15 ANS DE « CRISE GRECQUE »200 ANS D’ENTRAIDE RÉVOLUTIONNAIRE FRANCE-GRÈCE


Nouvelles de Grèce, réflexion sur nos luttes
et livraison semestrielle aux lieux autogérés (novembre 2025)

Bonjour à toutes et à tous.

Au sommaire de cette lettre d’info :— Quelques nouvelles de Grèce et une réflexion sur nos luttes, 15 ans après le début de ce qu’on a appelé la « crise grecque », alors que les nouveaux chiffres d’Eurostat et d’Elstat sont désastreux et font encore de la Grèce le pays de l’Union Européenne où frappe le plus la pauvreté, proportionnellement au coût de la vie. Une misère face à laquelle le mouvement social s’organise dans l’entraide et l’autogestion, tout en lançant de nouvelles réflexions sur nos succès et nos échecs dans les luttes.— À l’occasion de cet anniversaire, je vous propose de remonter encore plus loin le fil des liens étroits entre nos luttes, il y a 200 ans, depuis le soutien populaire français à la Révolution grecque, surtout à partir de l’automne 1825, en évoquant certains points peu connus.— Ensuite, nous lançons un appel à soutien, six mois après notre convoi solidaire de mars-avril, alors que se prépare actuellement la livraison automnale à nos initiatives solidaires autogérées (que nous effectuons chaque année, depuis douze ans, en alternance avec les grands convois printaniers au départ de la France, de la Suisse et de la Belgique). Notamment des livraisons de légumes, fruits et huile d’olive en provenance de Crète, mais aussi d’achats groupés de produits essentiels à prix réduit, ainsi qu’un soutien financier à certains collectifs et lieux autogérés en grandes difficultés, en fonction de nos moyens (à savoir que les moyens apportés par notre quatrième film documentaire étant presque épuisés, votre soutien est à nouveau crucial, même très modeste, si vous le pouvez). QUELQUES NOUVELLES DE GRÈCE ET RÉFLEXION SUR NOS LUTTES
Depuis début septembre, la Grèce et la France sont les deux pays qui ont connu les plus fortes mobilisations sociales en Europe, sous de multiples formes. En Grèce, plusieurs grèves générales, blocages des voies de communication, rassemblements massifs et manifestations déterminées ont ponctué l’agenda, une fois de plus, mais sans pour autant obtenir le moindre résultat. Un exemple : la loi sur les 13 heures de travail par jour a été adoptée (oui, vous avez bien lu : jusqu’à 13h dans une même journée) malgré le refus de 80% des Grecs. 
Comme en France et dans la plupart des pays du monde, ceux qui prétendent nous gouverner ne font même plus semblant de tenir compte de l’avis de la population. Les parlements eux-mêmes sont devenus les chambres d’enregistrement des décisions prises par les nouveaux monarques et leurs conseillers. Ces soit-disant experts sont en réalité le trait d’union entre les dirigeants politiques et économiques. Certes, on se chamaille sur des virgules, mais on est d’accord sur l’essentiel : préserver les intérêts des puissants. Et ce, de façon de plus en plus autoritaire. Le retour à l’Ancien Régime est un fait, un glissement, une descente aux enfers déjà mise en pratique dans l’exercice du pouvoir qu’on constate un peu partout. Il ne manque plus que sa traduction politique formelle et constitutionnelle : que les masques tombent, que le projet soit clairement affiché et que les textes fondateurs soient modifiés pour confirmer l’évolution régressive et liberticide du modèle politique. En Grèce, depuis six ans, nous expérimentons l’alliance de la droite et de l’extrême-droite au pouvoir. Nous vérifions chaque jour que cela n’améliore évidemment rien à la misère, bien au contraire des promesses de rupture auxquelles ont cru, encore une fois, quelques millions de naïfs abrutis par les médias dominants. Cette alliance droite-extrême-droite n’a fait que renforcer un pouvoir toujours plus autoritaire et une politique sociale toujours plus inégalitaire : casse des retraites, du code du travail, de la santé, des hôpitaux, privatisation progressive de l’école, toute puissance des banques, militarisme à outrance, surveillance tous azimuts…
