Extrême droite et complotisme : au service (après-vente) de Vladimir Poutine

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Le souffle de l’infox

Extrême droite et complotisme : au service (après-vente) de Vladimir Poutine

Deuxième partie de notre enquête sur la Russian Connection. En difficulté tant dans la guerre qu’elle mène en Ukraine que du point de vue de la situation intérieure, la Russie livre une bataille sur un autre front : celui de l’information, notamment à destination des pays européens. Pour mener son offensive, le Kremlin dispose d’un vaste réseau d’agents d’influence au sein de l’extrême droite et de la complosphère, qui relaient scrupuleusement la propagande nationaliste et réactionnaire du régime de Vladimir Poutine. En mai dernier, plusieurs de ces fidèles fantassins du pouvoir poutinien se sont envolés pour Moscou, où les autorités leur ont déroulé le tapis rouge. Parmi ces invités, plusieurs membres de la rédaction du média complotiste « Géopolitique profonde », l’essayiste d’extrême droite Alain Soral et le chanteur Francis Lalanne.

« La Russie peut-elle encore sauver le monde ? »Voilà la question posée par l’animatrice d’origine russo-arménienne Lara Stam en préambule de son entretien avec l’ancien ambassadeur de Russie en France Alexandre Orlov, en poste de 2008 à 2017, posté sur la chaine YouTube « Géopolitique Profonde » au mois d’avril. Après avoir multiplié les marques de soutien à l’égard de la Russie, la rédaction du média complotiste était fin prête à passer la vitesse supérieure. Cette abnégation vaut aujourd’hui aux membres de Géopolitique Profonde d’être dans les petits papiers des autorités russes, comme en témoigne l’accueil qui leur a été réservé lors de leur séjour à Moscou en mai dernier.

Géopolitique profonde à Moscou : Quand passent les guignols

À l’occasion des célébrations du 9 mai, marquant la défaite du Troisième Reich, Géopolitique profonde avait dépêché plusieurs envoyés spéciaux afin de couvrir le traditionnel défilé militaire se déroulant sur la place Rouge. L’équipe de choc se composait de Franck Pengam, fondateur et actuel président du média, du présentateur Nicolas Stoquer, qui officie également sur Radio Courtoisie, de Lara Stam, elle aussi animatrice de l’autoproclamée « radio du pays réel » et compagne de Stoquer, ainsi que de leur « attaché de presse », Olivier Duteil, de son vrai nom Olivier de Senailhac, expatrié français résidant au Canada et figure de la mouvance antivax québécoise.

Olivier Duteil et Franck Pengam, à gauche, en compagnie de l’homme d’affaires Xavier Moreau, fondateur du site Stratpol, à droite, au milieu.
Image Géopolitique Profonde

Comme nous l’avions évoqué dans un précédent article, Franck Pengam s’était déjà rendu en Russie en mars 2024 à l’invitation des autorités qui avaient désigné 183 observateurs « indépendants », parmi lesquels l’eurodéputé du RN et ex-secrétaire d’État chargé des Transports Thierry Mariani ainsi que le militant néofasciste Yvan Benedetti, chargés de s’assurer du bon déroulement de l’élection présidentielle. Malgré la présence de ces scrutateurs, dont on ne saurait douter de la probité, les ONG et les rares médias d’opposition à ne pas encore avoir été réduits au silence avaient dénoncé une fraude massive.

Pengam et ses comparses en ont profité pour réaliser une série d’entretiens avec diverses personnalités politico-médiatiques de premier plan telles que l’idéologue d’extrême droite Alexandre Douguine, cofondateur du Parti national-bolchévique et théoricien de l’eurasisme ; Maria Zakharova, porte-parole du ministère des Affaires étrangères de la Fédération de Russie ; le tonitruant vice-président de la Douma — équivalent de l’Assemblée nationale en Russie — Piotr Tolstoï qui, lors d’une interview accordé à BFM-TV l’an passé, avait déclaré que la France était gouvernée « en partie par des pervers », ce qui avait été compris comme une allusion plus ou moins explicite à l’homosexualité de l’éphémère Premier ministre Gabriel Attal et celle, supposée, d’Emmanuel Macron ; Margarita Simonian, rédactrice en chef des médias Sputnik et Russia Today, tous deux interdits de diffusion sur décision de la Commission européenne quelques jours après le déclenchement de « l’opération militaire spéciale » en Ukraine ; Vladimir Soloviev, présentateur vedette de la chaine d’État Rossiya-1 connu pour son langage fleuri ; Anatoli Karpov, champion du monde d’échecs et député du parti présidentiel Russie unie ou encore le cinéaste Nikita Mikhalkov.

