Cher Olivier Faure – Boxing Day #52

Cher Olivier Faure - Boxing Day #52

● Assemblée nationale● Gauche● Politique

Cher Olivier Faure,

Quelle semaine !

Jeudi 16 octobre, le gouvernement de Sébastien Lecornu échappait, à 18 voix près, à la censure, pour le plus grand soulagement de la clique macronienne, merci pour eux, et pour la plus grande consternation de nombre d’électeurs et électrices de gauche qui n’imaginaient visiblement pas, en votant pour le Nouveau Front populaire à l’été 2024, que l’une de ses composantes jouerait, moins de 18 mois plus tard, le rôle de béquille du macronisme. Les faits sont en effet têtus, et les chiffres sans appel : à l’Assemblée nationale, le groupe « Socialistes et apparentés », dont la force principale est le Parti socialiste dont vous êtes Premier secrétaire depuis 2018, compte 69 membres, et il aurait suffi qu’un gros tiers d’entre elles et eux votent la censure pour que le gouvernement chute, ce qui ne s’est pas produit suite à la décision du PS de ne pas censurer, félicitations à vous.

« Le Premier ministre avait promis de renverser la table mais il s’obstine dans la même voie. Je ne vois pas ce qui pourrait nous conduire à ne pas voter la censure », expliquiez-vous pourtant le 6 octobre sur France Inter, le secrétaire général du PS Pierre Jouvet déclarant quant à lui, le 11 octobre, ce qui suit : « Nous répétons avec force qu’il n’y a aucun accord entre le Parti socialiste et le président de la République. Nous ne serons pas la bouée de sauvetage d’un macronisme qui prend l’eau de toute part », on ne vous le fait pas dire. Le 12 octobre, après la nomination du gouvernement « Lecornu II », tandis que vous vous étiez fendu d’un « No comment… » posté sur X, le même Pierre Jouvet n’avait pas manqué de souligner que ledit gouvernement était « une continuation de ce macronisme qui n’en finit plus d’essayer de se maintenir au pouvoir », voilà qui est fort lucide.

« Aucun socialiste n’acceptera jamais de devenir le supplétif de la macronie », affirmiez-vous avec détermination en août 2024 lors de l’université d’été du PS, au cours d’une intervention durant laquelle vous avertissiez vos camarades face aux manœuvres d’Emmanuel Macron : « S’il vous appelle, les uns ou les autres, il vous dira que vous pouvez faire quelque chose sur les retraites, que vous aurez un peu d’argent pour faire sur le SMIC, ou que vous pourrez faire un peu quelque chose sur n’importe quoi. La seule condition, c’est que vous rapportiez le scalp du [Nouveau] Front populaire, que vous puissiez dire qu’il n’y a plus de majorité de gauche dans ce pays et que, désormais, à nouveau ceux qui ont été battus à trois reprises dans les urnes sont à nouveau la majorité de ce pays et que c’est à eux de gouverner, voilà le calcul présidentiel et voilà ce que nous n’accepterons jamais ». Jamais.

Cher Olivier Faure, dans la mesure où vous êtes en outre l’auteur de la très pertinente déclaration selon laquelle « lorsque la communication est contredite aussitôt par les faits, aucune confiance n’est possible » et de la très judicieuse formule d’après laquelle « la confiance repose sur la constance et la cohérence », difficile de ne pas se demander ce qui a pu justifier votre récent changement de direction, lequel n’est pas à proprement parler l’expression d’un modèle de cohérence. Car nous n’avons pas non plus oublié que vous êtes celui qui déclarait, il y a à peine plus d’un an, ceci : « Je suis pour l’abrogation de la réforme des retraites, comme l’est une majorité des parlementaires et l’ultra-majorité des Français. Et il faudrait y renoncer, alors même que le NFP, qui y est favorable, est arrivé en tête des législatives ? Il y a là un vrai sujet démocratique », effectivement.