Nouvelle étape, ce vendredi 31 octobre, avec l’annonce de la fermeture de 45% des bureaux de Poste en Grèce (oui, presque la moitié !) à partir de… ce lundi 3 novembre 2025 ! Une annonce trois jours à l’avance ! Dans le collimateur : 204 des 456 agences publiques, jugées pas assez rentables un peu partout en Grèce. Plus précisément : 40 fermetures en Attique (région d’Athènes) et 164 ailleurs, notamment dans les îles et les montagnes déjà enclavées. En Grèce, les retraités ont l’habitude de recevoir leur toute petite retraite en espèces, chaque début de mois. Une difficulté de plus, à l’heure où le pouvoir veut, entre autres, réduire l’usage des espèces pour mieux contrôler les échanges. Parmi les conséquences de ce ce désastre social et sanitaire : le retour de certaines maladies, l’augmentation vertigineuse du nombre de sans-abris, de gros problèmes de malnutrition en particulier chez les enfants, sans oublier une nouvelle hausse des suicides dans un pays qui, il y a quinze ans, connaissait dans ce domaine les chiffres les plus bas en Europe. Les statistiques officielles (Elstat et Eurostat) reconnaissent une augmentation constante de la pauvreté en Grèce, en contradiction totale avec le mythe de la croissance qui n’est, en réalité, que la croissance du portefeuille des hommes d’affaires au dépens de la base sociale. Le schéma d’Eurostat ci-dessous est le plus éloquent, lié à la misère, aux taxes, à la hausse du coût de la vie et au sentiment de détresse :
https://ec.europa.eu/eurostat/web/products-eurostat-news/w/ddn-20251023-1 Dans son rapport « Pauvreté en Grèce en 2025 », le Réseau hellénique de lutte contre la pauvreté évoque la misère qui frappe la jeunesse et les petits retraités, ainsi que les injustices fiscales qui frappent lourdement la consommation et les petits boulots des pauvres tout en ménageant les intérêts des plus riches. Pendant ce temps, le gouvernement se targue d’une hausse de la croissance qui ne profite qu’aux riches en réalité et qui saccage l’environnement. Au sein du mouvement social, lors d’une assemblée récente à ce sujet, on a évoqué une société non plus de classes, mais « de castes ». Les riches ne sont plus seulement une classe sociale, mais une caste, une aristocratie, qui dispose du privilège de payer très peu d’impôts, pendant que les plus pauvres sont taxés sur tout et n’importe quoi, à commencer par les produits de première nécessité. Cela rappelle à certains les privilèges de l’Ancien Régime. Ils évoquent donc la nuit du 4 août 1789 en France : celle de l’abolition des privilèges, comme source d’inspiration. Malheureusement, cette déclaration n’a pas beaucoup été suivie d’effets, même si l’idée reste intéressante. Depuis quelques années, nous observons également un retour en force des dogmes religieux dans la sphère politique en Grèce. 24 ans après la suppression de la mention obligatoire de la religion à l’état civil, en 2001, le cléricalisme est de retour (jusqu’en 2001, l’opinion religieuse était imposée sur la carte nationale d’identité, ce qui suscitait des problèmes pour les athées, les « sans religion », et les croyants de religions minoritaires). Nous assistons maintenant à un véritable « retour identitaire » (Grec = Chrétien orthodoxe) relayé par des influenceurs financés par de puissants armateurs. 
