’État d’Israël contre ses opposants palestiniens, dont la détention administrative, qui permet à l’administration israélienne d’emprisonner un Palestinien durant six mois, renouvelables indéfiniment, sur la seule base d’une décision administrative découlant d’une suspicion, sans que le détenu ne puisse, pour se défendre, avoir accès au dossier qui l’accuse.
Dans les médias, sans qu’il soit besoin de le prouver, ce risque d’« importation du conflit israélo-palestinien » était évidemment associé à la violence antisémite ou au soutien à l’islamisme. Pour justifier devant le Tribunal Administratif de l’interdiction de la manifestation du samedi 15 mai, les services de renseignement ont dû fournir ce qu’il est convenu d’appeler des notes blanches, dans lesquelles il s’agissait de dresser le profil des personnes susceptibles de s’y rendre, et d’insister sur leur dangerosité supposée.
Ainsi, après avoir mentionné la présence des « principaux partis de la gauche radicale anti-sioniste et sensibles à la cause palestinienne », de « plusieurs structures indigénistes et décoloniales », des « ultras du Paris Saint-Germain », de « certains jeunes lycéens et étudiants », des Gilets jaunes, des mouvements antifascistes, et avoir insisté sur le risque que ferait courir sur l’ordre public « une telle variété des profils des manifestants », les policiers du renseignement assénaient, comme argument-massue justifiant l’interdiction : « Ce samedi, la manifestation au départ de Barbès est de nouveau susceptible de drainer en nombre une population issue des arrondissements voisins à forte proportion immigrée, dont une frange jeune et à risque ».
On peut, et cela a été fait par plusieurs des organisateurs de la manifestation, légitimement s’indigner du racisme inhérent à un tel argument. En plus de cette légitime dénonciation, il semble intéressant de revenir sur l’histoire du mouvement de solidarité avec la Palestine en France, sur son imbrication avec les autres luttes anticoloniales et antiracistes menées par des personnes originaires du Maghreb. Étudier cette histoire permettra aussi de répondre à ceux qui, avec plus ou moins de mauvaise foi, s’étonnent de l’attachement particulier de nombreuses personnes à la Palestine, certaines allant même jusqu’à l’expliquer exclusivement par l’antisémitisme, comme Stéphane Zagdanski dans un article publié dans l’édition de Lundimatin du 17 mai dernier [2]
… .
France-Israël : une passion durable
La solidarité avec le peuple palestinien a une longue histoire en France, et s’est développée en miroir du soutien de l’État français à l’État d’Israël. La solidarité avec les Palestiniens fut souvent articulée aux luttes contre le colonialisme dans les autres pays du monde arabe, et c’est notamment ce qui a motivé le soutien de l’État français à Israël.
Alors que la France s’était abstenue à l’Assemblée des Nations unies lors du premier vote à ce sujet, Vincent Auriol, à ce moment président de la République, raconte dans son journal avoir reçu une visite nocturne de Léon Blum pour le convaincre de faire évoluer sa position. Vincent Auriol insiste sur le fait que l’argument qui aurait emporté sa conviction est qu’une victoire des Palestiniens risquait de renforcer les luttes anticoloniales en Afrique du Nord, et notamment en Algérie. Peu après, des militants anticolonialistes du Maghreb tentaient de se rendre en Palestine pour y combattre, et étaient expulsés par l’armée britannique. [3]
[3] Dans son article, Stéphane Zagdanski fait peser la…
En 1956, c’est de nouveau l’opposition à Nasser et au FLN qui justifiait le soutien de la France à Israël. En parallèle, les luttes contre les colonialismes français et israélien ont été imbriquées. En France, le Mouvement des Travailleurs Arabes (MTA), connu pour avoir organisé en 1973 une grève générale des travailleurs immigrés contre les crimes racistes en France, est issu des comités Palestine. Peu après, à une époque où une partie des immigrés maghrébins en France organisaient leur propre championnat de football, le MTA décidait de nommer son équipe (et sa troupe de théâtre) Al-Assifa (« la tempête » en arabe), en hommage à la branche armée du Fatah, qui portait le même nom [4]
[4] Puisque Zadgandski n’hésite pas à amalgamer le Fatah au… .
