Aux ami.es, camarades et compagnons concerné.es.
Je ne suis pas un inconditionnel de Laurent Joffrin, pas plus que de Laurent Berger, mais le texte de Joffrin pose de vraies questions. Je ne suis pas non plus un « anticédétiste primaire » (malgré mon passé d’oppositionnel dans cette confédération à l’époque de la « chasse aux moutons noirs » initiée par Edmond Maire) lorsqu’une proposition issue de ses rangs me paraît aller dans le bon sens, tel que le « bonus-malus » pour sanctionner les patrons qui utilisent des CDD de plus en plus courts.
En effet, à moins de se croire au matin du Grand Soir – qui, plus est aujourd’hui, devrait être mondial -, il est évident qu’il nous faut bien accepter la notion du compromis (qui n’a rien à voir avec la compromission) ; certes le meilleur compromis possible quelque soit le sujet concerné, sur la base du meilleur rapport de force possible afin de l’arracher aux adversaires.
A ne pas accepter ce fait, nous pouvons très bien nous enfermer dans des postures radicales qui n’impressionnent aucunement nos ennemis. Cela revient à revenir sur la fausse dichotomie entre réforme et révolution. En fait la « double besogne » chère à nos anciens du syndicalisme révolutionnaire comprend et luttes réformistes la plupart du temps et combats révolutionnaires pas si courants dans une vie d’homme, tout en gardant le cap vers l’émancipation individuelle et collective. Et il n’est pas question de déserter la lutte car bâtir un bon rapport de force suppose un travail de terrain au jour le jour y compris en terme organisationnel (quel que soit la forme d’organisation). Un exemple récent : malgré leur détermination et leur courage les syndicats de lutte de la SNCF n’ont pas pu arrêter la disparition annoncée de leur statut. Le pouvoir et le patronat ont utilisé comme toujours la même ficelle : organiser la division en interne entre les anciens salariés conservant les avantages de leur statut jusqu’à leur retraite (et garder aussi des avantages acquis durant celle-ci), et les jeunes salariés nouvellement embauchés hors statut. Il s’ensuit toujours une désaffection des jeunes (contents malgré tout d’avoir été embauchés en ces temps de chômage) devant leurs syndicats. J’ai constaté ces faits avec la fin du statut des dockers, la fin du statut des ouvriers du livre, la fin du statut des postiers, et aujourd’hui c’est table rase. Pourquoi ne pas avoir tenter d’imposer des statuts rénovés, débarrassés de certaines vieilleries, mais applicables à tous, quitte à ce que les anciens acceptent certains petits sacrifices pour permettre aux jeunes de profiter quand même de statuts revus le moins possible à la baisse compte tenu du rapport de force meilleur puisqu’unitaire ?
Excusez-moi pour le dérangement, mais je pense que d’accepter de réfléchir aux impasses du « tout ou rien » ne fera pas de nous des sociaux-traîtres si nous gardons en tête la construction de bons rapports de force, du point de vue des exploité.es et des opprimé.es, sans pour autant perdre le cap sur notre boussole. Le texte de Laurent Joffrin n’a été ici que le prétexte pour évoquer la question – et je n’en partage pas tous les éléments – et en aucun cas une mise en avant dans une admiration quelconque.
Salut et fraternité/sororité.
Daniel Guerrier, ni vieux ni traître
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