C’est un retour réactionnaire également, puisqu’une partie de ces dévots appellent à lutter contre le chômage en demandant aux femmes de redevenir des épouses et des mamans au foyer, pour laisser la place aux hommes et, surtout, « repeupler la Grèce » afin d’éviter « le grand remplacement » et « l’africanisation du pays » (sic). Les théories les plus invraisemblables pullulent, détournant l’attention vers des sujets d’inquiétude chimériques, au lieu de se concentrer sur la réalité sociale et les luttes qu’elle devrait logiquement susciter. Les grands médias grecs (qui sont, comme ailleurs, aux mains des milliardaires) propagent un imaginaire social de plus en plus raciste et paranoïaque, tout en caressant la mégalomanie nationaliste dans le sens du poil. Comme souvent, ils ne sont pas à une contradiction près. Ceux-là même qui prônent le renforcement des liens entre l’Église orthodoxe et l’État (qui n’ont jamais été séparés en Grèce) revendiquent simultanément l’héritage antique qu’ils ont pourtant piétiné. Même chose concernant l’ère moderne. Au début du XIXe siècle, la Grèce s’est libérée de 400 ans de colonisation ottomane, au tout début en s’inspirant des Lumières et de la Révolution française, avec le soutien de beaucoup de libres-penseurs, révolutionnaires et auteurs occidentaux renommés, ainsi que l’appui de dizaines de collectifs dans des villes françaises et alentours. Mais le cléricalisme et le monarchisme ont rapidement pris le dessus, au terme de l’indépendance, imposés par les dirigeants occidentaux qui craignaient une nouvelle révolution en Europe. Un assassinat au sens propre et au sens figuré de tout ce qui pouvait participer à la libération des consciences et des corps. L’Europe de la Restauration et du Congrès de Vienne ne voulait surtout pas de la Révolution grecque, à l’inverse des penseurs et militants occidentaux censurés. Durant les premières années du soulèvement, les chefs d’états occidentaux ne voulaient pas intervenir. Puis, ils sont intervenus tardivement (au bout de six ans) dans le seul but d’affaiblir l’Empire ottoman, notamment en détruisant la flotte turco-égyptienne à la bataille de Navarin (20 octobre 1827). Se permettant dès lors de décider de l’avenir de la Grèce, les dirigeants anglais, russes et français empêchèrent résolument une nouvelle expérience révolutionnaire en Europe, comme convenu au Congrès de Vienne. La parenthèse se referma pour de longues années. Pour les révolutionnaires de toute l’Europe, la Grèce fut un espoir déçu. Un de plus. Au terme de dix années enthousiastes, marquées par des mobilisations, des témoignages, des articles, des livres, des chansons et des tableaux signés par les plus grands noms de l’époque. On les appelaient les Philhellènes : « amis des Grecs ». 200 ans ont passé. Aujourd’hui encore, le lien construit entre nos bases sociales et nos réseaux s’oppose solidairement à la répression, d’un bout à l’autre du continent, et soutient les initiatives concrètes et les utopies en actes. Un lien fort, source d’inspiration, qui a traversé le temps : en Grèce, on parle encore très souvent de la Révolution française, de ses lignes de force, de son rayonnement, de ses limites et de ses échecs, et encore plus de la Commune de Paris, bien sûr. Du côté de la France, l’hellénisme s’est imposé comme l’une des lignes de force du siècle des Lumières face au cléricalisme tourné vers Rome et parlant latin. On se rappelle, par exemple, la célèbre réplique du Figaro de Beaumarchais dans Le mariage de Figaro : « Qu’il s’avise de parler Latin, je lui réponds en Grec, je l’extermine ! » (allusion à la science et à la raison des Encyclopédistes contre l’obscurantisme et la crédulité). C’était encore plus le cas chez les Lumières radicales, les auteurs les plus révolutionnaires, qui furent injustement rangés au second plan de l’Histoire du XVIIIe siècle, loin derrière les auteurs modérés favorables à la victoire de la bourgeoisie. Après la Restauration et le Congrès de Vienne, en 1815, les idées révolutionnaires étaient bannies et réprimées dans toute l’Europe. Dans ce contexte, le soutien populaire à la cause grecque permettaient de contourner la censure, en débattant publiquement des perspectives d’une révolution en Grèce, non sans songer, en réalité, à ses rebondissements possibles ailleurs. Autrement dit, sous l’apparence d’une révolution nationale, d’un mouvement indépendantiste, se dissimulait aussi, chez beaucoup de ses soutiens, un profond désir de reprendre le flambeau de la marche en avant vers l’utopie : émancipation sociale, liberté de conscience, nouveau modèle politique. Le sujet de la Révolution grecque permettait de libérer la parole et de rediscuter d’idées devenues taboues. L’organisation de collectifs de soutien visait à