Publié par PM sur 22 Avril 2013
Publié dans : #matiere a reflexion
RAPPORTS VILLE / CAMPAGNE
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Publié par PM sur 22 Avril 2013
Publié dans : #matiere a reflexion
RAPPORTS VILLE / CAMPAGNE
RAPPORTS VILLE/CAMPAGNE,
DU STATU-QUO A… L’ALTERNATIVE
La situation de la campagne et par voie de conséquence celle de notre système d’alimentation, est devenue catastrophique et son avenir problématique. La configuration urbaine de notre société, en constante progression, aggrave les tares du système de production et de distribution alimentaire essentiellement fondé sur la recherche du profit et de la rentabilité.
La dégradation des prix et de la qualité alimentaires est aujourd’hui perceptible par de plus en plus de consommateurs. Sommes-nous à la veille d’une prise de conscience et d’un changement de comportement ?
L’INERTIE CITADINE
Les citadins ont pris l’habitude, commode comme toute habitude, de consommer tout et n’importe quoi. Pas seulement chez eux, où ils mangent de moins en moins souvent, mais dans les restaurants d’entreprises et les cantines scolaires et quand ils leur arrivent de manger chez eux, ce sont souvent des plats « tout préparés ».
La « mal bouffe » est devenue en quelque sorte la norme. Un temps, cette situation a été acceptée, au nom d’une conception absurde du « progrès », de l’ « abondance », voire de la mode, mais est devenue peu à peu suspecte aux yeux d’un plus grand nombre du fait des dérives, scandales et catastrophes sanitaires.
Les conditions de travail, le temps de transport, la répartition des tâches domestiques, la commodité des systèmes de distribution (hyper marchés, livraison à domicile,…) la non transmission des pratiques culinaires d’une génération à l’autre,… ont fini par faire accepter l’inacceptable et l’absurdité alimentaire.
La disparition progressive – sous la pression des promoteurs immobiliers et la passivité, parfois la complicité, des élus locaux – des zones maraîchères à la périphérie des villes, a mis les citadins devant le fait accompli et les a contraints à consommer des produits issus directement de l’agriculture industrielle et/ou de l’importation.
Le début de prise de conscience qui s’est fait jour il y a quelques années n’a pas, loin de là, changé les habitudes alimentaires des citadins.
La ville modèle des situations qui se transforment en comportements transmis de générations en générations. Ceux-ci modèlent à leur tour une manière de vivre qui détermine à son tour les comportements. C’est dans la « faille », entre comportements inconscients et manière de vivre assumée que doit se glisser la conscience, cette faculté qui permet de prendre de la distance par rapport à la réalité, d’en faire la critique et d’en envisager le changement.
Le citadin a un énorme travail à faire sur lui-même,… encore faut-il que « la perche lui soit aussi tendue » par la campagne.
LA SOUMISSION DE LA CAMPAGNE
La campagne a fini par capituler – du moins jusqu’à aujourd’hui – devant les exigences de la ville. La ville devenant de génération en génération le principal débouché des campagnes, tout un système de collectes, de plus en plus complexe et sophistiqué, de ramassages, stockages, conditionnements, transports et distributions des denrées alimentaires s’est mis en place.
Si la campagne a préservé quelques espaces de vente directe producteurs-consommateurs pour les populations locales, de plus en plus réduites, elle a bien été obligée de s’adapter aux nouveaux systèmes de distribution.
Soumis aux diktats des intermédiaires, aux modes imposées par la publicité, à l’affairisme de la distribution de masse, les paysans n’ont pas eu le choix. Les conditions de la distribution ne leur appartenaient plus,… et ne leur appartiennent toujours pas.
Les conditions– quantités, « qualités », calibrages,… imposées par la grande distribution, ont entraîné les paysans dans des pratiques normatives incompatibles avec le respect de la diversité des productions (abandon de certaines espèces), et de la qualité des produits (utilisation de conservateurs).