De gauche à droite, Alexandre Douguine, Nicolas Stoquer et Franck Pengam.
Image DR

Quelques jours plus tard, Nicolas Stoquer et Lara Stam étaient de retour sur le plateau de Géopolitique profonde pour un débrief de leur petite escapade moscovite. Durant l’émission, l’animatrice a tenu à remercier l’ambassade de Russie d’avoir facilité leurs démarches administratives avant de préciser que le ministère des Affaires étrangères russe leur avait délivré une accréditation via le Département de l’information et de la presse, comme c’est habituellement le cas pour les grandes chaines de télé. « On est très grand et très apprécié auprès du ministère », ajoutait l’ex-conseillère municipale de la commune d’Asnières.

« Ça change d’Élisabeth Borne et de Madeleine (sic) Schiappa », commentait quant à lui Nicolas Stoquer en parlant de Maria Zakharova, « blonde » et « souriante ». « La Russie na pas besoin de combat féministe » renchérit Lara Stam, avant d’évoquer « une excellence russe » en la matière. Pour rappel, en 2017, la Douma avait adopté un projet de loi dépénalisant les violences domestiques, abaissées au rang de simple infraction passible d’amende. Motif invoqué pour justifier cette décision : la préservation des valeurs traditionnelles familiales. Selon les estimations du centre Anna, association d’aide aux victimes de violences conjugales créée en 1993, en moyenne, plus de 8000 femmes périraient sous les coups de leur conjoint chaque année en Russie.

La chair et le sang du peuple russe

Le 25 juin dernier, Géopolitique profonde a posté sur YouTube la vidéo de l’entretien avec Vladimir Soloviev, qui s’est déroulée sur le plateau du talk-show animé par ce dernier. L’entretien était mené par Xavier Moreau, ancien officier parachutiste installé en Russie depuis le début des années 2000 et créateur du site Stratpol, considéré comme l’une des principales caisses de résonance de la propagande du Kremlin sur la Toile. Pendant près d’une demi-heure, Soloviev étrille les dirigeants européens dont il compare la prétendue « russophobie » à l’antisémitisme des années 1930. Une rhétorique qui n’est pas sans rappeler celle de l’extrême droite israélienne.

« Pourquoi Macron est-il si furieux ? Parce que nous avons chassé son petit derrière minable de l’Afrique », assène-t-il encore. À l’inverse, il se montre élogieux à l’égard de Donald Trump, qualifié de « très courageux » et de « très audacieux » ; reprenant au passage les mensonges du milliardaire sur l’élection volée de 2020. Selon Soloviev, la démocratie fonctionnerait mieux en Russie qu’au sein de l’Union européenne. Il en vient à parler du « grand remplacement » et déplore qu’à Saint-Denis, la ville où se trouve la basilique abritant la nécropole des rois de France, l’arabe se soit substitué au français comme langue majoritaire.

Interrogé par Xavier Moreau qui voudrait savoir quel genre d’homme est Poutine, il déclare que l’ancien officier du KGB représenterait « la chair et le sang du peuple russe », et soutient que le maître du Kremlin aime vraiment les gens et qu’il ne chercherait aucunement à s’accrocher au pouvoir, quand bien même il aurait fait modifier la Constitution en 2021 afin de pouvoir effectuer deux autres mandats de six ans. Puis d’ajouter sur un ton péremptoire : « Il ny a aucun signe de tyrannie ou d’autocratie. »

Le directeur de Stratpol abonde dans son sens, prétendant que le président russe vivrait « comme un moine ». Un moine qui est tout de même l’heureux propriétaire d’une luxueuse résidence au bord de la mer Noire et dont la fortune personnelle se chiffrerait en dizaines de milliards de dollars (1).

« Français, reprenez-votre pays » enjoint Soloviev pour conclure.

Fondateur visionnaire

Franck Pengam avait, quant à lui, décidé de prolonger son séjour. Le 20 mai, il a ainsi participé à une conférence intitulée « Nouvel ordre mondial : Le rôle de la Russie dans la formation d’un monde multipolaire » au côté du propagandiste d’extrême droite Alain Soral.