la fois la réussite du projet en Grèce, face à un colonisateur puissant et violent, mais aussi la stimulation révolutionnaire de l’opinion publique dans plusieurs pays occidentaux dont la France. Une partie des médias cléricaux et monarchistes n’y ont vu que du feu, croyant qu’il s’agissait simplement d’une opposition religieuse entre chrétiens et musulmans au bout du continent européen, sans se rendre compte qu’il s’agissait aussi et surtout d’une prise de conscience du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Une prise de conscience contre le colonialisme d’où qu’il vienne. Une prise de conscience contre le despotisme, quel que soit son récit identitaire, national et religieux. Un récit qui tente de faire oublier les classes sociales et tous les autres rapports de domination qui traversent la société. Depuis quinze ans, la Grèce est redevenue une source d’inspiration, en France et ailleurs, à la fois pour comprendre ce qui nous arrive, mais aussi pour observer les diverses façons de résister et de construire des alternatives concrètes. Ce qu’on a abusivement appelé « la crise grecque » (qui s’est résumée en réalité à un renforcement opportuniste de l’exploitation capitaliste en Grèce au prétexte de la dette) a été le premier laboratoire du durcissement du capitalisme en Europe. Ce qui avait été appliqué jusque-là dans les pays dit « du Tiers-Monde » devenait un mode de gouvernance en Europe : la pression de la dette devenait le moteur de la mutation de la société, de l’effacement progressif des conquêtes sociales et du creusement des inégalités. Un outil de chantage doublé d’un trafic juteux : gagner des milliards sur la dette des pays tout en dictant leur politique. Face à ce piège, la réponse du mouvement social en Grèce s’est principalement située sur le terrain de l’horizontalité et de l’autogestion : puisque le pouvoir politique est aux mains du pouvoir économique du fait de son monopole des médias dominants pour fabriquer l’opinion, nous essayons résolument de développer une forme d’organisation sociale pour devenir ingouvernables. Nous désobéissons avec des objectifs précis : ne pas nourrir le Léviathan (monstre politique en trois parties, constitué de la classe dirigeante, des gardiens armés à son service et de ses producteurs soumis), saboter la machine ou gêner son fonctionnement et construire à côté, de façon libre, autonome et solidaire, partout où c’est possible. En effet, face à l’imaginaire social institué par le pouvoir et ses valets, il était pour nous essentiel de proposer un imaginaire social radicalement instituant, c’est-à-dire créateur de nouvelles perspectives (pour reprendre les termes de Cornélius Castoriadis). Sans décolonisation de l’imaginaire, aucun projet ne peut vraiment voir le jour pour ouvrir une brèche. Et sans projet, sans désir, sans capacité à se projeter, il n’y a pas de volonté. Tout est lié. 
La lutte sur le terrain de l’imaginaire est la base de toute résistance et de toute création en vue d’un changement profond de la société. Changer d’imaginaire pour changer de paradigme. Changer d’imaginaire pour rouvrir le débat sur le sens de la vie. Changer d’imaginaire pour enfin vivre autrement, librement, solidairement. C’est ce que nous avons essayé de vous montrer dans nos films, depuis Ne vivons plus comme des esclaves, tourné par nous-mêmes au fil de discussions passionnantes de 2011 à 2013, jusqu’à Nous n’avons pas peur des ruines, l’année passée. Mais voilà : comme vous, nous partageons parfois un sentiment d’impuissance, de déception, voire de fatigue. Certains de nos compagnons sont épuisés. Parfois à genoux. Heureusement, des renforts arrivent : beaucoup de jeunes, mais aussi des nouveaux qui ont vécu une prise de conscience et, également, des migrants qui ont parfois lutté, eux aussi, dans leur pays d’origine, dans des conditions encore plus dures, avant de nous rejoindre. Et puis, il y a ces liens par-delà les frontières qui nous font le plus grand bien. De part et d’autre. En Grèce, dimanche dernier, des compagnons de lutte ont rappelé l’aide morale qu’apporte aussi le soutien politique et matériel en provenance des mouvements sociaux d’Europe occidentale. Nous voyons que nous ne sommes pas seuls, isolés, éphémères, au bout du continent. D’autres rêvent aussi ailleurs, s’organisent et luttent. Nous nous inspirons les uns des autres. Nous nous envoyons des messages de soutien. Nous nous visitons parfois. Tout cela nous donne de la force. De la « bonne force » (kali dynami) comme ont dit ici, dans nos réseaux en Grèce. Certaines nouvelles récentes ne sont pas bonnes :
–  encore deux migrantes sont mortes noyées en essayant de traverser au large de Chios, s’ajoutant à la longue liste macabre des victimes de l’Europe forteresse.
