20 janvier 2020Stéphane Ortega
Après 45 jours, de nombreux grévistes des secteurs en grève reconductible depuis le 5 décembre sont fatigués et pris à la gorge financièrement. Une partie d’entre eux changent de stratégie et se concentre sur la prochaine journée interprofessionnelle du 24 janvier, alors que la mobilisationrebondit dans les ports, chez les avocats, ou prend de nouvelles formes dans l’Éducation nationale.
Une majorité d’assemblées générales a décidé de la fin de la grève illimitée à la RATP pour s’orienter vers d’autres formes d’actions, a annoncé l’Unsa-RATP, le premier syndicat de l’entreprise, dans un communiqué le samedi 18 janvier. Il est vrai qu’ils ont déjà beaucoup donné en portant avec les cheminots la visibilité en continu de la grève depuis 45 jours, même pendant la période des fêtes de fin d’année.
Ces derniers jours, une majorité de dépôts ont décidé de reprendre provisoirement le travail lundi pour se donner de l’air, avant la journée interprofessionnelle du 24 janvier. Et ce, d’autant que la grève reconductible et bloquante n’a pas réellement fait tache d’huile malgré des mouvements significatifs à l’Opéra de Paris, dans les raffineries, ou bien sûr dans l’Éducation nationale.
Replis vers les temps forts et les actions
Au dépôt de bus RATP de Pleyel en Seine-Saint-Denis, « 79,1 % des votants ont fait le choix des journées noires », explique un militant de Solidaires-RATP dans une vidéo postée sur Facebook. Pour eux, pas question de renoncer pour autant à réclamer le retrait du projet de réforme du gouvernement, malgré une reprise temporaire du travail. « Passer des bombardements intensifs à la guérilla », annonce le syndicaliste pour expliquer les nouvelles formes de mobilisation concentrées sur une ou deux journées par semaine afin de tenir dans la durée. Avec en ligne de mire une première « journée noire » le 24 janvier, jour de présentation du projet de loi en conseil des ministres, et date de mobilisation interprofessionnelle. Ce jour-là, les salariés grévistes de la RATP espèrent renouer avec la forte mobilisation du 13 septembre, celle marquant le début des hostilités contre la réforme du gouvernement.
À la SNCF : pas d’appel à suspendre la grève reconductible, même si celle-ci s’est aussi repliée sur une base plus étroite depuis une bonne semaine. Pour autant, là aussi, le mot d’ordre est de retourner auprès des cheminots ayant repris le travail pour obtenir une forte mobilisation le 24 janvier. Une « grève militante » et des journées fortes semblent être la stratégie retenue pour le moment par la fédération CGT des cheminots, au moins jusqu’au début du mois de février. Dans l’Éducation nationale, l’horizon d’un basculement vers une grève reconductible massive s’éloigne. Pour autant, la mobilisation reste importante et les actions, au moins dans le secondaire, se réorientent vers un boycott des épreuves du BAC nouvelle formule.
Cette année, avec la réforme du lycée du ministre de l’Éducation Jean-Michel Blanquer, les élèves de premières sont soumis à un contrôle continu (E3C) comptant pour leur baccalauréat. Et comme en fin d’année dernière, un nouveau point de tension, voire un nouveau front, s’ouvre pour des enseignants vent debout contre cette réforme qui pour eux liquide l’institution que représente le BAC. Ainsi, des opérations de boycott sous diverses formes ont déjà eu lieu à Clermont-Ferrand, Montauban, Nîmes, où des épreuves ont été annulées. Des actions contre E3C qui vont se développer, de très nombreuses assemblées générales de grévistes s’étant données cet objectif cette semaine.
Ce n’est pas la fin de la grève
Dans les entreprises électriques et gazières, la grève se poursuit, même si elle ne fait pas la une de l’actualité. Peut-être une des raisons pour laquelle les actions de « reprise du contrôle de l’outil de travail » devraient se multiplier à l’approche du 24 janvier. Celles-ci prendront la forme de coupures ciblées ou de basculement en heure creuse pour les usagers. Mais outre la SNCF et l’énergie où la grève se poursuit, les ports sont appelés pour la troisième fois à cesser le travail les 22, 23 et 24 janvier. Avec des conséquences importantes sur la filière logistique, mais aussi sur les approvisionnements aux Antilles, à l’île de La Réunion, et même dans une moindre mesure en Corse.
Autre signe que les appels du gouvernement à arrêter la grève n’ont pas d’effet : le Conseil national des barreaux a décidé vendredi d’une nouvelle semaine de grève à partir de lundi. Par ailleurs, plusieurs organisations syndicales ont déposé des préavis illimités dans la plupart des stations de ski. Là, en plus de la réforme des retraites, les nouvelles règles de l’assurance chômage, très défavorables aux saisonniers, sont en cause. Enfin, il réside une petite inconnue : le petit frémissement de mobilisation lycéenne qui se fait jour autour du boycott des épreuves du BAC prendra-t-il de l’ampleur ? Réponse d’ici la fin du mois.
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