Nos lecteurs et lectrices le savent, puisque vous et vos collègues du Parti socialiste n’avez cessé de le marteler cette semaine : si vous n’avez pas voté la censure, c’est parce que Sébastien Lecornu s’est engagé à renoncer à faire usage de l’article 49.3 de la Constitution, qui autorise les passages en force gouvernementaux, et surtout parce qu’il a annoncé sa volonté de « [proposer] au Parlement dès cet automne que nous suspendions la réforme de 2023 sur les retraites jusqu’à l’élection présidentielle ». Deux mesures qui sont, selon vous, suffisamment fortes pour justifier de ne pas avoir recours à la censure et donc, puisque c’est bien de cela dont il s’agit, de « donner sa chance » au gouvernement et au débat parlementaire, entre autres et notamment sur le budget et le financement de la Sécurité sociale. On notera au passage que, dans la bataille, votre troisième « ligne rouge » a subrepticement disparu puisque vous exigiez également, sous peine de censure, « des mesures pour protéger et renforcer le pouvoir d’achat des Français » (1), mais on ne va pas se formaliser pour si peu.

Comme il n’est pas dans nos habitudes de tirer sur une ambulance, encore que si celle-ci semble avoir l’intention de nous rouler dessus, la légitime défense peut se plaider, nous ne nous attarderons pas sur le fait que, ainsi que l’ont fait remarquer certains, l’engagement à ne pas recourir à l’article 49.3 est très loin de signifier l’épuisement des recours plus ou moins brutaux permis par la Constitution de la Ve République, de l’article 47 qui autorise le gouvernement, en cas d’échec de l’adoption d’un budget par le Parlement dans un délai de 70 jours, à recourir à des ordonnances (donc sans vote), à l’article 40 qui permet de déclarer comme irrecevable tout amendement se traduisant par une diminution des recettes ou une augmentation des dépenses publiques, en passant par l’article 44.3 qui offre la possibilité à l’exécutif de choisir les amendements soumis au vote : « Si le Gouvernement le demande, l’Assemblée saisie se prononce par un seul vote sur tout ou partie du texte en discussion en ne retenant que les amendements proposés ou acceptés par le Gouvernement », c’est beau la démocratie.

Et nous ne nous éterniserons pas davantage sur le fait que, comme l’a notamment signalé l’économiste Michaël Zemmour, peu suspect d’être un opposant inflexible au Parti socialiste, lequel l’a encore récemment invité à une audition afin « d’approfondir le projet que nous voulons porter pour les prochaines échéances électorales », ce que le Premier ministre a proposé n’est pas une « suspension » mais « un décalage d’application du calendrier » de la réforme, ce qui n’est pas la même chose. Ainsi : « On devait franchir une marche, passer de 62 ans et 9 mois à 63 ans en janvier 2027. Cette marche sera franchie en janvier 2028, et donc ça décale d’une génération l’application de la réforme mais ça ne la remet pas en cause. […] C’est effectivement un bougé, il y a des personnes dont la situation va changer, mais par contre ce n’est pas une remise en cause fondamentale de la réforme. […] Une suspension ça aurait été de dire : on est à 62 ans et 9 mois, on inscrit dans la loi qu’on est là, et après la présidentielle le prochain gouvernement décidera si on monte ou si on descend. Ça c’était une suspension. »

En d’autres termes, vous avez sans doute un peu — beaucoup — surjoué l’air de la « victoire », avec une mention spéciale à votre collègue Philippe Brun, député socialiste de l’Eure, qui a cru bon de parler de « la plus grande victoire du mouvement social depuis le retrait du CPE en 2006 », faute de grives on mange certes des merles mais attention tout de même à ne pas s’étouffer en avalant trop de couleuvres. Et s’il s’avère que, comme vous l’avez dit et répété, entre autres au 20h de TF1, 3,5 millions de personnes (2) pourraient bénéficier de cette suspension-qui-n’en-est-pas-une, ce qui est évidemment une bonne nouvelle pour elles, le rabâchage de cet argument des « 3,5 millions », comme si ce chiffre devait démontrer l’ampleur de votre « victoire », n’est en réalité guère convaincant, à moins de considérer, par exemple, que le versement d’une prime de 10 euros à toutes les personnes inscrites à France Travail serait un grand succès dans la mesure où ils et elles sont plus de 6,3 millions.