–  d’innombrables sans-abri grecs et migrants agonisent actuellement dans des cartons ou dans des cabanes en palettes, parmi lesquels des nouvelles personnes déclassées qui ont été projetées dans la misère la plus totale.
–  pendant ce temps, une vague de caméras de surveillance se propage un peu partout dans un pays auparavant épargné par ce que certains appellent une « avancée technologique », mais qui nous étouffe en réalité et menace nos libertés. Pendant ce temps, l’État grec achète du matériel made in France pour mieux surveiller ses opposants, jusque dans la sphère électorale (affaire Mitsotakis, un scandale d’État de plus).
–  Exxon-Mobil revient à la charge pour obtenir des forages pétroliers à l’ouest de la Crète et du Péloponnèse, encouragé par les objectifs délirants de Trump dans ce domaine, pendant que la résistance s’organise, en particulier en Crète. Mais sur le fond, dans la durée, nous tenons bon et les mobilisations continuent, tant bien que mal. « Sous la cendre, la braise brûle encore ». La plupart de nos lieux autogérés sont encore debout, malgré ce qu’on nous avait annoncé, et d’autres sont nés dans des villes moyennes et dans les campagnes. Parfois, dans des tout petits villages.
Rouvikonas est plus rayonnant que jamais, avec une popularité inespérée et des nouvelles antennes dans plusieurs villes de Grèce, malgré quelques malveillances qui ont fait flop. Le groupe anarchiste promis à disparaître par Mitsotakis a même obtenu plusieurs acquittements récemment, au terme de procès retentissants. Ce qui a fait dire à l’extrême-droite que ces juges étaient des vendus, des « gauchistes », des « droits-de-l’hommistes » (à peu près la même chose que ce que vous entendez en France au sujet de la condamnation récente de Nicolas Sarkozy en première instance et de son incarcération rocambolesque). La santé de Rouvikonas est le meilleur thermomètre de la santé du mouvement social en Grèce, vu que ce groupe anarchiste est, depuis douze ans, en première ligne de beaucoup de luttes et qu’il est devenu un véritable réseau qui traverse toute la société. Rouvikonas est particulièrement intéressant parce qu’il inclut des membres qui ne sont pas tous anarchistes, dans un esprit de convergence des luttes, avec beaucoup d’intelligence et d’ouverture à la diversité. Les discussions y sont réfléchies, posées, argumentées, dans l’horizontalité et l’écoute, même si certains membres historiques sont évidemment très observés quand ils interviennent, avec parcimonie et humilité. De passage à Athènes le vendredi 24 octobre, plusieurs d’entre nous ont vu le principal centre social autogéré de Rouvikonas, le K*Vox, noir de monde jusque dans les rues tout autour (cf. photos). Une foule immense, à l’angle de la place Exarcheia, qui a fait renoncer les forces de police qui espérait intimider et disperser tout ce monde. Même chose au niveau de la multiplication des sections de Rouvikonas dans la capitale et dans toute la Grèce, y compris des petites villes, du nord au sud du pays. Un phénomène en plein essor qui appelle à l’insoumission, à la désobéissance civile et à l’autogestion. Au sein de Rouvikonas, ces sections mènent beaucoup d’actions concrètes. Par exemple, la section du Pirée est confrontée à une très grande misère et organise régulièrement des cuisines sociales gratuites et des maraudes, avec de la nourriture, des vêtements et des premiers secours. Dans tous les quartiers d’Athènes, la section féministe de Rouvikonas mène des actions contre le patriarcat, notamment dans des entreprises, et distribue, par exemple, des protections féminines que nous lui apportons de France lors des