Publié le 5 janvier 2016 |
« Ce n’est pas l’immigration qui amène l’insécurité, mais l’insécurité qui génère l’émigration. Après les massacres de Paris, ne renonçons pas à accueillir. » Voici une série de chiffres compilés par les participants du Cercle du silence de Tours, qui militent pour un meilleur accueil des migrants.
Malgré les noyades en mer, la poussée irrépressible des « réfugiés » syriens vers l’Europe va continuer, et les transferts de Calais vont amener des demandes nouvelles en Indre-et-Loire. A l’exemple de ce que le département a su mobiliser pour les 173 Chrétiens d’Orient, il est possible de faire les mêmes efforts pour accueillir les autres demandeurs d’asile qui nous sollicitent.
A la lecture des chiffres de l’immigration en France et à Tours, détaillés ci-après, nous pouvons trouver les moyens de mettre en échec la plupart des idées reçues qui sous-tendent les principaux axes de la politique retenue par notre pays en ce domaine, et aussi lutter efficacement contre les tentations extrémistes qui se sont exprimées par les votes de ces derniers jours.
La France n’est pas envahie…
Constat
Autant de Français partent (195 000) que d’étrangers arrivent (200 000).
En 2014, les demandeurs d’asile ne sont que 50 000 (hors enfants et réouvertures de dossier), alors qu’ils étaient 80 000 dans les années 90 [1].
En 2014 Ils arrivent surtout de République Démocratique du Congo, de Chine, de Russie et de Syrie.
40% s’installent dans 4 régions (Ile-de-France, PACA, Rhône-Alpes, Languedoc-Roussillon).
En France, 15 % des étudiants sont étrangers, et parmi eux la moitié sont doctorants.
Sept routes sont utilisées (l’Espagne, le Maroc, la Tunisie, la Lybie, la Grèce, la Turquie, la Pologne) et sont très dangereuses (Méditerranée, Sinaï).
Dès 2013, la route des Balkans commence (Irak puis Syrie, Afghanistan et Érythrée) : les migrants fuient Daech et Bachar el Assad et ses 240 000 morts ; mais 80 % sont réfugiés dans les pays limitrophes : Pakistan, Liban ou Iran [2].
Depuis 1939 il y a eu déjà des vagues de migrants semblables (Espagnols, rapatriés d’Algérie, Chiliens, boat people d’Indochine).
…Tours non plus !
Mais la ville fait un effort particulier pour les Chrétiens d’Orient.
L’Indre-et-Loire, dont la population représente 1 % du pays entier, accueille 1 % des demandeurs d’asile (500 par an), et compte 1 % des sans-abri de France [3].
L’association Chrétiens-Migrants reçoit 80 % des primo-arrivants (soit 390 personnes de 30 nationalités).
Avec RESF, TSP, la CIMADE, le Secours Catholique, et la Croix rouge, Chrétiens Migrants obtient des régularisations, paie des taxes et bloque des expulsions.
Avec l’ordre de Malte, la ville de Tours fait un effort spécial pour les réfugiés chrétiens, mais l’Aide Sociale à l’Enfance rejette 10 à 12 mineurs isolés par an, sous prétexte que leurs papiers sont faux.
Chiffres pour la France
Titres de séjour : 3 005 113 en 2008, 2 865 748 en 2010, soit 8,4 % de la population française (AFP janv 2012).
Arrivées par an : 200 000 en moyenne (90 000 familles, 50 000 étudiants, 60 000 demandeurs d’asile). 187 000 en 2005 ; 189 455 en 2010 ; 182 595 en 2012, soit une baisse de 15 % par rapport à 2003 (216 000 arrivées).
Mineurs isolés étrangers (MIE) : 4 500.
Répartition pour 2005 (187 000 arrivées) : 50 % de familles (92 000), 25 % d’étudiants, 25 % d’autres statuts (réfugiés : 16 000 ; travail :11 000 ; retraite-maladie : 22 000).
Asile en 2014 : 64 811 personnes (10 % d’enfants, 14 % de réouvertures de dossiers, 76 % de primo-arrivants adultes).
Implantation : 40 % dans 4 régions (Ile-de-France, PACA, Rhône-Alpes, Languedoc-Roussillon) ; 1 % en Indre-et-Loire.
Étudiants étrangers : 60 000 en 2013, soit 15 % de la population étudiante. 11 % en licence, 19 % en master, 42 % en doctorat.
