par l’écrivain Henri Lhéritier
Elles nous ont donné tellement de satisfactions ces frontières, que certains prient, supplient, exigent : Redonnez-nous des frontières ! Celles-ci, dans un souffle, disent : Nous ne séparions pas, nous divisions. On s’en moque, c’est ce qu’il nous faut, répondent-ils.
Ah ! Cette sensation délicieuse du claquement de menton, du frémissement de sourcil pour chaque mètre carré de sol national menacé, cette vanité satisfaite par la diplomatie de la canonnière, cette vénération du héros mort à la guerre. Ce ne sont plus des chars qui forcent nos entrées dans des déflagrations d’obus qui tuent, mais un danger infiniment plus grand, des milliers d’hommes, dépenaillés, accompagnés de leur épouse, un enfant dans les bras, armés des plus mauvaises intentions à notre égard. Nous devons nous ressaisir, rejeter ces va-nu-pieds nous menaçant de leur misère sur le sol sacré de la patrie.
Nos oiseaux de malheur, se qualifiant de penseurs, nous alertent, jour après jour, du matin au soir, dans les médias, des dangers que nous courrons : Arrière les droits de l’homme, arrière Diderot, Voltaire, Rousseau et Montesquieu, arrière les Lumières, arrière l’émancipation des hommes ! C’est la fin d’une civilisation, finissent-ils, lugubres, à la péroraison de leur diatribe.
Elle est morte notre civilisation, depuis longtemps déjà, vous ne le saviez pas ? Ce n’est pas les autres qui l’ont tuée, c’est nous ! Elle est morte à la porte des camps de la mort, de celle-là nous ne voulons plus. Celle que nous fonderons, contre vents et marées, se débarrassera de la xénophobie, du racisme, des antagonismes stupides, des iniquités qui nous ont conduit à cette fin immonde. Nous ne laisserons jamais s’éteindre cette flamme vacillante : l’humain et sa réelle présence.
Continuantleur marche en arrière, les ténébreux idéologues sautent à pieds joints au-dessus du XVIIIè siècle, allant de restauration en restauration. Après la reconstitution des frontières, vivement le despotisme, disent-ils, ordre, discipline, travail, famille, patrie, que renaisse une école formant des élèves ouverts sur le passé, les nourrissant de valeurs : héroïsme, grandeur, transcendance, une école qui leur fasse miroiter un avenir monochrome, blanc et catholique.
Après le despotisme, la barbarie ! Qu’importe ? Tout plutôt qu’un futur métissé. En arrière toutes !
Même si vous remportez, de ci de là, quelques petites victoires, cette civilisation nouvelle, entreprise malgré vous, nous l’accomplirons quand même, soyez en sûrs, sans vos frontières et vos valeurs.
Le tout meilleur d’henri Lhéritier:
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