convois. À la fin de l’été, la section pompiers s’est encore renforcée, toujours dans l’autogestion, avec un troisième véhicule équipé et de nombreuses initiatives solidaires, en partie grâce au soutien international, notamment en provenance de Suisse et de France. La section pompiers a également mis en place une aide d’urgence aux animaux dans les zones incendiées, sauvages ou pas. Parfois, il s’agit de chiens « adespotes » (c’est ainsi qu’on appelle les chiens ou chats qui n’ont pas de maître en Grèce). Rouvikonas s’associe souvent à d’autres groupes pour mener des actions antifascistes conjointes. C’est ainsi que les néonazis ont perdu le centre-ville d’Athènes, il y a dix ans, en particulier leur quartier fétiche à Agios Pantelemonas (riposte antifasciste décrite dans le film L’Amour et la Révolution). La semaine dernière, Rouvikonas et le collectif antifasciste de Kalamata ont réussi à saboter le rassemblement du « Front National » grec dans cette petite ville du Péloponnèse. D’autres collectifs en Grèce ne sont pas en reste et font également beaucoup de choses, à Athènes comme ailleurs.
En Crète, par exemple, une action a visé le ministre de l’immigration de passage à Héraklion, il y a une semaine. Cette fois, nous avons utilisé une stratégie similaire à l’entartage pour ridiculiser Makis Voridis, figure de l’extrême-droite grecque, nostalgique de la dictature des colonels et partisan du retour en force du cléricalisme (notamment de l’équation Grec = orthodoxe). Sauf qu’en Grèce, on ne gâche pas les pâtisseries dans la figure des « pompeux cornichons », malgré notre affection pour Noël Godin (que nous avons fait venir en tournée en Grèce il y a douze ans et qui vient de fêter ses 80 ans) et pour Jean-Pierre Bouyxou qui vient de nous quitter début septembre :
http://blogyy.net/2025/09/04/salut-compagnon/
Quelques souvenirs d’entartages mémorables :
https://www.youtube.com/watch?v=Sf1Jxm2M2zI
Non, en Grèce, on utilise plutôt du yaourt ou des œufs. Voilà comment on ridiculise les hommes politiques, ici. Mais le but est le même : destituer symboliquement le pouvoir pour se préparer à le destituer politiquement. Le pouvoir repose sur du vent. Il n’est que symbole. C’est notre consentement, notre reconnaissance, notre soumission qui le portent sur un piédestal, sans quoi il n’est rien. Voilà pourquoi 25 rebelles crétois ont participé à cette action et ont arrosé d’œufs le ministre de l’immigration dans le restaurant d’Héraklion où il croyait pouvoir faire une pause. Sa colère a été si forte qu’il a obtenu de son premier ministre l’évacuation brutale du grand squat d’Héraklion, 4 jours plus tard. Mais, comme les années précédentes (voir dans le film Nous n’avons pas peur des ruines), le mouvement social a réussi à reprendre son squat deux jours après ! Une fois de plus ! ÉTAT   03   ANARCHISTES CRÉTOIS Du nord au sud de la Grèce, des résistances continuent et s’organisent, construisent des projets, même modestes, pour ne pas baisser les bras et faire comprendre que rien n’est terminé dans notre lutte légitime pour l’émancipation sociale.
Tout n’est pas perdu parce que nous avons des amis partout : des gens avec lesquels nous ne partageons pas tout, mais qui luttent également pour certaines choses en commun. Cela, nous le vérifions dans bien des domaines, notamment autour de nos initiatives solidaires autogérées. Beaucoup de gens sont de plus en plus convaincus que nous devons prendre nous-mêmes nos affaires en mains. Dans la conquête de nos libertés comme dans la mise en place de l’entraide pour soulager la misère sans attendre et pour donner à voir la société que nous désirons.
