Publié le 16 mai 2016
Nous tentons de montrer en quoi les services d’ordre en manifestation sont l’incarnation de la fausse « bonne idée » : ils sont en réalité inutiles et clivants. Pire, ils mettent en danger nos ami-e-s. En plein mouvement social, les dirigeants et les préfectures de police le savent bien et se frottent les mains. Mais ce n’est pas une fatalité : il est toujours temps de se tourner vers d’autres idées pour améliorer la cohésion d’une foule en colère et respecter la diversité des pratiques de chacun.
Les Services d’Ordre ont un point commun avec les Black Blocs : ils ne sont pas des groupes de personnes mais une fonctionalité d’un cortège qui peut être activée ou désactivée. On entend parfois que les premiers protègeraient les manifestant-e-s tandis que les seconds les exposeraient à la violence. La réalité nous montre que c’est exactement l’inverse. Les seconds sont, sur le terrain, la concrétisation de la protection, de la solidarité et du respect des pratiques de chacun alors que les premiers sont celle de la dissociation, de la collaboration avec l’État (volontaire ou involontaire selon les cas) et de la dangerosité.
Lors d’un mouvement social et plus particulièrement lors d’une manifestation, personne n’oblige quiconque à être violent, à se confronter à la police ou à organiser le désordre. Ce serait, en effet, un comble que des manifestant-e-s envoient au casse-pipe d’autres à leur place. Mais en ces temps troublés, rien ne saurait cautionner le fait d’organiser pour autant l’ordre quand il se fait au détriment de camarades qui se donnent les moyens de déborder un cortège inoffensif, voire pour certains qui estiment que la situation l’exige, de partir à l’affrontement contre la police. Pour beaucoup, il s’agit simplement de contrarier l’ordre républicain qui ne fait que cacher la vraie violence : celle de la bourgeoisie contre le prolétariat, celle de l’idéologie ultralibérale contre les précaires en tout genre.
Les Services d’Ordre sont :
Inutiles :
Protéger nos ami-e-s, être bienveillant-e-s et solidaires avec les camarades de lutte qui nous entourent, c’est l’affaire de tous. Empêcher une opération de police visant à séparer des cortèges (comme le 1er Mai, journée symbolique par excellence), c’est l’affaire de tous. Que certain-e-s se sentent plus ou moins fort-e-s, plus ou moins courageu-ses-x, plus ou moins efficaces que d’autres, à tel moment pour telle raison, fait partie de la vie. Mais ça reste l’affaire de tous. Et qu’historiquement des organisations syndicales et étudiantes y aient eu recours ne prouve en rien que c’est une bonne idée.
Clivants :
Les négociations entre les Services d’Ordre et la préfecture de police sont à l’image de celles des hautes sphères bureaucratiques syndicales avec le gouvernement. Elles facilitent la tâche du pouvoir en fournissant des interlocuteurs : ça ne se fait jamais à l’avantage des plus précarisé-e-s, qu’ils soient étudiant-e-s, chomeu-ses-rs ou salarié-e-s. Pourtant la politique de la chaise vide permettrait de gagner en offensivité sans même user de violence : pourquoi s’en priver ? Les stratégies de certains se sont révélées, une fois de plus, désastreuses. Que cela soit pour l’organisation du dispositif policier du Jeudi 12 Mai 2016 ou plus généralement sur le mouvement social contre la loi Travaille ! dans son ensemble. Cette analogie est tout à fait justifiée : en revendiquant mollement, certains ont réservé leur place dans le gouvernement de coalition sociale-démocrate 2022 quand d’autres, en cédant face aux chantages de la préfecture, ont carrément pris les armes contre les manifestant-e-s. Leurs intérêts ne sont pas les notres. Il s’agit au mieux d’irresponsabilité, au pire de collaboration.
Dangereux :
Entraver la circulation des manifestant-e-s est une pratique dégueulasse et autoritaire. Personne ne devrait s’arroger le droit d’empêcher quiconque d’aller là ou il/elle veut. Ce n’est pas compliqué à comprendre, nous ne sommes ni fascistes ni staliniens et les défilés militaires nous répugnent. Quant à taper un-e manifestant-e qui se fait déjà taper par les flics, gazer un-e manifestant-e qui se fait déjà gazer par les flics et empêcher un-e camarade pourchassé-e par la BAC de réintégrer un cortège sont des pratiques qu’aucune grossièreté au monde ne saurait qualifier. Devant la gravité de la situation actuelle, c’est une trahison, c’est contre-révolutionnaire, c’est à gerber, c’est digne de ce qui s’est fait de plus nauséabond dans l’Histoire. Ne pas se rendre complice d’une interpellation qui peut mener à un tabassage suivi de la case prison doit être une évidence.
Enlever un brassard, lacher un cordon, protéger un camarade en détresse qui fuit, sans jouer non plus à Rambo, ne prend qu’une seconde. S’investir plutôt dans les Medic et les LegalTeam si on en a les compétences, sinon relayer leurs conseils est également appréciable. Se trouver les moyens ou le courage de faire front, c’est beau, mais ce n’est pas toujours possible car parfois on ne le peut/veut/sent pas. Certain-e-s y sont même opposé-e-s par principe et on ne peut pas les oublier. Il existe, dans ce cas, tout un tas de pratiques défensives non-violentes [1] qui ne reproduisent pas de vieux schémas paternalistes comme les Services d’Ordre et qui vont dans le sens, au contraire, de la bienveillance et de la solidarité. Et ça, c’est déjà énorme, ça soude, ça rassure et dans les moments difficiles, ça réchauffe le coeur.
La Loi TravaillePlusPourTeFaireJeter 2016 n’est pas une petite réforme. C’est une nouvelle attaque en règle contre les déjà-précaires comme le furent toutes les précédentes et ce n’est pas le dernier foutage de gueule de nos ennemis. HollandeVallsMacron, SarkozyJuppéFillon préparent déjà la prochaine et se livrent à une forme de campagne médiatique basée sur la surenchère du « Qui ressemblera le plus à Thatcher ? » pour la prochaine mascarade présidentielle. Nous sommes à un point de basculement, les dirigeants tentent le tout pour le tout pour mater la contestation : la police meurtrit les chairs, brûle et crève des yeux. Mais nous voyons clair quand la justice prononce des peines de prison ferme ou quand elle accuse un lycéen pour tentative d’homicide ou bien encore quand les dirigeants invoquent l’état d’urgence pour assigner à résidence des opposant-e-s politiques, c’est à dire nos ami-e-s. Pour faire tourner la situation à notre avantage, il faut mettre toutes les chances de notre côté pour paralyser l’État : grèves avec ou sans syndicats, blocages des flux et réappropriation des moyens de production. Quant aux manifestations qui nous rassemblent, il est plus que temps de placer de vieilles croyances ancestrales à la poubelle dont font partie les Services d’Ordre.
En manifestation comme sur internet, Anonymisons-nous ! Protégeons-nous ! Soyons solidaires ! Que la peur change de camp !
Quelques manifestant-e-s habitué-e-s aux cortèges sans service d’ordre
Notes
1] Quelques exemples de ces pratiques offensives non-violentes sont dans cet [article et les liens qu’il contient.
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