Face à l’auditoire, Pengam déclare que beaucoup de Français pensaient qu’il n’y avait pas d’électricité en Russie. Il poursuit en saluant la « résilience économique et financière » du pays. Une résilience à relativiser compte tenu des sérieuses difficultés auxquelles ledit pays est actuellement confronté.

« En tant que média, nous essayons de diffuser vos nouvelles technologies, vos idéologies et tout ce qui tourne autour de la souveraineté » confie le « fondateur visionnaire »de Géopolitique profonde, pour reprendre les termes employés sur le site du média, en pleine opération séduction.

Franck Pengam se dit admiratif de « ce que la Russie a construit » et se félicite de la résistance qu’offre le pays face à l’impérialisme occidental. L’analyste financier termine en lançant un appel à l’auditoire : « On espère qu’un jour, vous allez nous aider à retrouver notre souveraineté en France et pour tous les peuples patriotes du monde ».

Jacques Doriot n’aurait pas dit mieux.

Celui qui retient

Un peu plus tôt, Alain Soral était lui monté à la tribune pour dire quelques mots.

Alain Soral au pupitre lors de la conférence du 20 mai.
Image Égalité et réconciliation

Au cours de son intervention, le fondateur du site Égalité et réconciliation, sur lequel on peut trouver des t-shirts arborant le slogan « Poutine, vite ! », assimile le président russe au « katechon », un terme grec que l’on pourrait traduire par « Celui qui retient » ou « Celui qui empêche ». Dans la tradition biblique, le katechon désigne une entité ou parfois même une personne dont le rôle est d’empêcher la venue sur Terre de l’Antéchrist dans l’attente du Jugement dernier. Au XXe siècle, ce concept a été repris par le juriste et philosophe allemand Carl Schmitt, adhérent du parti nazi et président de l’Union des juristes nationaux-socialistes. Tout un programme…

L’essayiste multicondamné dresse en outre un parallèle entre la situation à Gaza et la guerre en Ukraine en prenant soin, dans le second cas, d’inverser les rôles et de faire peser la responsabilité du conflit sur les « judéo-nazis ukrainiens ». Un terme qui a, de son propre aveu, quelque peu gêné ses interlocuteurs et que l’interprète a d’ailleurs préféré ne pas traduire.

Alain Soral et Franck Pengam invités sur le plateau de l’émission présentée par Xavier Moreau « Ici Moscou ! Les Français parlent au Français », diffusée sur le site de RT France. On appréciera le parallèle avec la Résistance.
Image Égalité et réconciliation

Pengam-Soral : Donbass insiders

Comme Erik Tegnér, le directeur du média d’extrême droite Frontières, l’avait fait avant eux, nos deux larrons ont par la suite effectué un voyage sous bonne escorte dans le Donbass.

« Le narratif dit que Poutine a fait une invasion mais allez sur place, vous allez voir qu’il n’y a aucune invasion ». À son retour du Donbass, Franck Pengam s’est empressé d’aller sur le plateau de RT France pour raconter ce qu’il avait vu sur place, « loin des récits formatés ». Sur la miniature de la vidéo, il porte une des casquettes offertes par Nikita Mikhalkov.
Image Géopolitique profonde.

« Je n’ai pas vu trop de tapettes » dira Soral à propos de leur petite virée lors d’un entretien avec Franck Pengam réalisé une fois le duo rentré à Moscou, et posté sur YouTube le 16 juin. Pendant près de deux heures, Soral livre ses impressions sur ce voyage d’agrément et analyse les sujets d’actualité avec la finesse qu’on lui connaît. Il compare ainsi « l’idéologie LGBT » à une « logique d’auto-euthanasie », affirmant que des « travelos » viendraient enseigner la fellation aux enfants de maternelle. Ce à quoi Franck Pengam répond qu’avec « un pouvoir fort, on peut nettoyer tout ça ».

« Nous avons aujourd’hui des dirigeants qui sont gay-friendly et qui nous poussent à la guerre contre un pays, un peuple et une coalition qui sont beaucoup plus formés et prêts à tenir sur le terrain », avance l’idéologue d’extrême droite, pour qui qu’il faudrait un « despotisme éclairé » pour la France, avant d’embrayer sur le « satanisme oligarchique ». Avec Soral, l’antisémitisme n’est jamais bien loin. « Il y a des manipulateurs néoconservateurs, dont on connaît souvent l’origine, qui jouissent de voir des Slaves se tuer entre eux » déclare-t-il, jugeant à ce titre que Volodymyr Zelensky n’est « pas vraiment un Ukrainien ».