Régularisations : 131 000 en 1981, 80 000 en 1997, 36 000 en 2012, 46 000 en 2013.
Réfugiés : 15 000 personnes par an attendues sur deux ans (Syriens, Irakiens, Afghans) et 2 500 Chrétiens d’Irak.
Naturalisations : 116 500 en 2010, mais 77 000 en 2014.
Expatriés français : 3,5 millions (+ 35 % en 10 ans, 197 000 pour l’année 2013 ) (source : INSEE-La Croix du 13/10/2015).
Solde migratoire : 70 000 en 2011, 90 000 en 2014 (Source : Charlie Hebdo du 02/09/2015).
Grands exodes : 700 000 Espagnols en 1939 ; 1 million de rapatriés d’Algérie en 1962 ; 40 000 Chiliens en 1973 ; 130 000 boat people indochinois en 1975. A partir de 2015, 160 000 réfugiés seront accueillis sur deux ans en Europe, mais l’Allemagne à elle seule en accueillera 800 000 (Source : Médiapart 22/09/15).
Chiffres pour Tours
Asile (hors enfants et réouvertures de dossiers) : 390 personnes en 2011 ; 354 en 2013 ; 248 en 2014 (+ 10 mineurs isolés étrangers).
Réfugiés : 173 Irakiens, 3 Syriens.
Régularisations Valls (partenariat RESF/TSP) : 40 familles d’enfants scolarisés : 30 à 40 travailleurs sans-papiers.
Paiements de taxes : 120 par an (dons privés transitant par la Croix Rouge et le Secours Catholique).
Blocages d’expulsions : 16 arrestations désavouées entre novembre 2011 et mai 2012.
Nota : Ces chiffres sont ceux de Chrétiens Migrants : la préfecture ne publie plus ses chiffres depuis 2003. L’accueil à Tours, en 2014/2015, avec l’intervention de l’Ordre de Malte,de 173 Chrétiens d’Orient est exemplaire (titres de réfugiés, logements, FSL, RSA, scolarisation des enfants en écoles catholiques). Celui de 22 personnes mutées du Centre d’Accueil des Demandeurs d’Asile (CADA) de Metz à Tours, et le transfert à Fondettes de 21 jeunes de Calais, constituent également une implication spéciale.
La France n’est plus vraiment une terre d’asile
Constat
Accueil : la France accueille peu, elle est 10ème au regard de sa population (4ème en Europe).
CADA : les places sont insuffisantes, les procédures et les séjours trop longs (deux ans en moyenne), les refus surchargent l’accueil d’urgence de droit commun. La limitation des places et l’interdiction de travailler sont des outils de la politique de rejet.
Fermeture : avec l’Europe la France choisit les barrages aux frontières extérieures, les corps de gardes-frontières, le « hot spot » (tri des migrants), les quotas de « relocalisation » sur deux ans pour 160 000 réfugiés qui obtiendront le statut et l’accélération des « déportations » des demandeurs d’asile non admis.
Rejet des étrangers : la France choisit des procédures violentes, très coûteuses humainement et financièrement bien qu’elles soient inefficaces donc inutiles. Elle n’utilise que pour eux l’enfermement administratif d’hommes, de femmes même avec leurs enfants dans des camps de rétention qui sont de véritables prisons (Source : Moniteur des Travaux Publics, 16/01/2009). Les expulsions par avion se font de force et avec l’administration de drogues.
Chiffres pour la France
La France se situe au 4ème rang des pays européens au niveau du nombre de réfugiés accueillis (63 752), derrière l’Allemagne (202 834), la Suède (81 201) et l’Italie (64 886). Mais si l’on évalue sa capacité d’accueil par rapport à sa population, elle se trouve au 10ème rang sur 11 pays (Source : classement de l’office Suisse des Migrations, janvier 2014).
La France accepte la « relocalisation » sur deux ans de 30 000 réfugiés statutaires sur les 160 000 répartis en Europe.
Selon les sources, il existe 22 000 ou 25 000 places en CADA, pour 50 000 demandes d’asile par an. 30 à 40 % des sans-abri sont des demandeurs d’asile primo-arrivants en attente de CADA, ou des « déboutés » non expulsables du territoire mais rejetés des CADA.
74 % des demandes d’asile sont rejetées. En 2011, 29 167 personnes, dont 312 enfants, ont été placées dans l’un des 25 centres de rétention administrative, qui comptent 3 000 places et sont surveillés par 3 000 gendarmes.