L’histoire du MTA n’est bien sûr qu’un des nombreux exemples de la façon dont le soutien à la Palestine s’insère en France dans une histoire politique et sociale. Cette histoire s’est transmise dans les milieux de l’immigration, à tel point que la cause palestinienne fait encore aujourd’hui office de symbole au sein des luttes antiracistes. Cela explique que des jeunes nés en France, qui ont entendu parler du blocus de Gaza, de l’annexion de Jérusalem ou de la colonisation de la Cisjordanie sans être des spécialistes du sujet, considèrent Israël comme un symbole d’injustice, et la Palestine comme un modèle de résistance.
Par conséquent, sauf à vouloir ignorer à la fois la condition des colonisés et l’histoire des luttes de l’immigration en France, il semble difficile d’expliquer uniquement par l’antisémitisme la façon dont ce qui est vécu par les Palestiniens peut aujourd’hui faire office de symbole.
Focalisation
Un autre argument alimentant le procès en antisémitisme, fréquemment mobilisé par les défenseurs d’Israël, est la mention d’une focalisation excessive sur ce seul État, quand tant d’autres crimes sont commis dans le monde. Cela fut récemment exprimé par Bernard-Henri Lévy sur BFM TV. [5]
… Nous retrouvons ce même argument dans l’article de Zagdanski déjà précédemment cité, où il écrit : « Ce que l’on reproche aux sionistes, on pourrait le reprocher à toutes les nations. »
Si BHL et Zagdanski ne reprochent, en réalité pas grand-chose aux sionistes, ne manifestent jamais contre l’occupation de la Palestine et les crimes de guerre d’Israël, et même les justifient (j’y reviendrai), cet argument est parfois présent sous la plume de personnes qui critiquent l’apartheid et l’occupation en Palestine, et disent souhaiter une co-existence dans l’égalité entre Israéliens et Palestiniens. C’est par exemple fréquemment le cas, dans Lundimatin, d’Ivan Segré, qui désignait comme un « impossible boycott » [6]
… l’appel des Palestiniens à mener des campagnes de Boycott, Désinvestissement et Sanctions (BDS) à l’égard d’Israël tant que leur droits ne seront pas réalisés. Cette campagne, lancée en 2005 par 172 organisations palestiniennes (comprenant tant des réfugiés, que des Palestiniens de Gaza, de Cisjordanie et d’Israël), a pourtant permis de rompre avec un discours appelant simplement à « relancer le processus de paix » ou « construire des institutions palestiniennes ». Pour soutenir l’émancipation des Palestiniens, les militants à l’initiative de cette campagne insistent au contraire sur la nécessité d’instituer un rapport de force contre l’occupant. Les revendications exprimées dans l’appel fondateur de la campagne BDS sont les suivantes : la fin de l’occupation, l’application du droit au retour des réfugiés, l’égalité entre Israéliens et Palestiniens.
Face à cette campagne, l’argument d’Ivan Segré est le suivant : puisque les personnes relayant ces appels en France ne boycottent pas tous les États criminels existant, puisque les Français sont eux-mêmes citoyens d’un État colonial et parfois supporters d’un club de football appartenant au Qatar, État connu pour son peu de respect des droits des travailleurs immigrés, alors ce boycott ciblant spécifiquement Israël est illégitime, voire suspect. Bien que logique sur le plan formel, cette position montre rapidement ses limites, et si elle était étendue, n’offrirait aucune autre perspective que celle de refuser de s’engager pour une quelconque cause, puisqu’il n’est pas possible de participer simultanément à tous les combats. [7]
[7] Un autre exemple de raisonnement en apparence logique…
[7] Un autre exemple de raisonnement en apparence logique…
[7] Un autre exemple de raisonnement en apparence logique… Heureusement, les dockers italiens qui ont, ces dernière semaines, refusé de charger des armes destinées à l’armée israélienne, ou les membres du syndicat Sud qui, au sein d’Orange, se sont opposés ces dernières années à l’accord entre leur entreprise et Partner, fournisseur de réseau à l’armée israélienne et aux colonies implantées dans les territoires occupés se sont, par exemple, montrés moins frileux. Et puisqu’il n’est pas question de ne s‘opposer qu’aux crimes israéliens, saluons aussi les dockers de Marseille qui avaient refusé au printemps 2019 d’embarquer des armes françaises destinées au régime saoudien.