A fortiori dans la mesure où, cher Olivier Faure, il ne nous a pas échappé que, dans le même temps, Sébastien Lecornu entend imposer, entre autres :

– le gel des pensions de retraites, autrement dit leur non-indexation sur l’inflation, qui va représenter, puisque vous aimez parler chiffres, une baisse de pouvoir d’achat pour 18 millions de personnes ;

– le gel des prestations sociales, soit une baisse de pouvoir d’achat pour, notamment, les quatre millions de ménages percevant les minima sociaux ;

– le gel du point d’indice de la fonction publique, soit une baisse de pouvoir d’achat pour 5,8 millions d’agents ;

– le gel des barèmes de l’impôt sur le revenu, qui va notamment faire rentrer au moins 200 000 foyers, qui ne payaient jusqu’ici pas d’impôt, dans la première tranche, et leur faire perdre, au passage, l’accès à certains droits, comme l’aide à la cantine, les tarifs sociaux pour l’énergie et l’eau ou le transport gratuit dans certaines villes ;

– le doublement des montants et plafonds des franchises médicales et participations forfaitaires ;

– la fiscalisation des indemnités d’arrêt de travail dans les cas d’Affection longue durée (ALD) ;

– la baisse du salaire net des apprentis, ainsi que la fin de l’aide au permis de conduire qui leur est accordée ;

– etc.

Autrement dit l’austérité, qui se manifeste également, ainsi que l’a par exemple souligné Mediapart, par de sévères coupes dans les dépenses publiques, entre autres et notamment dans les ministères visiblement jugés peu essentiels par le gouvernement que vous venez de refuser de censurer, avec notamment des baisses de :

– 2,5 milliards d’euros pour la mission « travail et emploi » ;

– 900 millions d’euros pour la mission « cohésion des territoires », qui inclut le logement et la politique de la ville ;

– 800 millions d’euros pour la mission « solidarité, insertion et égalité des chances » ;

– 300 millions d’euros pour la mission « jeunesse et sports » ;

– 200 millions d’euros pour la mission « culture » ;

– etc.

Tandis que dans le même mouvement, bien évidemment, tout est fait pour épargner les plus riches malgré les effets d’annonce, comme l’a par exemple expliqué l’économiste Gabriel Zucman qui affirme que « dans le projet de loi de finances […], tout a été fait pour épargner Bernard Arnault et les milliardaires français », alors ça c’est une sacrée surprise. Et c’est ainsi que la prétendue taxe de 2% sur le patrimoine des holdings, supposée répondre à la problématique de la moindre taxation des plus riches, « prend soin d’exonérer quasiment toute la fortune des holdings – vidant ainsi entièrement le dispositif de sa substance », avec une multiplication des exemptions, qui conduit au total à ce que la « taxe » ne concerne que « quelques comptes bancaires dormants qui auraient été oubliés ici ou là, des voitures de course, soit une infime fraction du patrimoine des holdings : plus de 95 % de la fortune des milliardaires est exonérée du nouvel impôt Lecornu », merci Seb. Dans le même temps, la surtaxe à l’impôt sur les sociétés, qui concerne les groupes ayant un chiffre d’affaires supérieur à un milliard d’euros, est certes reconduite, mais son taux est divisé par deux, il ne faudrait pas trop en demander quand même.

Cher Olivier Faure, vous n’avez certes pas annoncé que votre non-vote de la motion de censure équivalait à un soutien au budget proposé par le gouvernement, tout de même, mais le moins que l’on puisse dire est que les mesures avancées par ce dernier démontrent à quel point la « victoire » représentée par la « suspension » de la contre-réforme des retraites apparaît, quoi que vous en disiez, comme un leurre, et que l’exécutif a bien l’intention de reprendre beaucoup plus que ce qu’il fait semblant d’accorder, ce qu’ont très bien compris les « marchés financiers » qui ont salué à leur façon le discours du Premier ministre. En d’autres termes : quand bien même il s’agirait d’un « bougé » de Macron, Lecornu et compagnie, contraints, en raison de la situation d’instabilité politique et de leur position ultra-minoritaire, d’opérer un repli, tout indique qu’il ne s’agit pour l’exécutif que de reculer pour mieux sauter et il est dès pour le moins fâcheux de vous voir, au côté de vos camarades du PS, semer des illusions quant à la portée dudit repli et quant aux possibilités de parvenir, par le débat parlementaire, ainsi que vous l’avez prétendu, à obtenir « de grandes conquêtes dans les prochaines semaines » (3), quel talent.