Expulsions (retours contraints) : 17 422 en 2009, 16 297 en 2010, 19 310 en 2011, 21 841 en 2012, 20 300 en 2013. Coût d’une expulsion : 20 970 euros (rapport au Sénat, 2009) ou 27 000 euros selon la CIMADE.
Nota : Nationalement, les chiffres publiés sont manipulés par les pouvoirs et les partis politiques. Les« Analyses Mensuelles » de Jean HAFFNER, ancien responsable des Migrants au Secours Catholique, tirés de l’OFPRA, et l’INSEE sont nos références. Ces analyses montrent une baisse très importante des arrivées par rapport à 2003 (-30%) et aussi une réduction significative en 2014 sur 2013 (64 000 au lieu de 66 000, enfants et réouvertures inclus). Ils contredisent l’annonce d’ une augmentation inégalée depuis 2007.
La France peut loger et nourrir tous les demandeurs d’asile et sans-abri à moindre coût !
Constat : en France, 140 000 sans-abri sont recensés, dont un tiers d’étrangers, mais le 115 refuse 50 % de leurs demandes d’hébergement d’urgence. La nécessité d’accueillir près de 30 000 réfugiés supplémentaires en deux ans a révélé des gisements insoupçonnés de logements en attente de réhabilitation. Partout en France, la liste des logements HLM disponibles s’allonge (source : J-B François La Croix 16/09/15), en plus des milliers de places dans des casernes, gendarmeries, centres AFPA, maisons de retraites, logements d’instituteurs ou de curés… vides depuis des mois, voire des années, et qui sont enfin identifiés. Le plan gouvernemental lancé en août prévoit de recourir au système « Solibail » (dispositif garanti par l’État). Nous le disons depuis plus de 10 ans, les moyens de ne laisser personne à la rue existent partout.
Chiffres pour la France
Relocalisation des 30 000 Syriens sur deux ans (15 000 par an). 500 000 réfugiés pourraient être logés en HLM mais ils n’arrivent pas, et des milliers de demandeurs d’asile ne sont pas hébergés : 129 000 logements HLM sont libres et pourraient accueillir quatre personnes, ce qui permettrait de loger 500 000 réfugiés (source : JT de France 2 des 25/09/15 et 21/10/15). Par ailleurs, 1 000 logements familiaux sont offerts par « Action Logement » (organisme des employeurs pour le logement social ) ; 13 000 places sont disponibles pour les familles démunies (9 000 places pour le système « Solibail » garanti par l’État, et 4 000 places en pensions de familles et maisons-relais. Plus de 7 000 logements sont offerts par des particuliers.
Coût : la prise en charge d’une personne (hébergement + nourriture ) est de 13 000 euros par an (source : Cour des Comptes, La Croix 21/10/15), 12 000 euros à Toulouse (source : La Vie 5/03/15) et de 10 000 euros à Tours (source : DDCS le 01/07/15). Le coût de la nuitée en hôtel est de 17 euros par personne et par nuit (abaissé à 6 euros avec le système Solibail).
Chiffres pour Tours
En Touraine, le souci important pour les Demandeurs d’Asile concerne le logement. La Touraine, qui correspond à 1 % de la population française, reçoit le même pourcentage de migrants mais en laisse à la rue plus que la moyenne nationale. L’État et le Département ne respectent pas les lois sur l’hébergement des sans-abri, ce qui est particulièrement indigne quand ils laissent à la rue des femmes, des enfants en bas âge, des handicapés et des mineurs isolés étrangers.
Les places d’hébergement sont notoirement insuffisantes dans le département ; leur nombre détaillé n’est pas publié ( CADA , HUDA, CHU, CHRS, Pension de Familles, et Plan Hiver). Les infos officielles ne sont ni compréhensibles ni vérifiables.
Depuis plusieurs années, pour pallier ces déficiences, Chrétiens-Migrants et ses partenaires (assos, paroisses, particuliers) prennent en charge, sans subvention, les familles abandonnées par les services sociaux. Cet été, ces organisations indépendantes ont dû installer un campement au Sanitas pendant deux mois et demi, pour 30 à 40 personnes. L’ action des associations qui supplée ces carences est volontairement ignorée par les pouvoirs publics qui, dans le même temps, ont accepté de recevoir de nombreux Chrétiens d’Orient. Le changement d’attitude des élus du département à l’égard des Réfugiés Chrétiens, appuyé par l’injonction du Pape d’accueillir tous les demandeurs d’asile sans distinguer le motif de leur exil, ont conduit les églises chrétiennes de Tours à décider de s’engager cette année à loger des Familles étrangères.