L’auteur de Comprendre l’Empire prédit en outre un « grand basculement général » qui marquerait « l’échec de l’Antéchrist » et dont il espère qu’il surviendra de son vivant : « Si je ne le vois pas, j’aurai été comme Moïse. Au moins, j’aurai montré la Terre promise » décrète-t-il en toute humilité.

À la fin de l’entretien, celui qui a émigré au pays du chocolat et du secret bancaire en 2019, suite à ses démêlés avec la justice, évoque son procès à venir pour « injures publiques racistes et provocation à la haine raciale » et « provocation publique non suivie d’effets à commettre l’un des crimes et délits portant atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation », tout en continuant à filer la métaphore religieuse : « Ce procès va être mon apothéose d’une certaine manière, mon Golgotha peut-être. » L’audience s’est tenue le 18 juin, deux mois après la publication de la vidéo, dans laquelle il disait envisager une expatriation à l’Est pour échapper à nouveau à la justice. Le 11 septembre, Alain Soral a été reconnu coupable et condamné à un an de prison ferme et 4000 euros d’amende.

Quant à aux petits télégraphistes de Géopolitique profonde, depuis leur retour de Russie, il ne se passe pas une semaine sans qu’ils ne publient sur leur chaine YouTube une à plusieurs vidéos alignées à 100% sur les positions du Kremlin.

Dès qu’il s’agit de relayer la voix du Kremlin, Franck Pengam et ses comparses répondent présents à l’appel.
Images Géopolitique Profonde

Francis Lalanne : bons baisers de Russie

Franck Pengam et son équipe n’étaient pas les seuls Français présents au défilé du 9 mai. Le chanteur Francis Lalanne s’est lui aussi rendu en Russie, où il a passé plusieurs semaines. Soutien actif et enthousiaste de l’action de Vladimir Poutine, l’artiste en a profité pour faire la tournée des chaînes d’État. La veille des célébrations du Jour de la Victoire, il était sur le plateau de Sputnik Afrique, fer de lance de l’offensive informationnelle menée par la Russie dans les pays d’Afrique francophones.

S’il ressasse les mêmes éléments de langage que lors de ses interventions dans les médias hexagonaux, l’auteur-compositeur, qui porte sur sa veste un écusson frappé du cœur vendéen, adopte un ton plus posé. Durant l’entretien, il déclare que la Russie est l’agressée avant d’ajouter que sa victoire était déjà actée. L’interprète de Narcisse Lalanne, son double télévisuel apparu dans plusieurs saisons de l’émission Fort Boyard, semble convaincu d’être investi d’une mission auprès de ses compatriotes : « Moi, je suis ici pour faire en sorte que cette propagande s’arrête en France. Et je pense qu’avec le soutien de la Russie, j’y parviendrai parce que je suis quelqu’un qui est très écouté en France. Ça fait presque un demi-siècle que j’habite le cœur des Français et des Françaises qui me font confiance et qui savent que je ne mens jamais », affirme-t-il pompeusement face à la présentatrice. Avant d’indiquer qu’il doit rencontrer des producteurs russes et d’évoquer la possibilité d’une tournée à travers le pays.

Le lendemain, sur le plateau de Russia Today, il révèlera même avoir contacté le ministère de la Défense russe pour se proposer d’aller sur le front remonter le moral des troupes. « Un régime autoritaire, je trouve que c’est compatible avec la démocratie parce que l’autorité permet à la démocratie de respecter son propre cadre », soutient alors avec conviction le chansonnier, qui espère revenir pour les célébrations de l’an prochain. S’il n’a pas été « coffré » par le pouvoir macronien d’ici là.

Quelques jours plus tard, le Journal du dimanche (JDD), propriété du groupe Bolloré, publiait dans ses colonnes une « lettre aux Français » signée Francis Lalanne dans laquelle celui-ci répète le mantra récité ad nauseam par les thuriféraires du régime de Poutine, à savoir que la Russie ne veut pas la guerre et qu’elle ne fait que se défendre. Message qu’il a de nouveau eu l’occasion de marteler lors de son passage sur Géopolitique profonde le 5 juin.