Car si une actualité a certes tendance à chasser l’autre, nous n’avons pas oublié dans quelles conditions vous avez été élu à l’Assemblée, à savoir un cadre d’unité, le Nouveau Front populaire, participant d’une dynamique non seulement d’opposition radicale à la victoire annoncée du Rassemblement national aux élections législatives consécutives à la dissolution de juin 2024, mais aussi de la volonté d’une rupture nette avec le macronisme, sa brutalité et ses politiques au service des riches. Concernant les retraites, vous n’avez ainsi pas été élu avec le mandat d’obtenir une « suspension » mais, comme on peut le lire dans le programme du NFP, n’hésitez pas à jeter un œil d’ailleurs, pour « abroger immédiatement les décrets d’application de la réforme d’Emmanuel Macron passant l’âge de départ à la retraite à 64 an » et pour « réaffirmer l’objectif commun du droit à la retraite à 60 ans », ce qui n’est pas exactement la même chose qu’undécalage d’application du calendrier de la réforme.

« Le NFP ne rencontrera le président à nouveau que si nous avons l’assurance que la réforme des retraites sera abrogée, que les salaires et les services publics seront revalorisés. Parce que nous voulons être avec ce peuple français qui attend et qui espère », expliquait ainsi, en août 2024, l’une des principales figures du Nouveau Front populaire. Le même déclarait, deux mois plus tard, avec tout autant de conviction, ceci : « On ne peut pas simplement corriger ou amender la réforme des retraites comme l’a proposé Michel Barnier. C’est une réforme injuste, adoptée par le 49.3, sans majorité ni au Parlement, ni dans le pays. On doit l’abroger ». Et d’enfoncer le clou, en mars 2025, en proclamant ce qui suit : « Mon objectif est clair : l’abrogation de la réforme des retraites à 64 ans, c’est la promesse que nous avons faite aux électeurs qui nous ont fait confiance ». Point.

Le problème, et nos lecteurs et lectrices l’auront sans doute déjà compris, est que ce représentant du NFP n’est autre qu’un certain Faure Olivier, également auteur de cette bouleversante profession de foi : « Quand nous signons, nous n’avons qu’une parole. La fiabilité et la confiance sont essentielles dans la relation avec le reste de la gauche ». On comprend d’autant mieux pourquoi, lorsque vous avez l’audace de déclarer que, grâce à la non-censure du gouvernement, « les masques vont tomber », certains s’agacent un peu et vous accusent, vous, d’avoir tombé le masque en faisant le choix de donner de l’air à la macronie et en vous émancipant notablement du programme sur lequel vous avez été élu. Et il est difficile là encore de ne pas penser à l’une de vos autres récentes déclarations, à l’époque — pas si lointaine — des deals entre le RN et le gouvernement Barnier : « Ce gouvernement qui n’est soutenu que par une poignée de députés ne gagne ses votes que grâce aux voix du RN. Le RN est passé d’opposant à béquille du macronisme. Que ses électeurs s’en souviennent le moment venu. »

Voilà voilà.

Cher Olivier Faure, même si nous n’avons pas spécialement envie de reprendre à notre compte les noms d’oiseaux qui circulent actuellement lorsqu’il s’agit de parler de vous, nous n’avons pas manqué de relever votre réaction à des invectives adressées à votre attention lors de la manifestation intersyndicale du 2 octobre, alors que certains vous soupçonnaient déjà de vouloir privilégier la prétendue « stabilité » au détriment de la dynamique et du programme sur lesquels vous avez été élu, et vous le faisaient savoir en vous traitant de « collabo » :

– Journaliste : « Quand vous entendez « PS collabos » quelle est votre réaction ? »

Olivier Faure : « Je ne sais pas de qui ils parlent. Vous savez, les gens qui manifestent avec ce type de slogans, ils devraient se rappeler que tout ce pour quoi ils manifestent c’est à nous qu’ils le doivent. Parce que s’il n’y avait pas eu la gauche depuis Jaurès, depuis Blum, depuis Mitterrand, eh bien ils n’auraient pas aujourd’hui les droits qu’ils possèdent. Et tous les droits qu’ils cherchent à défendre aujourd’hui ils ne les doivent pas à n’importe qui, ils les doivent à la gauche socialiste. »

