Sauvagerie des riches : quand des occidentaux d’extrême droite payaient 100.000 euros pour des «safaris humains»

Extrême droite, Guerre, Histoire, Justice


«Les enfants coûtaient plus cher, ensuite les hommes, de préférence en uniforme, puis les femmes. Les personnes âgées, elles, pouvaient être tuées gratuitement»


Un enfant joue au "cochon-pendu" sur le canon d'un char d'assaut dans les ruine de Sarajevo.

Dans le cadre de «Safaris humains» à Sarajevo, des «touristes de guerre» occidentaux d’extrême-droite ont payé 100.000 euros pour tuer des civils bosniaques. Sarajevo est la capitale de la Bosnie-Herzégovine, un État membre de l’ex-Yougoslavie. En 1990, c’est la guerre dans les Balkans et le 8 avril 1992, le siège de Sarajevo débute.

À l’époque, «tout le monde pense que dans deux mois, c’est fini» explique Jean Hatzfeld, journaliste à Sarajevo. Personne n’imagine que ce siège durera 1400 jours. Zdenka Brajkovic, journaliste du quotidien Oslobodjendje, racontait le siège en 2002 : «Les obus qui tombent partout, les maisons brûlées, les coupures d’électricité, d’eau, les magasins vides […] il n’y a plus de transports en commun, le dernier tramway s’est arrêté il y a quelques jours, et les rares chanceux qui ont une voiture n’ont pas d’essence pour la faire démarrer. On croise les cadavres non encore ramassés sur la route qui vous amène de Nedzarici jusqu’au bureau, le printemps commence dans des odeurs de mort […] Sarajevo devient alors une prison, d’où personne ne peut plus sortir, il sombre dans les ténèbres, abandonné de tous».

Les forces serbes, menées par Radovan Karadžić, depuis condamné pour génocide, tiennent les collines autour de la ville. Ces collines en surplomb facilitent la tâche aux tireurs d’élite. Le boulevard Mesa Selimovic, surnommé «Sniper Alley» (l’avenue des snipers) est particulièrement privilégié. Ce sont 11.500 personnes qui sont tuées en 4 ans, dont 1600 enfants. 1600 enfants qui, pour certains, ont été assassinés par des touristes occidentaux en manque de grand frisson, qui n’ont jamais eu à répondre de leurs actes. En Italie, le parquet de Milan ouvre enfin une enquête sur ces riches criminels qui payaient les forces serbes pour aller tirer sur des civils.

Ces révélations ne sont pas nouvelles. Dès 1994, le renseignement bosniaque alerte les services de renseignement militaire transalpin (Sismi) de la présence d’au moins 5 ressortissants italiens partis «chasser» des Bosniaques. Quelques années plus tard, la presse parle de ces «chasseurs» occidentaux, mais ces derniers ne sont pas inquiétés. En 2014, Luca Leone publie un livre intitulé «I bastardi di Sarajevo» et, en 2022, le réalisateur Miran Zupanic sort «Sarajevo Safari». Mais il faut attendre l’été 2025 pour que l’écrivain Ezio Gavazzeni dépose officiellement une plainte ainsi qu’un dossier de dix-sept pages aux autorités judiciaires. Au moins une centaine de ces criminels de guerre sont recensés, ils sont certainement le double. L’écrivain espère que certains pourront être retrouvés et traduits en justice pour leurs crimes.

Ces «clients» sont exclusivement des hommes occidentaux, riches à millions, «passionnés d’armes pour beaucoup et liés pour certains aux milieux d’extrême droite» explique Le Point. L’un d’eux est par exemple le propriétaire d’une clinique privée spécialisée en chirurgie esthétique à Milan. Le Bosniaque à l’origine du premier signalement tentait d’en faire les portraits robots : «Un chasseur passionné ayant déjà exploré toutes les formes de safaris légaux classiques et qui, pour l’adrénaline, recherche également une tête humaine comme trophée», ou bien «un ancien soldat incapable de se détacher après avoir foulé quelques champs de bataille».