Bien sûr, nous devons rappeler qu’il existe un anti-impérialisme borgne, dans la gauche française et dans une partie des mouvements anti-colonialistes, considérant que seuls les États occidentaux et leur allié israélien doivent être critiqués, et fermant, par exemple, les yeux sur la politique menée par la Russie contre le peuple syrien ou sur celle de la Chine à l’égard des Ouïghours. Nous devons aussi analyser le fait que chaque révolte contre une dictature du Moyen-Orient est aujourd’hui désignée par le tyran en proie à la contestation et par ses partisans comme un « complot sioniste ».
Pour autant, rappelons que nombre de personnes attachées à la cause palestinienne n’en font pas un engagement exclusif, et relaient autant les expressions des Palestiniens que les discours des Syriens bombardés par Poutine et Assad, des Ouighours persécutés par la Chine, ou des grévistes indiens. Si la cause palestinienne n’est pas la seule à devoir être appuyée, ce soutien ne constitue pas non plus un engagement sur lequel il faudrait systématiquement jeter la suspicion. Aussi, en jugeant de la légitimité de la lutte palestinienne contre le colonialisme israélien, ou de son relais en France, uniquement à l’aune de ce qui est subi par de nombreux autres peuples, le risque est de ne plus penser les situations et les manières d’avoir des prises sur celles-ci, mais de simplement faire jouer une lutte contre une autre.
La double exceptionnalité d’Israël
Dans leur ouvrage intitulé Un boycott légitime Armelle Laborie et Eyal Sivan font d’ailleurs remarquer l’existence d’une contradiction, qu’ils appellent la « double exceptionnalité » et qu’ils observent chez ceux qui dénoncent une focalisation exceptionnelle sur la politique israélienne, tout en jetant systématiquement le discrédit sur les campagnes menées contre cette politique, ce qui revient, de fait, à revendiquer un traitement exceptionnel d’Israël. S’il est possible de rappeler qu’ Israël n’est pas le seul État criminel au monde, il est absurde de considérer qu’Israël aurait des droits particuliers dans son traitement des populations civils.
Pourtant, quand, dans l’article publié le 17 mai dernier, Zagdanski écrit « Dans un conflit, quel qu’il soit, il y a des morts. Dans un conflit, quel qu’il soit, il y a des morts innocents », il s’apprête à franchir la frontière de l’ignoble, pour l’unique raison qu’il s’agit d’Israël. Quelques lignes plus loin, il désigne les jeunes désarmés qui manifestent à Gaza et sont assassinés par des snipers israéliens comme la « chair à canon » du Hamas, et va jusqu’à les amalgamer aux Jeunesses hitlériennes. Ainsi, pour Zagdanski, des personnes désarmées, qui manifestent contre le blocus qu’elles subissent et revendiquent leur droit au retour dans leurs villes et leurs villages d’origine peuvent être éliminées, dès lors qu’elles manifestent à Gaza, et contre Israël.
Il n’est pas question d’accepter l’exécution de manifestants en fonction de leur degré de religiosité, de conservatisme ou de leur appartenance politique. Pour montrer à quel point Zagdanski ne fait que reprendre la propagande de guerre israélienne, rappelons cependant que le Hamas n’est que très peu présent dans les manifestations et émeutes en Cisjordanie, à Jérusalem et en Israël, et que, contrairement à ce qu’affirme Zagdanski, il n’est pas à l’origine des manifestations qui se sont tenues ces dernières années près des frontières entre Gaza et Israël, et lors desquelles plus de 200 manifestants palestiniens ont été exécutés par les snipers israéliens.
Cette vague de manifestations, sur lesquelles l’armée israélienne a dès le début tiré à balles réelles, a débuté en 2015, année à laquelle certains journalistes font remonter le début d’une « troisième Intifada ». Pour les seuls mois d’octobre et de novembre 2015, le bilan était de 15 morts. Ces manifestations furent initialement appelées par des organisations de gauche, et ont même été dans un premier temps interdites à Gaza par le gouvernement du Hamas, qui craignait probablement d’être dépassé sur le terrain de la lutte contre l’occupation. Les marches ont cependant continué à se tenir, obligeant le Hamas à s’en déclarer solidaire, puis à participer à leur organisation. Précisons enfin que parmi les participants à ces marches du retour, désignés par Zagdanski comme la « chair à canon » du Hamas, figurent une part des jeunes Palestiniens que j’avais rencontrés à Gaza en 2013, et qui avaient pour certains été arrêtés et torturés par le Hamas les années précédentes, notamment en 2011, après avoir organisé, dans la dynamique du Printemps arabe, des rassemblements s’opposant à la fois à Israël et ses alliés, au Hamas et à l’Autorité Palestinienne.
