Alors que de nombreux États ont bradé leurs libertés individuelles sous couvert de lutte contre le Covid-19, la France s’interroge. La géolocalisation et la surveillance via smartphone peuvent-elles être mises en place dans l”Hexagone ? Selon quelles modalités et pour quelle efficacité ? Trois options sont envisageables.
Le 24 mars, Emmanuel Macron fonde le CARE, un comité d’analyse composé de 12 chercheurs qui rendront toutes les 48 heures un rapport sur les dernières innovations scientifiques en lien avec le Covid-19. Il prophétise alors : « C’est grâce à la science et à la médecine que nous vaincrons le virus ». Si le Président de la République distingue alors si parcimonieusement science et médecine (la médecine n’est-elle pas une science ?) c’est sans doute parce que le comité d’expert qu’il vient de créer ne limite pas son analyse aux seules solutions thérapeutiques contre le Covid-19. Il est également chargé de réfléchir à une mesure largement utilisée pour lutter contre la pandémie : la géolocalisation de la population. Déjà mise en place dans de nombreux pays, elle a donné lieu à trois grands types de mesures que le CARE se devra de considérer. Charles-Pierre Astolfi, Secrétaire Général du Conseil National du Numérique, les résume dans un thread Twitter.
Selon la Quadrature du Net, l’hypothèse la moins contraignante en matière de libertés individuelles est déjà permise par la loi française. Elle consiste à utiliser les données de géolocalisation des téléphones portables pour identifier les lieux fortement fréquentés, propices à la propagation du virus ainsi que pour vérifier si le confinement est bien respecté. Cette solution, qui conserve l’anonymat des données de déplacement, a été mise en place en Italie.
Mais est-on jamais totalement anonyme ? Dans sa newsletter La Cyberlettre la journaliste Mathilde Saliou explique : « Le problème des technologies d’identification, c’est que même avec les pincettes prises en Europe, les données utilisées ne sont jamais totalement anonymisables. Comme le rappelle The Markup, des chercheurs européens ont publié sur le sujet dès 2013. Selon eux, les données de géolocalisation sont si spécifiques qu’il en suffit souvent de 4 différentes pour retrouver une personne. »
Surveiller les personnes plutôt que les lieux
Si cette première solution a le mérite de rendre les données anonymes, comme l’y oblige la loi, une seconde option, que Charles-Pierre Astolfi nomme « de prévention personnalisée » implique de sortir les utilisateurs de l’anonymat. Cette fois, il ne s’agit plus d’identifier des lieux à risque mais des individus potentiellement porteurs du virus, voire effectivement malades. Les données de géolocalisation permettent alors de retrouver les personnes passées par un foyer d’épidémie, celles qui ont croisé une personne infectée ou encore les « super propagateurs ». L’État peut alors les avertir et renforcer leurs conditions de confinement. En France, où la population est très peu testée, cette exploitation des données trouve cependant bien vite sa limite.
De plus, pour mettre en place cette prévention personnalisée en France, des modifications législatives seraient nécessaires. Les élus Les Républicains Bruno Retailleau et Patrick Chaize ont ainsi déposé, lors de l’examen par le Sénat de la loi instituant l’état d’urgence sanitaire, un amendement allant dans ce sens. Rejeté, il aurait autorisé pour une durée de six mois « toute mesure visant à permettre la collecte et le traitement de données de santé et de localisation ».
Enfin la dernière option, la plus intrusive, consiste à surveiller, grâce à des applications installées sur le smartphone, le respect de la quarantaine. La mesure a été mise en place à Taïwan, où la police est prévenue directement si une personne diagnostiquée positive sort de chez elle, ou éteint son smartphone… Depuis le 19 mars la Pologne a également mis en place une application pour les personnes en quarantaine. Le dispositif va loin : à n’importe quel moment de la journée, les personnes qui ont été isolées pourront recevoir un texto. Elles auront alors 20 minutes pour envoyer un selfie qui permettra de vérifier, grâce à la géolocalisation, qu’elles se trouvent bien dans le périmètre qui leur a été attribué. Dans le cas contraire, la police pourra intervenir, explique Médiapart.
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