La mondialisation des marchés les a obligé à revoir leurs conditions de production. Leurs coûts de production largement incompatibles avec les prix mondiaux, on assiste à une tendance des exploitations agricoles vers des conditions de production industrielles. Généralisation des élevages en batteries, recours massifs aux produits pharmaceutiques, cultures intensives, mécanisation à outrance, utilisation massive d’engrais et de pesticides, sont devenus des pratiques courantes. Ces nouvelles conditions ont transformé radicalement l’exploitation agricole.
Sur un plan économique cette évolution a exigé des conditions financières incompatibles avec la gestion traditionnelle des exploitations agricoles. Les investissements considérables ont fait rejoindre la campagne à l’industrie dans le système bancaire. L’agriculteur est ainsi devenu un « chef d’entreprise ». La politique des subventions pour certaines productions complète le tableau.
Ainsi, la campagne est devenue le « champ clos », si l’on ose dire, d’intérêts économiques et financiers, dont l’équilibre écologique et les intérêts des consommateurs, ont fait les frais.
Cette situation conduit inéluctablement à la catastrophe. Peut-on imaginer une alternative ?
QUELLE ALTERNATIVE?
Comme pour l’industrie et la finance le système paraît trop bien organisé pour être contesté et attaqué de front, et ce d’autant plus que les politiques sont là pour veiller à ce que rien ne change.
De la contestation purement verbale, on est passé depuis quelques années à des pratiques alternatives qui se veulent, sinon en rupture, du moins décalées avec le système dominant actuel.
Le « retour à la terre » vers la fin des années 60 et années 70, s’il n’a été qu’un feu de paille pour certains idéalistes rêveurs, qui ont finalement abandonné ce projet, a été une réalité solide pour d’autres qui « ont fait souche » dans une campagne en pleine désertification. L’installation n’a pas été facile pour ces « néo ruraux », mais leur obstination, courage, imagination, et aussi la compréhension des paysans sur place leur a permis de redonner vie à certaines contrées en perdition.
L’individualisme traditionnel des paysans a été souvent remplacé par ces nouveaux venus par un esprit de solidarité issu aussi bien des mouvements contestataires des années 60 que par les besoins impératifs de vie dans leur nouveau milieu. Ainsi l’esprit des coopératives, tel le Phénix renaquit de ses cendres encore timidement tièdes. Les manques de moyens initiaux et les impératifs imposés par les nouvelles normes ont pu trouver une solution dans ces structures que sont les CUMA (Coopératives d’Utilisation du Matériel Agricole) – structures déjà anciennes, qui ont vécu une nouvelle naissance.
Ces nouvelles structures, qui ont un mode de fonctionnement sensiblement différent dans sa conception et sa philosophie, de la grande exploitation individuelle, établissement aussi, souvent, des rapports nouveaux et directs avec les consommateurs des villes, soit par des contacts directs, soit par l’intermédiaires des marchés locaux ou déplacés dans les villes.
Les scandales sanitaires ont pour certains producteurs et consommateurs, incité à ne plus faire confiance aux circuits traditionnels de distribution, et avoir recours à ces formes de production et de distribution… De cette prise de conscience, sont nées plus récemment les AMAP (Associations pour le Maintien de l’Agriculture Paysanne). Ces structures proches des consommateurs court-circuitent les réseaux traditionnels de distribution et incitent à un autre rapport à la production agricole, et donc à la consommation.
Ainsi, timidement, localement, lentement, marginalement diront certains, la démarche qui fait prendre conscience de l’iniquité du système actuel commence à créer des formes de production, de distribution, de rapports producteurs/consommateurs qui laissent augurer de nouveaux rapports entre la ville et la campagne, entre producteurs et consommateurs.
Certes, du chemin reste à faire, mais à défaut d’attaquer le système dans sa globalité, on peut, et on doit, le pourrir de l’intérieur, dénaturer ses circuits, assécher ses capacités de nuisances, et montrer par là même qu’il n’y a pas d’utopie irréaliste dans les nouvelles pratiques, mais l’espoir d’un monde nouveau.
« Il est plus important de pratiquer et faire pratiquer de nouvelles relations producteurs/consommateurs » que de manifester avec banderoles, tracts et slogans à la porte des hypermarchés ».
Avril 2013 Patrick MIGNARD
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