
Recueil d’un vingtaine d’articles écrits pour le journal anarchiste britannique Freedom
 entre 1886 et 1902, inédits en français, dans lesquels Pierre 
Kropotkine présente les bases de l’organisation anarchiste de la société
 appliquées à un pays entier en situation révolutionnaire, en 
l’occurrence l’Angleterre de la fin du XIXe siècle.
La crise économique ne peut qu’empirer 
et ne peut être temporaire puisqu’elle trouve sa cause dans notre 
système de production qu’il est donc nécessaire de transformer. Les 
ouvriers en Europe ont compris combien est infime la part des richesses 
qu’ils ont produites. La réduction du temps de travail ou l’augmentation
 des salaires cessent d’être leurs uniques exigences. « Chaque jour 
s’accroît leur désir d’égalité. » « L’esprit de révolte se répand dans 
les masses. »
Rappelant qu’en dépit de son échec apparent, la 
« Grande Révolution » de 1789-1793 a contraint l’Europe à mettre en 
oeuvre son programme : abolir le servage et mettre en place le 
gouvernement représentatif. Rappelant que « les lois, y compris celles 
qui ont été adoptées par des corps révolutionnaires, ont surtout 
sanctionné le fait accompli », il préconise une réorganisation 
économique basée sur « la limitation du pouvoir de l’État sur 
l’individu », un « développement naturel résultant de l’effort combiné 
de tous ceux qui y ont un intérêt, libres des contraintes des 
institutions actuelles », sous la forme de fédérations, des plus simples
 au plus complexes.
Il met en garde contre les concessions illusoires
 que proposeront les classes dirigeantes pour conserver le pouvoir et 
les instruments de production, pour diviser les travailleurs ; contre la
 confiance dans les nouveaux gouvernements et contre les préjugés en 
faveur de l’autorité, de la loi, du gouvernement représentatif, du règne
 de la majorité, des droits du capital. « L’émancipation des 
travailleurs doit être l’oeuvre des travailleurs eux-mêmes. » 
L’abolition des monopoles ne se fera pas par décrets des parlements 
nationaux mais sera le fait des individus de chaque localité et de 
l’entente conclue entre différentes localités : proclamation de communes
 indépendantes en France, indépendance des municipalité et des provinces
 en Espagne. Action locale et association libre. En Angleterre, l’idée 
est mûre de la nécessaire modification de la propriété de la terre.
Si
 la révolution sociale devait tendre vers une amélioration de l’actuel 
système de rémunération, elle serait par avance condamnée à échouer et à
 être « écrasée dans le sang des classes laborieuse ». « Le communisme 
implique l’expropriation et le refus intégral du principe de la 
propriété privée, alors que la social-démocratie implique uniquement le 
transfert de la propriété de la terre et de certaines portions du 
capital à l’État, et en maintenant le salariat elle conserve le principe
 de la propriété privée et une distribution en fonction du mérite. » Le 
soucis immédiat des révolutionnaire doit être de satisfaire 
immédiatement les besoins en nourriture et en abris décent pour ceux qui
 étaient rejetés par l’ancienne société. « Le seul moyen équitable de 
partager le produit du travail commun est de le faire en fonction des 
besoins de chacun. » Pierre Kropotkine considère que la propriété est 
« une accumulation de richesse causée par la spoliation des masses par 
une minorité », que les logements, bâtis par l’humanité, appartiennent à
 l’humanité. Sitôt les terres proclamées propriété de la nation 
britannique toute entière, des organisations émergeront « pour en faire 
des sources de grandes récoltes largement suffisantes pour fournir une 
grande quantité de nourriture ».
Survolant l’histoire de l’humanité, 
il démontre comment une minorité (baron-voleur, roi ou parlement) au 
prétexte de protéger la majorité laborieuse, jouit gratuitement de son 
travail sans jamais tenir ses promesses, apportant la guerre intérieure 
et extérieure au lieu de la paix, l’oppression au lieu de la liberté, la
 misère et le désordre au lieu de la richesse et l’harmonie. C’est 
pourquoi la nation du futur sera la fédération d’organismes libres au 
plan économique et politique, organisée selon le principe « pas de 
chefs ». 
À l’objection que des siècles d’éducation 
individualiste ont rendu les hommes trop imprévoyants, égoïstes, rapaces
 et serviles pour le communisme libre, pour le communisme anarchiste, il
 répond qu’il suffit d’éliminer les conditions de ces perversions, de 
supprimer l’autorité et l’exploitation. Il rappelle que l’émancipation 
des Noirs ou des vingt millions de serfs en Russie, ne s’ensuivit pas 
des terribles conséquences annoncées.
Cette révolution ne surviendra 
pas d’une proclamation solennelle mais de la convergence de victoires 
indépendantes : « La liberté de chacun ne se crée que parce qu’on la 
conquiert. »
Fort élégamment et intelligemment enrichi d’illustrations de William Morris et doté d’un appareil critique permettant de parfaitement appréhender la pensée de l’auteur comme le contexte historique, cet ouvrage est le fruit d’un remarquable travail éditorial qui ne rend sa lecture que plus pertinente. Inspirant, nécessaire et évident.
AGISSEZ PAR VOUS MÊMES
Pierre Kropotkine
Avant-propos, notes et traduction de Renaud Garcia
242 pages – 18 euros
Éditions Nada – Paris – Février 2019
Du même auteur :
Voir aussi :
COMMENT NOUS POURRIONS VIVRE de WilliamMorris
https://bibliothequefahrenheit.blogspot.com/2019/03/agissez-par-vous-memes.html#more

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