« Comment vivent les Russes ? Comment situer Moscou par rapport à Paris ? Est-ce une ville sûre, propre, où il fait bon vivre, ou peut-on la comparer au Paris d’Anne Hidalgo : sale, invivable où règne l’insécurité ? Existe-t-il une liberté d’expression ou la parole est-elle cloisonnée comme en France ? » s’interroge le présentateur Mike Borowski au début de son entretien avec le plus russophile des chanteurs français. Lequel estime mener une « contre-offensive culturelle » ayant pour objectif de convaincre les Russes que la population française était dans sa grande majorité en total désaccord avec les positions du gouvernement sur la question ukrainienne.

Pour Francis Lalanne, qui juge la vie au pays de Poutine « douce », les Français seraient « très mal informés » sur le conflit. Une lacune qu’il se propose humblement de corriger.

Boroswki ne tarit pas d’éloges à l’égard de son invité, qu’il décrit comme « le plus grand artiste français » actuel. L’animateur confie d’ailleurs ses inquiétudes quant à la sécurité de celui-ci, supposément menacée du fait de ses engagements. Ce à quoi l’intéressé répond qu’il n’a peur que du jugement de Dieu.

Aux yeux de Francis Lalanne, la défaite militaire de la Russie est un scénario tout bonnement inenvisageable : « Ils ont viré Hitler, ils ont viré Napoléon, ils ont viré tout le monde. Tu crois qu’ils vont se faire emmerder par le petit croquignole qui joue les gros bras en se prenant des torgnoles à la sortie de l’avion de son papa déguisé en maman ? » tempête le musicien qui préconise en outre la sortie de la France de l’OTAN et de l’Union européenne.

« Macron, pizda ! » s’exclame le tandem Borowski-Lalanne en guise de conclusion. Des mots que le chanteur a entendu de la bouche d’un militaire russe rencontré lors de son séjour et que nous préférons ne pas traduire ici.

Le 12 juin dernier, l’ambassade de Russie organisait une soirée à l’occasion de la fête nationale. Comme l’a rapporté le média d’investigation La Lettre, Francis Lalanne, Florian Philippot, président du parti Les Patriotes, Franck Pengam ou Pierre de Gaulle, petit-fils de Charles et habitué des lieux, figuraient parmi les invités. Un mois plus tard, le 16 juillet, Francis Lalanne s’est vu remettre par l’ambassadeur Alexeï Mechkov, en poste depuis 2017, un portrait dédicacé de son idole en remerciement de « son attachement sincère à la culture russe, son regard bienveillant sur la Russie et sa contribution active au rapprochement culturel entre les peuples russe et français »,nous renseigne le site de l’ambassade.

Francis Lalanne reçu par l’ambassadeur de Russie en France Alexeï Mechkov.
Image ambassade de Russie en France

Le souvenir ardent de Daria Douguina

Le 23 août, les soutiens français du régime de Poutine s’étaient donné rendez-vous à Paris pour rendre hommage à Daria Douguina, la fille de l’intellectuel ultranationaliste Alexandre Douguine, tuée dans un attentat à la voiture piégée le 20 août 2022; opération vraisemblablement orchestrée par les services spéciaux ukrainiens et dont il apparait que le père de la jeune femme était la véritable cible.

Dans un premier temps, une messe en sa mémoire s’est déroulée en la cathédrale de la Sainte-Trinité, située non loin de la tour Eiffel et dont les liens étroits avec le gouvernement russe lui ont valu les surnoms de « Kremlin-sur-Seine » ou « Saint-Vladimir ». Cérémonie à laquelle nous avons assisté discrètement.

À l’extérieur, quelqu’un filme les allées et venues des personnes présentes au grand dam des agents de sécurité qui demandent aux policiers en faction à proximité du bâtiment d’intervenir. Il s’agit de la journaliste américaine Sarah Ashton-Cirillo, correspondante de guerre qui a couvert le conflit pour le site d’information LGBTQ Nation avant de rejoindre les rangs de l’armée ukrainienne et d’être nommée porte-parole des Forces de défense territoriale. Après des négociations houleuses, les vigiles décident de baisser le rideau pour l’empêcher de prendre d’avantage d’images.

L’été et des arbalètes

L’un des participants porte un écusson du groupe Wagner ainsi qu’un t-shirt avec l’inscription en russe : « L’été et des arbalètes », titre d’une chanson à la gloire de l’organisation paramilitaire que l’on doit au rappeur russe Akim Apachev, natif de la ville ukrainienne de Marioupol aujourd’hui occupée par les forces russes.