Nous n’épiloguerons pas ici sur le fait qu’il est pour le moins hardi, lorsqu’il s’agit de répondre à l’insulte « collabo », d’invoquer le nom de François Mitterrand (4), pour nous concentrer sur cette idée selon laquelle la population « devrait » l’ensemble de ses droits démocratiques et sociaux à la « gauche socialiste », qui est non seulement particulièrement farfelue — il suffit de penser au Conseil national de la Résistance — mais en outre particulièrement arrogante, problématique et, in fine, révélatrice. Cette idée de « dette » porte en effet en elle la négation du fait pourtant largement avéré que ce sont les combats populaires et ouvriers qui sont le moteur du progrès social et non le volontarisme de tel ou tel parti, comme en témoigne par exemple l’épisode de l’obtention des congés payés et de la semaine de 40 heures qui ne figuraient pas, en 1936, au programme du Front populaire, et qui furent imposés par le mouvement historique de grèves et d’occupations d’usines qui a suivi les élections, ou le cas de la plus forte augmentation du salaire minimum (+35%) qui ne fut pas la conséquence d’une quelconque mesure venue de la gauche mais des accords de Grenelle consécutifs à la mobilisation de Mai 68 (5).

Voilà qui en dit finalement plus long sur vous que bien des revirements : s’il vous reste une conviction, c’est celle que la priorité absolue doit être accordée à la survie du Parti socialiste et de son dispositif d’élus, et non aux aspirations populaires et aux mandats sur lesquels vous avez été envoyés à l’Assemblée. Vous vous donnez ainsi l’air d’être persuadé, même si nous ne savons pas précisément quelle est la part entre la sincérité la plus naïve, l’hypocrisie la plus vile et l’auto-intoxication, qu’avec la bonne tactique et la bonne méthode le PS pourra obtenir d’Emmanuel Macron et de son gouvernement des « concessions » bénéficiant à la majorité de la population, c’est-à-dire une politique exactement inverse de celle qui est menée depuis 2017 (6). Jusqu’à déclarer sans ciller, ainsi que le rapporte le Figaro, « [qu’]à la fin des débats budgétaires, il est possible qu’il ne reste plus rien du macronisme », attention à ne pas trop en faire tout de même, à défaut d’être crédible ça en devient gênant, surtout lorsque l’on se souvient de vos justifications pour ne pas censurer, dans un premier temps, François Bayrou : « Le souhait des socialistes n’est pas de censurer pour censurer. Nous voulons une vraie discussion qui permette de chercher des compromis pour améliorer la vie des Français·es ». Avec le succès que l’on sait.

« Par moments, on dit que je suis un génie, puis que je suis nul, puis de nouveau super. Pendant deux jours, on va dire que je suis un mec génial. Dans quinze jours, je serai peut-être le diable », expliquiez-vous, toujours d’après le Figaro, après que le gouvernement Lecornu eut échappé à la censure grâce à la généreuse complaisance du PS. Pour notre part, pas plus que nous n’estimons, contrairement au commentariat médiatique enthousiaste, que votre attitude témoigne d’une quelconque forme de « responsabilité », la seule chose dont vous êtes responsable étant en l’occurrence d’avoir donné un peu d’air à la macronie qui n’en demandait pas tant, nous ne pouvons nous satisfaire d’avoir le choix entre vous considérer comme un « mec génial » ou comme « le diable ». Et après d’intenses cogitations, de profondes tergiversations et diverses tentatives de construire en quelques mots, tout en essayant de ne pas tomber dans la caricature ou, pire, dans l’insulte, une formule permettant de vous définir avec le plus possible de clarté, de finesse et d’acuité, nous en sommes arrivé à celle-ci : un dirigeant socialiste.

