L’année que nous venons de quitter est, à bien des égards, catastrophique, aussi bien sur le plan économique, politique que moral. Elle est une de ces années, comme on en trouve dans l’Histoire, qui clôt un cycle, et en ouvre un nouveau. On ne comprend la césure qu’elle représente que généralement beaucoup plus tard,… souvent quand il est trop tard.
L’expérience le montre, on tire généralement des leçons sur l’Histoire,… beaucoup plus rarement, sinon jamais, des leçons de l’Histoire.
Les élections passent, les problèmes demeurent.
L’espace d’un soir d’élections, tous les politiciens ont entendu le message des citoyens,… « Plus rien ne sera comme avant ! »… Comme chaque fois !
A quoi sert de commenter des résultats. Des résultats qui n’offrent positivement aucun espoir. Des résultats qui expriment des rancoeurs, des angoisses, des colères,… et aucun espoir. Des résultats qui sont le produit de refus, d’élimination, de choix contraints,… Bref, les symptômes d’une démocratie en déroute qui part en lambeaux !
Le Front National n’est à la tête d’aucune région !… Bien piètre consolation. Il a triplé le nombre de ses suffrages en moins de 10 ans. On ne se cache plus pour voter FN,… on le revendique dans les médias ! Et si on juge en fonction des critères de cette « démocratie représentative » il devient effectivement, peu à peu, un acteur essentiel de la vie politique. Il a beau jeu de claironner ses succès et de renvoyer dos à dos les partis politiques traditionnels en pleine faillite.
Le problème c’est qu’après une élection, on ne tire aucune leçon sérieuse de ce qui s’est passé et surtout de tout ce qui explique de tels résultats.
Mais qui est ce « on » ?
Les partis politiques totalement centrés sur leurs intérêts, leurs privilèges à défendre, leurs luttes intestines en vue des prochaines échéances électorales, occupés à imaginer des combinaisons politiciennes pour se maintenir au pouvoir.…
La masse des citoyens, vidée de sa substance politique, de ses capacités d’analyses, de critiques et d’initiatives, par un système politique à dessein castrateur et décérébrant. « Votez pour nous, on s’occupe de tout » !… on voit le résultat ! Une masse citoyenne ballottée par des discours, des promesses (jamais tenues), masse qui n’intéresse les politiciens qu’au moment des élections.
L’effondrement moral
Car les urnes ne sont évidemment pas la solution pour barrer la route aux idées du Front National et éviter le néofascisme. Pourquoi ?
Parce que le système électoral ne sert qu’à reproduire ce que conçoivent les partis politiques : l’accession de leurs dirigeants aux plus hautes fonctions de l’Etat.
Une démocratie réduite à la portion congrue des consultations électorales ne peut que partir à la dérive. Tant que le système pouvait se payer la « paix sociale » en répondant, du moins en partie, aux promesses faites lors des élections, le citoyen pouvait faire au moins une certaine confiance à l’intérêt qu’il pouvait tirer de son vote… Aujourd’hui, les temps ont changé,… le temps des « vaches grasses » est passé, le Capital s’exporte, de même que les emplois se raréfient, les acquis sociaux fondent comme neige au soleil,… Les promesses sont toujours là mais jamais tenues… d’où une frustration croissante.
Le ciment, le rapport salarial, qui maintenait cohérent la société civile se désagrège. L’instabilité sociale règne, la confiance dans la classe politique s’effrite,…Même si une minorité de citoyens/nes crée les conditions économiques et sociales d’un avenir alternatif au travers de structures nouvelles,… l’immense majorité subit la situation ; se laisse aller à tous les fantasmes, aidée en cela par un populisme et, disons le, un néofascisme qui n’hésite plus à s’afficher.
La dérive morale a atteint un tel degré que le jeu des partis politiques – qui n’ont plus aucun programme -, aboutit à ce que certains citoyens – ceux qui votent encore – sont invités à donner leur voix en contradiction avec leurs convictions profondes. Le prétexte étant : il faut faire barrage au Front National. Il est évident qu’à terme, ce « petit jeu » aboutira à la victoire de ce dernier.
On ne vote plus pour un programme, pour des idées, mais pour répondre à des consignes bureaucratiques. On ne vote plus pour, mais contre. Voter perd tout son sens citoyen !
Le chaos politique actuel provoque un véritable effondrement moral. Dans le désarroi, la colère et l’inculture politique régnants, à l’image de ce qui s’est passé au 20e siècle, un néofascisme rampant est en train de faire son nid. On sait par expérience la nature des êtres qui surgiront des œufs qu’il y pond et qu’il couve profitant de la crise économique et politique.
La prochaine échéance électorale, en France – la Présidentielle en 2017 – n’offre aucune garantie de clarification de la situation. Les manoeuvres, magouilles, tactiques, ententes, sont déjà à l’œuvre et ne sont absolument pas motivées par la volonté d’apporter des solutions aux graves problèmes de la société.
Si nous ne nous en tenons qu’à des perspectives électorales, le réveil va être douloureux !
8 janvier 2016
Patrick MIGNARD
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