« Qu’ils prennent des photos, j’aurai mon passeport (sous-entendu russe, ndlr) plus vite ! » lance crânement le partisan du groupe Wagner, que nous avons identifié comme étant Richard K., auto-entrepreneur et gérant d’une société de transport routier. Son nom figure sur la liste du site ukrainien Myrotvorets (« pacificateur » en ukrainien, ndlr) qui répertorie les personnalités considérées comme « ennemis de l’Ukraine » ; allant même jusqu’à publier des informations personnelles sur celles-ci, ce qui a d’ailleurs valu à la plateforme des critiques de la part de diverses associations de défense des droits humains.

Fiche de Richard K. sur le site Myrotvorets.
Image Myrotvorets

Deux autres participants discutent de ce passionnant sujet que constitue la prétendue transsexualité de Brigitte Macron ; l’un d’eux affirmant que de nombreuses personnes liées à cette affaire avaient été « liquidées ».

Plus tard dans la journée, un rassemblement s’est tenu place Vauban, en face de l’Hôtel des Invalides. La manifestation était organisée par l’association humanitaire SOS Donbass, fondée en septembre 2022 par Anna Novikova, entrepreneuse russe mariée à un français. Sur le site de l’association, on peut notamment trouver des affiches avec le slogan « La Russie n’est pas mon ennemi », déclinable en plusieurs langues.

Une vingtaine de personnes environ étaient présentes dont plusieurs militants d’Égalité et réconciliation mais aussi Thibault Devienne, Gilet jaune d’obédience royaliste qui avait fait le buzz en déclarant au micro du reporter Vincent Lapierre, ancien d’Égalité et réconciliation : « Macron, c’est ma pute ».

Kali Yuga

Le président de SOS Donbass Vincent Perfetti, fiché S, a préparé un discours pour l’occasion.

Le président de l’ONG SOS Donbass, Vincent Perfetti, accompagnés de militants d’Egalité et réconciliation. Le drapeau noir avec l’étoile à huit branches est celui du parti russe Eurasie, fondé par Alexandre Douguine en 2002.
Image Thibault Rios / Blast

Comme c’était le cas avec Alain Soral, son oraison prend des accents mystico-millénaristes. Il évoque ainsi le « Kali Yuga » qui, dans la mythologie hindoue, désigne une ère de conflits et de souffrances de quatre cent mille ans, puis le philosophe et ésotériste italien Julius Evola, qui se définissait comme un « super-fasciste » et dont les écrits ont grandement influencé le gouvernement de Benito Mussolini lors de l’élaboration des lois raciales en 1938. Mais à part ça, ce sont les Ukrainiens qui sont les héritiers du nazisme.

« Les conflits d’aujourd’hui ne sont pas que des jeux d’États. Ce sont des luttes cosmiques entre des forces spirituelles et il faut choisir son camp » affirme ensuite cet ancien conseiller municipal UDF de Seine-Saint-Denis passé ensuite au FN.

Et d’ajouter : « Les guerriers sont les vrais défenseurs de la paix. ». Ok Big Brother.

À l’heure des réseaux sociaux, de la viralité et de l’IA générative, l’information, et à plus forte raison la désinformation, constitue un levier d’influence majeur à même de bousculer les rapports de force entre les États. Ironiquement, c’est en voulant faire étalage de sa puissance militaire et jouer la carte de l’escalade vis-à-vis de l’Occident que la Russie aura montré à la face du monde qu’elle demeurait un colosse aux pieds d’argile, comme l’était l’URSS. Et alors que l’avenir du régime poutinien apparait incertain, il y a fort à parier que ses soutiens au sein du monde politique et médiatique redoublent d’efforts pour maintenir l’illusion d’une nation prospère et militairement invincible.

(1) Voir à ce sujet le documentaireUn Palais pour Poutine réalisé par la Fondation anti-corruption, une ONG créée par l’opposant politique Alexeï Navalny, victime d’une tentative d’empoisonnement en 2020 et décédé quatre ans plus tard en détention dans des circonstances troubles.

Crédits photo/illustration en haut de page :
Margaux Simon

https://www.blast-info.fr/articles/2025/extreme-droite-et-complotisme-au-service-apres-vente-de-vladimir-poutine-JQQZ2P-hS66JEXX7a76yrQ

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