Zagdanski, comme de nombreux soutiens d’Israël, fait référence aux révoltes des Palestiniens comme à des « émeutes antisémites », et mentionne les « accords de paix » refusés par l’Autorité Palestiniennes à la fin du 20e siècle, pour faire peser sur les Palestiniens la responsabilité de la situation présente. Rappelons que ces projets d’accord visaient à entériner l’annexion de Jérusalem et des territoires occupés par Israël, à segmenter la Cisjordanie en trois entités isolées les unes des autres, et ne mentionnaient pas le droit au retour des réfugiés palestiniens.
Quant aux révoltes palestiniennes qualifiées d’« émeutes antisémites », précisons d’une part qu’elles relèvent le plus souvent de formes de contestations classiques, à savoir la grève, le blocage, la manifestation ou l’affrontement avec les forces d’occupation, et d’autre part, que les quelques cas d’attaques violentes ne sauraient être expliqués, comme le fait Zagdanski, par un antisémitisme trouvant sa source dans le Coran.
Lisons plutôt Amira Hass, journaliste israélienne connue pour avoir décidé de vivre avec les Palestiniens, à Gaza à partir de 1993, puis à Ramallah après 1997 :
« Les jeunes Palestiniens ne vont pas se mettre à assassiner des juifs parce qu’ils sont juifs, mais parce que nous sommes leurs occupants, leurs tortionnaires, leurs geôliers, les voleurs de leur terre et de leur eau, les démolisseurs de leurs maisons, ceux qui les ont exilés, qui leur bloquent leur horizon. Les jeunes Palestiniens, vengeurs et désespérés, sont prêts à donner leur vie et à causer à leur famille une énorme douleur, parce que l’ennemi auquel ils font face leur prouve chaque jour que sa méchanceté n’a pas de limites. »
Pour une solidarité concrète avec la Palestine
Pour qui s’intéresse sérieusement à la situation en Palestine, il n’y a donc pas deux entités à réconcilier de manière abstraite, ni des négociations à relancer dans un contexte où le rapport de force est si déséquilibré. Il y a par contre, pour nous qui vivons en France, une lutte à soutenir, et des intérêts économiques à viser. Contrairement à ce qu’affirment les antisémites, nous ne sommes pas face à un complot juif mondial, et le soutien à l’occupation et à la colonisation de la Palestine a peu de rapport avec l’origine, la religion ou la nationalité. Comprendre cela permet d’identifier des cibles, qui sont celles de la campagne de Boycott, Désinvestissement et Sanctions à l’égard d’Israël et de ses soutiens. Mentionnons-en trois, qui pourraient être les cibles principales de cette campagne dans les semaines à venir.
Axa, a investi un million de dollars dans des banques israéliennes directement complices de la colonisation, après avoir financé Elbit Systems, société israélienne d’armement. HP, entreprise américaine connue pour ses imprimantes et ses ordinateurs, est responsable du contrôle et des fiches biométrique des Palestiniens aux checkpoints, en plus d’organiser le classement des fichiers selon l’ethnie et la religion. L’entreprise fournit en outre l’infrastructure informatique de la marine israélienne (qui participe au blocus de Gaza) et du système pénitentiaire israélien. Enfin, Amazon entretient des liens financiers, commerciaux et militaires avec Israël, notamment par le biais d’Israël Aerospace Industries, un fabricant d’armes et d’aéronefs appartenant en totalité à l’État israélien, qui fournit à l’armée israélienne des avions, des drones, des missiles, des véhicules blindés ou encore des satellites espions
Encore récemment, Israël a demandé à son allié, le gouvernement français, de poursuivre les personnes qui s’exprimaient en faveur de cette campagne BDS. Une récente circulaire de Dupond-Moretti appelle d’ailleurs les procureurs à poursuivre systématiquement ces appels, et à privilégier, parmi les peines requises, la condamnation à des stages de citoyenneté. Ces tentatives de répression de la campagne BDS montrent qu’elle pourrait être efficace, ou du moins qu’elle est considérée par les gouvernants comme une perturbation potentielle. A nous d’y participer, selon les contextes locaux et les modalités propres aux différents collectifs qui suivent cet appel.
