ARRET IMMEDIAT DES VIOLENCES POLICIERES EN TURQUIE – SOLIDARITE
AVEC LE MOUVEMENT DE GEZI PARK ET TOUS LES MANIFESTANTS
APPEL A UNE MANIFESTATION DE SOUTIEN LE MARDI 4 JUIN
PLACE DU CHATELET A 18 h 30
La mobilisation déclenchée par la tentative d’expulsion des occupants de Gezi Park, le vendredi 31
mai, ne cesse de s’étendre, gagnant de nombreuses villes de Turquie. Le gouvernement du premier
ministre AKP Recep Tayyip Erdoğan répond par une violence policière de plus en plus brutale,
massive et indiscriminée qui a déjà fait plusieurs centaines de blessés. L’enjeu de la lutte qui s’est
engagée n’est autre que l’écrasement ou la victoire d’un mouvement d’initiative populaire aspirant à
préserver/recréer un monde habitable, contre un pouvoir autoritaire, arrogant, et rétif à tout ce qui
pourrait ressembler à de la liberté ou à de la gratuité. Il est impératif de faire tout ce qui est à notre
portée pour exprimer notre solidarité avec les opposants et manifestants de Turquie. La répression
doit cesser.
UN PEU PLUS D’INFORMATION
L’élément déclencheur de la révolte
Gezi Park est un espace vert adjacent à la place centrale historique de Taksim, sur la rive
européenne d’Istanbul, lieu spatialement stratégique et lieu de contestation hautement symbolique.
Le gouvernement AKP, au pouvoir depuis 2002, avait prévu de détruire ce parc, dernier espace vert
du centre-ville, pour y construire un énième centre commercial. Cette initiative s’inscrit dans un
projet de réaménagement urbain plus global visant à accélérer la transformation d’Istanbul (projet
de troisième aéroport qui serait le plus grand du monde, de troisième pont sur le Bosphore, de
métro souterrain reliant la rive européenne et la rive asiatique en passant sous la mer de Marmara,
creusement d’un canal parallèle au Bosphore…). Avec son lot de projets immobiliers de luxe, le
gigantisme urbain de cette restructuration, déjà bien entamée, fait de tout espace convivial nonmarchand
et de toute présence populaire une anomalie. En plus de ces entreprises de
réaménagement opérées sans concertation et au mépris de toute opposition, l’AKP « islamoconservateur
» a multiplié ces derniers temps les réformes à caractère « moral et religieux » :
tentative de réduction du délai légal de l’avortement, réforme de l’éducation en faveur des
établissements religieux, condamnation d’artistes et écrivains pour motif d’ « insulte à l’Islam »… et
toutes une série de mesures visant à « normaliser » la fréquentation des espaces publics, signes du
projet politique d’instauration ou de renforcement d’un ordre conservateur (interdiction des
terrasses de cafés et restaurants dans le quartier de Beyoğlu, limitation de la vente d’alcool,
interdiction des manifestations sur l’avenue de l’Istiklâl et la place de Taksim pour 365 jours…). Fin
mai à Ankara des couples ont manifesté en s’embrassant en public, manière originale de protester
contre un climat de plus en plus pesant et moralement restrictif1, qui tend à nier la pluralité des
opinions et des modes de vie des habitants du pays.
Les dérives autoritaires du régime, une tendance lourde
1 Voir l’article d’Elise Massicard sur http://ovipot.hypotheses.org/8880
Les affrontements qui ont lieu depuis plusieurs jours, l’expansion rapide du mouvement (baptisé « Occupy Gezi ») et le soutien massif qu’il reçoit expriment un ras-le-bol qui s’inscrit dans la lignée des mouvements sociaux de ces dernières années, systématiquement marginalisés, ignorés et réprimés. Le gouvernement AKP avait lors de sa législature (2002) semblé s’engager dans une voie politiquement libérale. Avec son « ouverture démocratique » et son « ouverture kurde », il était même apparu à certains intellectuels de gauche comme préférable au parti historique du fondateur de la république, sclérosé par le militarisme et le nationalisme à outrance, tendances politiques auxquelles les partis de la gauche institutionnelle s’étaient ralliés ou soumis. Sous l’AKP, dans les années 2000, un mouvement social de fond émanant de divers pans de la « société civile » a porté sur scène publique certains des tabous du passé, au premier rang desquels les questions kurde et arménienne, et permis que la diversité culturelle et linguistique du pays trouve un début de reconnaissance. Mais à cette période d’avancées a rapidement succédé un retour de bâton répressif, d’autant plus surprenant que les négociations entamées avec le PKK ont conduit au processus de paix susceptible de mettre fin à 30 ans de guerre et de répression dans l’Est du pays. En 2011 pourtant, deux vagues de rafles successives ont conduit en détention des journalistes, écrivains, chercheurs, éditeurs, syndicalistes et même des élus, puis des étudiants et des avocats. Le simple fait d’être en faveur d’une solution pacifique à la résolution du conflit kurde a conduit des milliers d’hommes et de femmes en prison, victimes d’un acharnement judiciaire qui vient s’ajouter à la répression systématique de toute forme d’opposition2.
Plus que la cause de Gezi, c’est l’attitude des forces de sécurité, et plus largement du pouvoir, qui a provoqué l’élargissement de la contestation.
En plus de son ampleur peut-être inouïe en Turquie, le mouvement se caractérise par son ancrage social hors des schémas politiques conventionnels, peu de bannières, et une solidarité n’ayant rien avoir avec les formations politiques traditionnelles. Mais le gouvernement campe sur son intransigeance et emploie les moyens massifs de la répression policière coutumière du régime, ayant déjà fait plusieurs centaines de blessés, et procédé à de nombreuses arrestations. Dans son discours du premier juin, le premier ministre Erdoğan a défendu son projet de réaménagement et attribué les événements à une coalition entre partis d’oppositions et groupes illégaux, persistant à dénier aux protestations toute portée et légitimité. La population tient bon après plusieurs nuits d’émeutes, occupe les rues, et poursuit la lutte.
Pour plus d’information, des images et des interviews de manifestants, voir : http://mashallahnews.com/?p=10341 (en anglais et en turc) ou http://showdiscontent.com/
Pour des articles et analyses en français : le blog d’Etienne Copeaux : http://www.susam-sokak.fr et le blog de l’Observatoire de la vie politique en Turquie : http://ovipot.hypotheses.org
DES RASSEMBLEMENTS DE SOUTIEN ONT DEJA EU LIEU A BERLIN, LONDRES, BOSTON, BARCELONE, MERLBOURNE, VIENNE, VENISE, LOS ANGELES …
A PARIS RENDEZ-VOUS PLACE DU CHATELET LE MARDI 4 JUIN A 18h3O.
2 Il y a actuellement plus de 10000 prisonniers d’opinion en Turquie. Voir le billet d’Etienne Copeaux sur son blog http://www.susam-sokak.fr/article-les-arbres-de-taksim-cachaient-la-foret-de-la-revolte-118208694.html
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