Sur les 140 000 sans-abri qui sont recensés en France dont un tiers d’étrangers (source : INSEE mars 2014 et rapport Emmaüs du 03/02/15) , la Touraine en dénombre 1 %, soit-1 400 sans-abri. A Tours, le 115 refuse 63,12 % des demandes d’hébergement, alors qu’au niveau national ce taux de refus est de 50 % (source : EAO et enquête FNARS, NR du 29/07/15).
Le 115 refuse tous les jours d’héberger 60 à 110 personnes, et au moins autant n’appellent plus même en hiver. En 2014, entre octobre et décembre, 20 à 35 étrangers (dont 5 à 10 familles comprenant la moitié d’enfants) ont été rejetées. Le « Plan Hiver » n’a été actif que 5 semaines seulement, du 24 décembre 2014 au 15 février 2015. En 2015, rien n’est résolu, et il reste toujours chaque soir deux à trois familles dehors.
Six jeunes de 15 ans et deux handicapés de 23 et 20 ans ont été abandonnés plusieurs mois en 2015.
Le nombre global actuel des places d’hébergement en Indre-et-Loire, toutes catégories confondues, au 1er juillet 2015, selon la DDCS, serait de 1 200 places pour une dépense de 12 millions d’euros. Le nombre de places à ouvrir en Touraine devrait être de 1 400. Il manque donc 200 places.
Il existe 2 000 logements vides à Tours, dont 640 reconnus par la Préfecture.
70 logements sont offerts aux Syriens par les villes de Tours, La Riche, Chambray, Saint-Avertin, Preuilly, mais aussi par des églises et des particuliers.
Les associations non subventionnées, les paroisses et les particuliers logent vingt-cinq familles (60 à 80 personnes).
Le campement de 30 à 40 personnes au Sanitas, installé pendant deux mois et demi, a fait économiser entre 60 et 80 000 euros aux services sociaux.
Chrétiens-Migrants loue six studettes et un appartement, et paie sur l’année 200 nuits d’hôtel (pour trois à quatre personnes). Annuellement, l’association prend en charge vingt personnes et quatre MIE.
10 à 15 repas sont fournis tous les jours aux personnes qui attendent au local de Chrétiens-Migrants pour leurs dossiers et leur hébergement par le 115 et ne peuvent pas trouver ailleurs à se nourrir. Pour pallier cette déficience, la création de l’association « La Table de Jeanne-Marie » a été décidée.
Les coûts de prise en charge (10 à 13 000 euros par place), qui sont de 3 à 4 fois ceux d’Emmaüs (13 à 15 000 euros par famille) et 5 à 6 fois ceux de la survie à Chrétiens-Migrants ou de Solibail (2 000 euros par personne) doivent être adaptés en fonction des besoins réels.
La France aura besoin de migrants !
Constat : le déficit de naissances, très important en Europe, s’amorce en France. Dans moins de 20 ans, la pénurie de travailleurs va déséquilibrer l’Europe et la France. Des études montrent que l’immigration n’a pas d’impact sur le chômage et les salaires. Dans le monde, 280 millions de personnes parlent le français en 2015 (soit 4 % de la population), elles seront 700 millions en 2050 (soit 8%). Des conséquences commerciales et diplomatiques sont à prévoir
L’immigration rapporte, elle ne coûte pas !
Constat : la balance de ce que les migrants coûtent et ce qu’ils cotisent est positive. L’envoi d ’argent par les migrants a leur famille réduit l’aide publique au développement de moitié.
Chiffres pour la France
Apport financier : 12 milliards d’euros par an (Xavier Chojnicki Univ Lille 2009).
Envoi aux pays d’origine par les particuliers : 325 milliards dans le monde, 8 milliards pour la France.
Aide publique de la France : 9 milliards dont 5 d’annulation de la dette. Engagement de 0,7% du PIB, soit 14 milliards (Source : Notre Maison brule au Sud, Fayard 2010).
Illustration : réfugiés sur une plage grecque, CAFOD Photo Library
Notes
[1] Source : Jean Haffner.
[2] Source : Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés pour 2013.
[3] Source : Entr’aide Ouvrière, Nouvelle république du 29/07/2015.
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