Vivian Petit
[1] https://lafranceinsoumise.fr/2021/05/14/manifestation-interdite-par-darmanin-a-paris-nous-ne-tomberons-pas-dans-le-piege/
[2] https://lundi.am/Penser-la-Palestine
[3] Dans son article, Stéphane Zagdanski fait peser la responsabilité de la perpétuation du « conflit » aux Palestiniens, qui ont refusé le plan de partage de 1947. Rappelons que ce plan prévoyait d’octroyer la majorité de la Palestine, dont les terres les plus fertiles, à l’État d’Israël, alors même que les Palestiniens représentaient les deux tiers de la population.
[4] Puisque Zadgandski n’hésite pas à amalgamer le Fatah au Hamas dans sa dénonciation d’un antisémitisme inhérent aux Palestiniens, rappelons que le Fatah, qui n’a pas toujours été le parti de notables vieillissants et corrompus qu’il est aujourd’hui, était à l’époque connu pour ses opérations de guérilla ou de sabotage contre l’armée israélienne, et qu’il est aussi resté célèbre pour sa publication intitulée La révolution palestinienne et les juifs. Dans cette brochure publiée en 1970, le Fatah se positionnait pour la création d’une Palestine démocratique non confessionnelle dans laquelle coexisteraient musulmans, juifs et chrétiens.
[5] https://www.bfmtv.com/replay-emissions/apolline-de-malherbe-le-rendez-vous/bernard-henri-levy-etait-l-invite-d-apolline-de-malherbe-15-05_VN-202105150226.html
[6] https://lundi.am/Israel-l-impossible-boycott
[7] Un autre exemple de raisonnement en apparence logique mais qui se révèle aporétique est la mise en équivalence par Segré du « droit au retour » des Juifs en Israël et de celui des Palestiniens expulsés de leurs villes et de leurs villages d’origine, qu’il présente comme la cause de son désaccord et de sa rupture avec les mouvements de soutien à la Palestine. Malgré un axiome en apparence égalitaire (la reconnaissance équivalente de deux « droits au retour »), la perspective défendue par Ivan Segré, un Etat commun ouvert à tous les Juifs et tous les Palestiniens, est fondamentalement inégalitaire. En proposant que d’une part n’importe quelle personne de confession juive, qu’elle soit née à Paris, Alger, New-York ou Vladivostok (sur un simple critère confessionnel et extraterritorial), puisse s’installer en Israël/Palestine, et que de l’autre, seuls les réfugiés palestiniens (en fonction d’un critère géographique ou national strict) puissent retourner en Israël/Palestine, il entérine lui-même l’inégalité qu’il croit dénoncer.
En outre, bien qu’Ivan Segré dénonce le non respect du droit au retour des réfugiés palestiniens, en mettant ce droit sur le même plan que l’immigration juive en Israël/Palestine, il masque le contexte colonial dans lequel celle-ci a lieu. Aujourd’hui, les appels du gouvernement israélien à venir en Israël ou dans les colonies implantées dans les territoires occupées, adressés aux Juifs du monde entier, sont liés à l’obsession israélienne pour la démographie, le nombre de Palestiniens vivant en Israël/Palestine, rapporté au nombre d’Israéliens, étant perçu comme une menace. Cette obsession pour la démographie pousse des hommes politiques israéliens à désigner l’utérus ou le ventre des femmes palestiniennes comme une « bombe démographique », pendant que des rabbins, notamment ceux proches du mouvement Shavei Israel, parcourent le monde pour retrouver les descendants supposés des tribus perdues d’Israël et les appeler à immigrer au Proche-orient. Elle pousse aussi Netanyahu à se précipiter à chaque agression ou crime antisémite en France afin d’appeler les Juifs français à quitter leur pays et aller servir dans l’armée israélienne.
Bien sûr, il ne s’agit ni d’amalgamer Ivan Segré à un gouvernement israélien qu’il critique, ni de chercher à jouer les garde-frontières, mais de s’interroger sur la manière dont ce qui pourrait apparaître comme une exigence d’égalité aboutit ici in fine à une rupture d’égalité, et au rejet des discours s’opposant à une politique discriminatoire.
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