Merci de nous aider également à cela. APPEL À SOUTIEN Six mois après notre convoi solidaire de mars-avril 2025, se prépare actuellement la livraison automnale à nos initiatives solidaires autogérées. Une livraison intermédiaire que nous effectuons chaque année, depuis douze ans, en alternance avec les grands convois printaniers. Il s’agit notamment de livraisons de légumes, de fruits et d’huile d’olive en provenance de Crète (achetés à des camarades paysans en lutte), mais aussi d’achats groupés de produits essentiels à prix réduit (produits d’hygiène et de nettoyage, autres aliments de base, parfois certains médicaments, diverses urgences pour les bébés ou encore du matériel collectif pour l’organisation des activités). Nous apportons aussi un soutien financier à certains collectifs et lieux autogérés en grandes difficultés, en fonction de nos moyens.
Il faut savoir que, six mois après, les moyens apportés par notre quatrième film documentaire sont presque épuisés. Votre soutien est donc à nouveau crucial, aussi modeste soit-il, si vous le pouvez. Voici le rappel des coordonnées si vous voulez participer. C’est possible par virement, paypal ou chèque :
– par virement à ANEPOS
IBAN : FR46 2004 1010 1610 8545 7L03 730
BIC : PSSTFRPPTOU (La Banque Postale)
Objet : « Livraisons novembre »
– ou par Paypal en suivant sur ce lien :
https://www.paypal.com/donate/?cmd=_s-xclick&hosted_button_id=LMQPCV4FHXUGY&fbclid=IwAR2GlpO4fe9mZIvL4Uvcj3Tn4-JIEqXpFl4fgtBN_y7qYZ-C_FjK8pVWoDI
– ou par chèque à l’ordre d’ANEPOS :
Adresse postale : ANEPOS – Livraisons novembre – 6 allée Hernando – 13500 Martigues
Contact, suggestions, propositions : solidarite@anepos.net
Tél. France 06 24 06 67 98 / Tél. Grèce (0030) 694 593 90 80
Important : si vous choisissez d’envoyer un chèque à l’ordre d’ANEPOS, merci de nous prévenir du montant par mail (solidarite@anepos.net) ou par sms (06 24 06 67 98) pour qu’on puisse comptabiliser votre participation dans la préparation actuelle des livraisons.
Si vous préférez virer la somme sur le compte de l’un de nos paysans fournisseurs, dites-nous quel montant vous pouvez assurer, nous vous transmettons immédiatement leur RIB/IBAN (camarades oléiculteurs, maraîchers, arboriculteurs…). Pour en savoir plus à ce sujet, voici quelques comptes-rendus de livraisons de Crète vers Athènes (cliquez sur les photos pour les voir en grand format) :
http://blogyy.net/2022/05/23/soutenir-les-paysans-en-lutte-tout-en-nourrissant-les-precaires/
http://blogyy.net/2022/05/25/la-cuisine-solidaire-de-chania-et-le-reseau-sodaa-dans-lattique/
http://blogyy.net/2022/05/26/un-convoi-solidaire-cest-aussi-du-bricolage-et-des-travaux-dans-les-lieux/
http://blogyy.net/2021/11/30/nouvelles-livraisons-a-athenes/
http://blogyy.net/2021/11/30/oui-le-notara-26-a-ete-livre-aussi/
http://blogyy.net/2021/06/29/les-livraisons-a-exarcheia-ont-commence/
http://blogyy.net/2023/10/22/les-livraisons-a-athenes-en-crete-et-en-thessalie-ont-commence/
Voici également le compte-rendu en 100 photos du convoi solidaire du printemps 2025 :
http://paspeurdesruines.net/spip.php?rubrique52 Un grand merci de votre participation passée à nos actions, que vous puissiez ou pas cette fois.
