Oui le combat contre l’Etat-policier et le droit de punir doit devenir un combat des organisations ouvrières

samedi 13 avril
de La Louve
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Je suis une avocate engagée, à maints égards, et je ne l’ai jamais caché.

J’ai décidé de revenir ce soir ici sur la contribution que les organisations ouvrières « de classe » pourraient apporter à la lutte contre le « droit de punir » et contre l’État policier (je dis « pourraient » à dessein parce que justement, cette contribution est, hélas, inexistante, quand l’inexistence n’est pas carrément soutien à cet État-policier).

Et je reviens donc à plusieurs conversations que j’ai, régulièrement, depuis des années, avec tel ou tel camarade, ami, client… forte d’une expérience pénale (voire, pénitentiaire) qui s’accroit (hélas), par la force des choses, avec les années.

Je sais que beaucoup de camarades syndiqués ont des haut-le-cœur a l’idée d’être « assimilés » (selon eux) à des violeurs ou à des assassins (et encore, je dis cela pour ce qui me concerne, avec des pincettes car finalement, et même en centrale pénitentiaire, peu d’êtres humains méritent réellement d’être définis ainsi).

Que l’idée qu’on puisse les mettre « sur le même plan » que des « coupeurs de gorge » ou des « détrousseurs de grands-mères » les révulse. Et je le comprends bien, d’une certaine manière.

Personne ne veut cela, dans la mesure où, comme l’avait si bien analysé Foucault, l’on reste dans le fantasme, dans le mythe (qui comme tous les mythes, sert de justification au pouvoir et en l’espèce, à la punition), dans le mythe qu’un être humain pourrait n’être défini qu’ainsi, et qu’il est réductible à son crime ou à son délit (évidemment, ce n’est pas par hasard que j’emploie ces termes de mythe ou de fantasme….).

Je le comprends donc, d’une certaine manière.

Et en même temps, je ne le comprends pas du tout au sens où, par discipline d’hygiène mentale contre l’État-policier, je refuse de vouloir ne serait-ce qu’envisager de le comprendre. Je ne le comprends pas en tant que militante, je ne le comprends pas en tant qu’avocate, et je ne le comprends pas en tant que mère , sœur, épouse, fille…ou même, en tant que prévenue potentielle (une vie, ça déraille très vite, et il y a des cas de confrères passés, par la force d’une jalousie maladive par exemple, de l’autre côté, dans le box des accusés).

Il est évident pour moi que le prélèvement et le fichage d’ADN ne doivent être appliqués à PERSONNE. Je dis bien personne. Ni même , et je pèse mes mots, au dernier salaud de pédophile dont l’abjection des actes commis n’inspire aucune idée de compassion ou de pardon pour lui, voire même, vous fait (à votre grande honte) trouver regrettable qu’en 1981, finalement…

De même, il faudrait savoir, avoir une idée dans le réel, même de l’extérieur, ce qu’est vraiment une prison dans ce pays pour avoir ne serait-ce que le droit d’en parler (alors, d’y envoyer d’autres êtres humains, je ne vous dis pas…) .

Oh, une idée, pas ce que Valeurs Actuelles ou Le Figaro en disent, non (je fais référence ici à la « prison-Club Med » ou « colonie de vacances 5 étoiles » que je n’ai jamais croisée). Mais avoir vu de ses yeux, la noirceur, la grisaille, les hauts murs, connaître l’emploi du temps contraint, toutes les petites et grandes humiliations, la double, la triple exploitation du cantinage, du travail en prison… avoir entendu raconter par vos clients, primo délinquants, apeurés, affolés, leurs premières nuits en maison d’arrêt glacés d’effroi sur leur galetas, les hurlements des petits jeunes, sodomisés par des co-détenus plus âgés, la violence, l’éducation criminogène que donne « l’école carcérale »…et j’en passe.

Alors oui ces militants, ces camarades sont outrés que la justice les assimile (fréquemment), par les peines, par le traitement, à ces « délinquants » et ils redoutent (et je les comprends bien) que leur soit appliqué à eux AUSSI le traitement qui est le lot des « droits communs » , de tous temps.

Et pourquoi non ?

Bien-sûr que pour la justice ( a fortiori celle du Capital), il est logique qu’un délinquant soit puni de la même manière, qu’il soit syndicaliste ou pas, en action militante ou pas, que le petit gars qui passe avant ou après, pour un vol de mobylette, un outrage à agent … !

Bien-sûr que l’une des armes de la bourgeoisie, quand la situation se tend, c’est surtout d’abord de nier absolument toute possibilité de statut même vaguement « politique » ! Et donc, évidemment , compte tenu de tout cela, qu’au lieu de s’offusquer de ne pas avoir été traité différemment parce que syndicaliste, il faut s’élever contre ce système pénal, carcéral … TOUT COURT !