Certains de nos lecteurs et lectrices estimeront peut-être, au vu de nos précédentes missives, que le ton que nous adoptons à votre égard est moins virulent que celui employé à l’accoutumée. Ce qui n’est certes pas faux, mais qui n’a rien à voir avec le fait que nous vous chercherions la moindre excuse ou que nous éprouverions une quelconque forme de sympathie à votre égard, et tout à voir avec le fait que, bien que votre attitude de ces derniers jours nous ait convaincu que vous méritiez de figurer au palmarès du Boxing Day, nous ne vous confondons pas avec l’extrême droite ni avec leurs complices plus ou moins assumés. Contrairement à vous, nous n’avons en effet pas oublié que la démonstration a été faite, il y a un peu plus d’un an, que seule une dynamique unitaire à gauche, assumant la rupture politique et appuyée sur le mouvement social et les mobilisations, pouvait redonner confiance à la jeunesse et aux classes populaires et permettre de commencer à enrayer le processus de fascisation, contrairement à l’opportunisme carriériste et au sectarisme boutiquier.

Cher Olivier Faure, les semaines qui viennent nous diront jusqu’à quel point vous assumerez d’être une béquille de la macronie et de retarder l’inévitable crise de régime. Vous nous faites aujourd’huipenser, comme tous ceux qui prétendent qu’il est possible de « stabiliser » la situation institutionnelle en adoptant une attitude « raisonnable », au Coyote des Looney Tunes qui, tout obsédé qu’il est par sa course-poursuite avec Bip Bip, se retrouve à courir au-dessus du vide et, lorsqu’il en prend conscience, préfère ne pas regarder en bas pour ne pas (sa)voir ce qui se passe, afin, espère-t-il, de retarder sa chute. Sauf que nous ne sommes pas dans un cartoon, que la chute va être particulièrement brutale et que nous sommes des millions à refuser de nous laisser docilement entraîner dans le précipice par vous et vos semblables, a fortiori lorsque vous le faites, toute honte bue, au nom d’un camp social dont vous ne défendez — très partiellement — les intérêts que quand vous estimez qu’ils coïncident avec les vôtres, lesquels constituent, au total, votre unique obsession.

Cordialement,

Jules Blaster

(1) Déclaration de Pierre Jouvet, secrétaire général du Parti socialiste, au soir de la (re)nomination de Sébastien Lecornu : « Nous rappelons de manière très claire ce soir au Premier ministre que s’il n’y a pas dès sa déclaration de politique générale la confirmation de l’abandon du 49.3, des mesures pour protéger et renforcer le pouvoir d’achat des Français et une suspension immédiate et complète de la réforme des retraites, nous le censurerons ». Ou pas.

(2) Dans la note de blog qu’il a publiée suite aux annonces de Sébastien Lecornu, Michaël Zemmour explique ainsi que « les générations 1964 à 1968 (3,5 millions de personnes) gagneraient 3 mois d’âge et les générations 1964 à 1965 3 mois de durée », mais que « les suivantes seront intégralement touchées par la réforme de 2023, en l’absence de toute nouvelle loi ».

(3) Notons ici qu’alors que l’on vous entend distinctement, sur la vidéo que vous avez repostée sur votre compte X, parler de « grandes conquêtes dans les prochaines semaines », vous vous êtes contenté, dans ledit post, d’évoquer « d’autres conquêtes », soit, sans doute, une forme d’auto-modération.

(4) Nous n’épiloguerons pas davantage sur le fait que les députés et sénateurs de l’ancêtre du Parti socialiste, la SFIO, ne se sont pas particulièrement distingués par leur radicalité lors du vote des pleins pouvoirs au maréchal Pétain en 1940 : 90 pour, 36 contre, le reste se répartissant entre abstention et absences.

(5) Lors de l’arrivée au pouvoir de François Mitterrand en 1981, le salaire minimum fut augmenté de 10%, ce qui n’est pas rien mais ce qui est très loin des 35% de juin 1968.

(6) Si l’on se limite aux mandats d’Emmanuel Macron. Par charité, nous ne nous attarderons pas ici sur le mandat précédent, de même que nous ne nous étendrons pas sur votre très intéressante déclaration au lendemain de l’élection présidentielle de 2017 : « Nous voulons la réussite de Macron. Nous souhaitons participer à cette majorité ».

Crédits photo/illustration en haut de page :
Morgane Sabouret / Margaux Simon

https://www.blast-info.fr/articles/2025/cher-olivier-faure-boxing-day-52-v21jUGH9RRS9ykaVJTdeYw

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