Surtout, ne participez pas si vous êtes, vous aussi, en difficultés. Votre solidarité ne se compte pas aux moyens transmis, au gré des circonstances, mais d’abord à travers le relais, le soutien politique, l’appui révolutionnaire impulsé par-delà les frontières. C’est une sensation extraordinaire que de sentir ce soutien d’un bout à l’autre de l’Europe et au-delà, beaucoup de camarades et compagnons grecs et migrants nous le disent souvent. Vu le contexte, si vous connaissez des individus ou des collectifs qui peuvent épauler nos initiatives solidaires autogérées en Grèce, merci de nous le faire savoir. Cette aide peut également être ciblée sur une lutte en particulier (cuisines sociales gratuites, structure autogérée de santé, groupe de résistance, aide aux migrants, section contre les incendies…) ou même sur un seul lieu (ou groupe) qui vous tient à cœur. Pas de problème. Nous pouvons aussi payer directement un fournisseur sur place par votre intermédiaire, si vous le souhaitez et si le montant le permet (livraisons alimentaires, urgences sanitaires, puériculture, premiers secours, travaux dans les lieux, aide aux frais de Justice, etc.). Si vous avez d’autres suggestions, n’hésitez pas à nous contacter. Toutes ces actions ne sont peut-être pas grand-chose face à l’ampleur du désastre, mais elles encouragent à poursuivre nos luttes qui convergent toutes vers un même but : prendre nos vies en mains et montrer ce dont nous sommes capables ensemble, par-delà nos différences.
Nous vivons à une époque si complexe et confuse que les mots ne suffisent plus. Des mots que nous vole souvent le pouvoir. Des paroles qui s’envolent. Des discussions qui s’éternisent. Des débats insignifiants qui éloignent de l’action et de sa capacité à créer du lien, à se rassembler contre ce qui nous frappe à tour de rôles, à s’unir dans des projets. Pourtant, c’est dans l’action qu’on se rencontre vraiment, qu’on apprend à se connaître, à se comprendre, à s’aimer. La lutte est une histoire d’amour. L’amour de l’utopie en chemin. L’amour de tout ce que nous voulons sauver et libérer. L’amour de la vie. Il est crucial de montrer concrètement la société qu’on désire. Une société basée sur l’entraide. Une société où la devise « liberté, égalité, fraternité » deviendra enfin une réalité. D’ailleurs, petite remarque : nous, on préfère le mot adelphité, c’est un mot neutre d’origine grecque pour parler à la fois de fraternité et de sororité.
Encore merci à toutes celles et ceux qui ont participé, en début d’année, à la préparation du convoi, d’une façon ou d’une autre. Et d’avance, un grand merci de votre soutien pour tenir bon jusqu’à la prochaine fois. Une autre info qui peut vous intéresser : en raison de la diminution brutale des moyens ces derniers mois, des camarades et compagnons de luttes m’ont demandé de faire quelques projections-débats supplémentaires en France, Suisse et en Belgique, pour continuer à diffuser nos idées, présenter le dernier film (ou l’un des précédents) faire un point sur la situation actuelle, échanger sur nos pratiques, nos réussites, nos échecs, nos perspectives, et ramasser de la collecte pour le convoi qui suivra. Si vous souhaitez qu’on fasse une étape dans votre région, faites-nous signe rapidement à : maud@paspeurdesruines.net en mentionnant vos coordonnées téléphoniques pour échanger de vive voix. Des dates se préparent déjà en France et Suisse en janvier et février 2026 et en Belgique en mars 2026. Plusieurs surprises, notamment musicales, accompagneront ces rencontres. On en reparle dans quelques temps.
Bon courage dans vos luttes et créations. De tout cœur avec vous.
Anarmicalement,
Yannis, aux côtés de Maud, Maria, Nathalie, Anna, Giorgos, Vangelis, Cyril et Nikos, parmi les membres de l’action
Pour toute info supplémentaire : solidarite@anepos.net ou tél. 06 24 06 67 98.
PS : un compte-rendu des actions suivra, en décembre, accompagné de photos.
PS 2 : vous pouvez partager cette lettre d’info en utilisant ce lien :
http://blogyy.net/2025/11/03/nouvelles-de-grece-novembre-2025/

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