César de Polanski, tribune de Virginie Despentes, manifestation féministe nocturne violemment réprimée le 7 mars, les défilés particulièrement fournis du 8 mars 2020 semblent devoir beaucoup à la brûlante actualité de la lutte pour les droits des femmes. Dans les cortèges, la question des violences physiques et sexuelles est au centre de l’attention. Reportage à Paris.
La pluie et les pancartes inondent le boulevard de l’Hôpital. De nombreuses manifestantes sont venues avec des noms de femmes inscrits sur les bouts de carton qu’elles brandissent. Des noms, « Chantal, Irina… », suivis d’âges et de macabres numéros : « 72 ans 68ème, 22 ans 91ème ». Les 149 féminicides qui avaient conduit plus de 150 000 personnes à descendre dans la rue le 23 novembre 2019, sont toujours au centre des dénonciations en ce jour de lutte pour les droits des femmes. Renforcé par ce mouvement d’automne, le 8 mars 2020 n’a plus rien à voir avec celui de 2019, qui avait mis particulièrement en avant les inégalités salariales. Là où on comptait des centaines de personnes dans des villes comme Toulouse où Rennes, on en dénombre désormais plusieurs milliers. A Paris, les rues sont bien plus remplies que l’an dernier, le collectif « Les Grandes Gagnantes », qui regroupe une trentaine de groupes féministes organisateurs de la journée, revendique 60 000 manifestantes et manifestants. Elles sont également 2000 à 3000 à Montpellier, 3000 à Rennes, selon la police et 6000 selon les organisatrices, 4400 à Lyon selon la police mais plus de 10 000 selon des participantes. A Toulouse, 4000 personnes sont descendues dans les rues. Sans doute la date du dimanche a-t-elle aidé à remplir les rues, mais c’est loin d’être la seule raison du succès de la journée. Il n’y a qu’à lire les pancartes pour le comprendre : « La cup est pleine, ça va saigner »
« Mon corps est politique »
Dans les cortèges, c’est bel et bien la question des viols, des féminicides, des violences faites aux femmes qui est au centre de l’attention. L’actualité y pousse : la veille, la marche de nuit en mixité choisie annonçant le 8 mars était violemment réprimée par la police. « Nous sommes parties de place des fêtes et le parcours s’est bien déroulé. Mais une fois arrivées à République nous avons été nassées et chargées par la police, j’ai été contrainte de me réfugier dans le métro et de rentrer chez moi », dénonce Elise, membre des Dégommeuses, club de foot féminin militant présent en nombre dans la manifestation. « C’est la question des violences sexuelles qui a politisé ma fille, raconte Marie-Ange bibliothécaire et féministe sur 3 générations, ça s’est fait dès ses 14 ans car elle a eu une amie concernée. Avec tout ce qu’on se prend dans la gueule en ce moment en tant que femme : la violence des Césars avec la nomination de Polanski… On a la rage, on se dit qu’il n’est plus possible de rester chez soi ». Si l’ambiance des cortèges est en grande majorité festive, la détermination se fait sentir dans sur les pancartes « Du coup il a tué qui Cantat, la femme ou l’actrice ? », interroge l’une d’entre-elles, « Ni les murs ni la chatte, on ne rasera plus rien », assène une autre. La pancarte de Tifen, « Mon corps est politique », vient résumer le tout. « Je dénonce ce que cette société a fait de nos corps : des enjeux économiques, des objets de désir, les cibles des violences. Retrouver le contrôle de mon corps, c’est donc un enjeu politique », explique-t-elle.
Les femmes, principales victimes des dernières réformes
Moins visible mais néanmoins présente, la question des inégalités au travail est également portée dans la manifestation. Les tracts de Solidaires rappellent que les femmes seront les principales victimes de la réforme des retraites puisque 40% d’entre elles n’ont pas de carrières complètes. Si on retrouve de nombreuses militantes syndicales dans les cortèges des associations féministes, les ballons de la FSU, de Solidaires et de la CGT, qui avaient appelé à rejoindre la manifestation et qui en ferment la marche ne sont pas extrêmement fournis. « Depuis le 5 décembre, on a l’impression d’être continuellement attaquées en tant que femmes sur tous les fronts », explique Marie-Ange, qui a participé à plusieurs journées contre la réforme des retraites. De fait le 8 mars est aussi un carrefour des luttes : des gilets jaunes affichent des banderoles pour la manifestation nationale du 14 mars à Paris, des enseignants appellent à une « semaine noire » de grève contre la réforme des retraites à partir du 16 mars et des militants anti-racistes tractent pour la marche des solidarités le 21 mars.
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