Contre contre la prison et même contre le droit de punir. Et il faut le faire POUR TOUT LE MONDE !

C’est la raison pour laquelle j’ai trouvé profondément haïssable et réactionnaire le film de Guédiguian « Les neiges du Kilimandjaro. » Qui « rachète » un des co-prévenus parce que syndicaliste, alors que l’autre « n’est qu’un voyou » (traduisez : qui ne mérite que d’aller au trou).

Mais comment peut-on ensuite défendre, au pénal, des syndicalistes (que les patrons et les forces de l’ordre ne se privent pas de poursuivre ou de faire poursuivre) si on n’a pas d’abord défendu des prolétaires dans leur ensemble, qu’ils soient ou non des travailleurs actifs, qu’ils fassent profession de soudeurs ou profession de voyou, qu’ils soient sains d’esprit ou détraqués… ?

Comment peut-on défendre des syndicalistes, si on n’a pas d’abord bataillé contre ces mesures que je juge indignes, bataillé pour que prélèvement ADN et autres saloperies soient purement et simplement éradiquées pour tout le monde ?

On fourbit, souvent innocemment et avec la meilleure volonté du monde, les armes de la réaction, en pensant très sérieusement qu’il y a « les autres » (les fous, les délinquants, les clodos…) et « nous » .

En se pensant bien à l’abri, parce qu’on est salarié, métro-boulot-dodo, voire syndicaliste, (d’accord, mais bon, on est « quelqu’un de bien », avec sa petite auto, avec son petit pavillon à crédit, avec sa femme et ses deux enfants, et avec son patron qui vous exploite, sans casier judiciaire, s’il vous plaît), et on peut même trouver que ce serait pas si anormal, finalement, de pendre deux ou trois pédophiles, d’incarcérer deux ou trois sauvageons, que 15 ans pour une voiture brûlée, c’est pas assez, et que bien-sûr, il faut embaucher plus de policiers, mettre plus de caméras et construire plus de prisons…

Et un jour, patatras.

Son fils, sa fille, soi-même… pour le pouvoir d’État, pour le terrible pouvoir de punir, qui n’est finalement que bourgeoisie, on passe de « l’autre côté du miroir ».

Et là, on trépigne de colère, on dit que « ce n’est pas juste », que c’est « scandaleux », finalement, d’être traité comme TOUS les « prolétaires lambdas » le sont devant la Justice, et on pleure à chaudes larmes en se désolant de n’avoir pas de statut d’exception…

Mais le statut d’exception, la reconnaissance de sa nature politique, c’est une vieille revendication (on pourrait dire à ce niveau, une lubie car il est évident que plu jamais le pouvoir en place ne fera ce type de concession….) et on ne l’aura jamais ! Bobby Sands et ses camarades en sont morts.

Et là, c’est trop tard… car le couperet de la guillotine, ou la porte de la maison d’arrêt, que par des prises de position réactionnaires, par un soutien politique à des partis qui faisaient la promotion d’idées réactionnaires (ou simplement, qui ne luttaient pas contre elles, voire, pis, qui contribuaient à creuser ce fossé imaginaire entre » soi » et les « autres », qui donc, contribuaient à diviser le prolétariat sur les bases de la morale bourgeoise)… on a contribué à affûter, ou à graisser, glisse sur votre cou, se referme sur vos pas, ou sur ceux de votre fils…

Pensez à tout cela, à chaque fois que, de manière pulsionnelle (bien compréhensible), devant votre télé ou votre radio, en entendant tel ou tel fait-divers abominable, en songeant au calvaire de la victime (le calvaire de la victime est toujours réel et n’est jamais méprisable je le dis sans aucune ironie), du genre de fait-divers qui vous coupe l’appétit entre le dessert et la poire, pensez-y quand votre première réaction épidermique est de penser « deux balles dans la tête » ou « 40 ans de prison »…

Car voyez-vous, contrairement à une autre mythologie, il n’y a pas que des crimes de sang des violeurs ou des pédophiles dans le champ pénal. Ce sont même d’ailleurs statistiquement les moins nombreux, c’est un fait (la « palme » revenant en réalité aux coups et violences volontaires et aux atteintes aux biens (voir l’Infostat « 20 ans de condamnations pour crimes et délits  » paru en 2011 ici -> http://www.justice.gouv.fr/art_pix/… ) – l’agitation des assassins et des violeurs n’étant qu’une énième justification à votre consentement au pouvoir de punir de l’Etat….

Pensez à tout cela. Dites vous que personne, même pas un syndicaliste (sûrement pas un syndicaliste, d’ailleurs) n’est à l’abri. Qu’il ait ou qu’il n’ait pas « fait quelque chose de mal ». Et que la seule solution, ce n’est que le combat unitaire et unifiant contre le droit et le pouvoir qu’a l’Etat de punir et de punir aussi férocement…

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