Climat

Une étude d’Oxfam sur les ultrariches montre qu’ils devront réduire leurs émissions de… 99 % d’ici 2030 si nous voulons rester dans les clous de l’Accord de Paris. Ils nous embarquent vers une « destruction planétaire ».
Les ultrariches brûlent la planète à une vitesse vertigineuse. Aussi évident soit-il, ce constat donne le vertige dès lors qu’on se penche sur les chiffres. Publié par Oxfam le 29 octobre, un rapport dévoile le poids écrasant des plus grandes fortunes de ce monde dans la répartition des émissions de gaz à effet de serre.
Prenons une balance. Une personne parmi les 0,1 % les plus riches — percevant en moyenne 1,46 million d’euros par an — émet quotidiennement plus de 800 kg d’équivalent CO2. À l’inverse, l’aiguille descend à moins de 2 kg de CO2 par jour pour un individu appartenant aux 50 % les plus pauvres de l’humanité — dont le revenu moyen avoisine les 54 euros par mois.

Intitulée « Pillage climatique : comment une puissante minorité plonge le monde dans le chaos », cette étude calcule la vitesse à laquelle le mode de vie à forte empreinte des ultrariches dilapide notre budget carbone à tous. Ce budget correspond à la quantité maximale de CO2 pouvant encore être rejetée dans l’atmosphère : s’il est dépassé, alors le seuil de réchauffement de la planète de 1,5 °C par rapport à l’ère préindustrielle, tel que défini par l’Accord de Paris, sera franchi et la catastrophe climatique plus rude encore.
Au rythme actuel d’émissions, cette enveloppe sera épuisée d’ici seulement trois ans. Un chiffre déjà alarmant en tant que tel. Seulement, si chacun des huit milliards d’êtres humains polluait autant que les 0,1 % les plus riches, ce budget serait à sec en moins de trois semaines.

Pour entrer dans les clous de l’Accord de Paris, et atteindre l’objectif de 2,8 tonnes de CO2 par personne et par an en 2030, cette élite économique devra donc réduire ses émissions de… 99 % d’ici cette date. À titre de comparaison, les 50 % des Français les plus pauvres consomment pour l’heure 3,8 tonnes annuelles. « L’essentiel de l’effort ne doit donc pas reposer sur elle », poursuit Oxfam.
Virée aux Maldives en jet privé
D’autant que depuis 1990, la moitié la plus défavorisée de la population mondiale a diminué de 3 % son bilan carbone… tandis que les ultrariches ont observé le leur gonfler de 32 %. Et gare aux apparences : les virées aux Maldives en jet privé pour savourer les remous d’un jacuzzi construit à même une plage paradisiaque ne sont que la partie émergée de l’iceberg.
Au-delà de leur train de vie quotidien, ces magnats placent des sommes mirobolantes dans les entreprises les plus polluantes, tels que les géants miniers, gaziers et pétroliers. « Les émissions liées aux investissements des 308 milliardaires ont totalisé 586 millions de tonnes d’équivalent CO2 en 2024 », précise le rapport. Autrement dit, ce groupe d’individus, pas plus nombreux que les habitants du village de Chérisay dans la Sarthe, émet davantage que 118 pays combinés et se classerait au quinzième rang des nations les plus polluantes s’il formait un pays.
« La bonne nouvelle, c’est que plus on est riche, plus il est facile de réduire ses émissions, déclare Alexandre Poidatz, chargé de plaidoyer chez Oxfam France. Un simple coup de fil à son conseiller en patrimoine suffit à un ultrariche pour facilement transférer son argent d’une major des combustibles fossiles vers une entreprise à la pointe des énergies renouvelables. »
« Les ultrariches ont un passif accablant »
La mauvaise nouvelle, c’est que peu empruntent ce chemin. Au contraire, les plus grands portefeuilles de la planète utilisent leur richesse pour influer négativement sur les politiques climatiques, en envoyant des émissaires négocier leurs intérêts. À la COP29 en Azerbaïdjan, 1 773 lobbyistes des énergies fossiles avaient ainsi obtenu une accréditation. Un contingent plus fourni que les représentants des dix pays les plus vulnérables au changement climatique réunis.

« C’est une aberration que tant de pouvoir et de richesse aient été concentrés entre les mains de quelques personnes qui ne font que renforcer leur emprise et nous embarquer collectivement dans une trajectoire de destruction planétaire, s’insurge Amitabh Behar, directeur général d’Oxfam International. Les ultrariches et les entreprises qu’ils dirigent ont un passif accablant : financement de lobbies, diffusion de désinformation climatique et poursuites judiciaires contre les ONG et les gouvernements qui tentent de leur résister. Il est urgent de briser leur emprise sur les politiques climatiques en taxant leur richesse extrême, en interdisant leur lobbying, et en plaçant les personnes les plus touchées par la crise climatique au cœur des décisions. »
À l’approche de la COP30, prévue en novembre au Brésil, l’ONG rappelle enfin que les émissions des 1 % les plus riches sur la seule année 2019 pourraient provoquer 1,3 million de décès liés à la chaleur d’ici la fin du siècle. Les femmes, les filles, les peuples autochtones, les populations du Sud global et les personnes âgées seront les plus durement frappés.
https://reporterre.net/Les-308-milliardaires-de-la-planete-emettent-plus-que-118-pays

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