Tous «bénéficient de ressources juridiques nécessaires pour se protéger d’une éventuelle enquête, ainsi que de l’influence politique requise pour la contrecarrer». Ainsi, des hommes blancs riches, d’extrême-droite, qui savent qu’ils ne seront pas inquiétés par la justice, avides de tuer des Bosniaques, majoritairement musulmans.

Dans le prix du «week-end de chasse» sont compris la prise en charge du vol de Trieste à Belgrade, le transport jusqu’à Sarajevo et le meurtre de sang froid. Le tarif diffère selon la cible visée : «Les enfants coûtaient plus cher, ensuite les hommes, de préférence en uniforme, puis les femmes. Les personnes âgées, elles, pouvaient être tuées gratuitement». En moyenne, de 80 à 100.000 euros.

La guerre en ex-Yougoslavie a vu son lot de massacres plus sanglants les uns que les autres. À Srebrenica en juillet 1995, plus de 8000 hommes et garçons musulmans sont tués en quelques jours par les forces des Serbes de Bosnie. En 1999, l’OTAN, qui a sabordé la voie diplomatique lors de la conférence de Rambouillet, bombarde Belgrade en violation totale du droit international, faisant au moins 2500 victimes.

La mise au jour de ces nouveaux crimes de masse doit nous mettre en alerte, et rappeler aux va-t’en-guerre qui peuplent nos plateaux télé, les sièges du Sénat et de l’Assemblée ou le Palais de l’Élysée, que là est la réalité de la guerre : rien de noble, rien de patriotique, seulement des amoncèlements de cadavres.

Ces faits terrifiants rappellent aussi que la barbarie n’est jamais loin, que la sauvagerie des riches et des puissants est toujours intacte. En 1976, dans une station balnéaire italienne, trois jeunes bourgeois romains, par ailleurs militants néofascistes, croisent la route de deux jeunes filles issues des classes populaires. Elles sont emmenées dans la villa d’un des fils de bonne famille, et sont torturées à mort pendant 36 heures. Rosaria décède sous les coups, son amie Donatella feint la mort, et sera retrouvée dans un coffre de voiture. Les jeunes fascistes échapperont à la justice, bénéficiant de réseaux hauts placés. Cette affaire est connue sous le nom de «Massacre du Circeo». Ces faits bien réels évoquent le célèbre film de Pasolini, «Salò ou les 120 Journées de Sodome», montrant des notables de l’Italie fasciste torturant des jeunes adolescents pour leur bon plaisir.

L’affaire de Sarajevo est du même ordre : des dominants se donnent le droit de vie et de mort sur les pauvres, les vulnérables, les démunis, et semblent certains de leur impunité. En temps de guerre ou de trouble, les damnés de la terre deviennent du vulgaire gibier.

C’est cette sauvagerie des riches que l’on retrouve lorsque des éditorialistes et des politiciens qui vivent dans les beaux quartiers parisiens appelaient à «tirer à balles réelles» sur les Gilets Jaunes. Ou quand une patronne de l’Ain, Murielle Millet, commanditait sans le moindre remord l’assassinat d’un ouvrier syndicaliste de son entreprise, Hassan, car il était trop dérangeant.

C’est cette même bourgeoisie qui acclamait les massacres de prolétaires pendant la Commune de Paris et qui jouait avec les cadavres de communards. C’est celle qui ne cache pas sa joie lorsque l’armée israélienne frappe Gaza. Et si on lui donnait l’occasion d’un «safari humain» en Palestine ou ailleurs, avec la certitude qu’ils ne seront jamais punis, le refuserait-elle ? Derrière les costumes, les bonnes manières et les comptes en banque bien garnis, des pulsions de mort et de domination exacerbées.

https://contre-attaque.net/2025/11/15/sauvagerie-des-riches-quand-des-occidentaux-dextreme-droite-payaient-100-000-euros-pour-des-safaris-humains/

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